Le Conseil de sécurité de l’ONU accepte la demande d’un cessez-le-feu de Ramadan à Gaza

Il aura fallu près de six mois, mais le Conseil de sécurité de l’ONU, chargé de garantir la paix et la sécurité dans le monde, a finalement adopté une résolution demandant un cessez-le-feu immédiat à Gaza pour le reste du Ramadan.

L'ambassadrice des EU à l'ONU lève la main pour indiquer que les EU s'abstiennent lors du vote à propos d'une résolution du Conseil de sécurité demandant un cessez-le-feu à Gaza.

L’ambassadrice des EU à l’ONU lève la main pour indiquer que les EU s’abstiennent lors du vote à propos d’une résolution du Conseil de sécurité demandant un cessez-le-feu à Gaza. (Photo : Loey Felipe / UN Photo)

 

Maureen Clare Murphy, 23 mars 2024

Quasiment tous les 15 États membres ont voté en faveur de la résolution, à l’exception des EU, qui se sont abstenus mais n’ont pas opposé leur veto au texte alors qu’ils avaient annulé trois précédents projets de résolution réclamant un cessez-le-feu.

La résolution adoptée demande « un cessez-le-feu immédiat » durant le Ramadan, qui est à moitié écoulé, « ce qui se traduirait par un cessez-le-feu viable et durable ».

La Russie a cherché à modifier le vocabulaire de la résolution en faisant d’un cessez-le-feu « durable » un cessez-le-feu « permanent », mais elle n’a pas obtenu suffisamment de soutien en ce sens.

La résolution adoptée réclame également « la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages » et demande que « les parties respectent leurs obligations selon les lois internationales, en ce qui concerne toutes les personnes qu’elles détiennent ».

Le texte, qui est bref, demande également « la levée de façon évolutive de toutes les barrières à la livraison de l’aide humanitaire, et ce, en conformité avec les lois internationales humanitaires » et les précédentes résolutions adoptées par le Conseil de sécurité.

Les agences de l’ONU et autres organisations humanitaires à Gaza ont déclaré qu’un cessez-le-feu était requis afin d’empêcher une catastrophe humanitaire pire encore dans le territoire, où les enfants étaient de plus en plus au seuil de la mort en raison de la faim et de la soif.

La résolution adoptée a été mise en avant par les dix États élus du Conseil de sécurité : l’Algérie (dont le projet de résolution demandant un cessez-le-feu a fait l’objet d’un veto des États-Unis le mois dernier), l’Équateur, la Guyane, le Japon, Malte, le Mozambique, la République de Corée, la Sierra Leone, la Slovénie et la Suisse.

António Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a déclaré : « Cette résolution doit être appliquée. Un échec serait impardonnable. »

 

Le Hamas accueille favorablement la résolution, Netanyahou proteste

Le Hamas a accueilli favorablement la résolution du Conseil de sécurité et a insisté sur « la nécessité d’en arriver à un cessez-le-feu permanent » aboutissant à un retrait israélien total de Gaza et au retour dans leurs foyers des Palestiniens déplacés.

Le Hamas a également affirmé son « empressement à s’engager dans un processus d’échange immédiat de prisonniers qui se traduirait par la libération de prisonniers dans les deux camps ».

Benjamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, a protesté contre l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité en annulant une délégation prévue à Washington afin de discuter d’alternatives à l’offensive terrestre dont Israël menace Rafah.

Les EU déclarent qu’ils s’opposent à une offensive israélienne de grande envergure à Rafah, le long de la frontière sud de Gaza avec l’Égypte, sans qu’il y ait un plan en vue de protéger les Palestiniens – dont le nombre est estimé à 1,5 million – aujourd’hui concentrés dans la zone après avoir été forcés d’évacuer d’autres parties du territoire.

Antony Blinken, le secrétaire d’État américain, a déclaré à Netanyahou vendredi qu’une telle opération risquerait « d’isoler plus encore Israël dans le monde et de mettre en danger sa sécurité et sa position à long terme ».

« Nous partageons le but d’Israël, qui est de vaincre le Hamas (…) une opération militaire terrestre de grande envergure n’est pas la façon d’y arriver », a déclaré Blinken.

Certains des officiels qui étaient censés participer à cette délégation de haut niveau sont déjà à Washington, comme faisant partie de l’entourage du ministre israélien de la défense, Yoav Gallant.

Gallant a expliqué que son déplacement était avant tout centré sur « la préservation de l’avantage militaire qualitatif de l’État d’Israël et de sa capacité à obtenir des systèmes et des munitions de défense aérienne » de la part des EU.

Jeremy Konyndyk, le directeur de l’ONG installée à Washington, Refugees International, et qui a servi dans les administrations Obama et Biden, a déclaré que l’abstention de Washington, lundi, « avait manifestement tout d’un coup de semonce des EU à l’adresse de Netanyahou ».

« La couverture diplomatique américaine à l’ONU a permis à Israël de conserver un mince vernis de légitimité internationale pour son opération », selon Konyndyk. « Pas plus. »

Tel est le message reçu par Netanyahou, qui a déclaré que l’abstention était un « retrait manifeste » dans le soutien à la campagne de guerre israélienne.

L’administration Biden a tenté de minimiser le fossé croissant avec Israël et de dévier le sens de la résolution en insistant sur le fait qu’elle est en ligne avec la demande de Washington pour qu’un cessez-le-feu soit lié à la libération des ressortissants israéliens et étrangers détenus en captivité à Gaza depuis le 7 octobre.

Il faut encore voir les implications pratiques de la résolution du Conseil de sécurité pour les Palestiniens qui subissent ce que le principal organe judiciaire de l’ONU a décrété comme étant un génocide plausible, étant donné que les EU continuent d’armer les opérations militaires d’Israël et de leur donner le feu vert.

 

Abed Ayoub, le responsable du Comité contre la discrimination des Arabes américains, a déclaré que “cette résolution était vide de sans à moins que le Conseil de sécurité, et particulièrement les États-Unis, ne force Israël à obéir ».

 

Les EU minimisent la résolution

Après le vote de lundi, Linda Thomas-Greenfield, l’ambassadrice des EU à l’ONU, a tenté de saper la résolution en disant qu’elle était non contraignante. Cette affirmation a été prestement rejetée par d’autres membres du Conseil de sécurité, mais a néanmoins été répétée par le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, ainsi que par le porte-parole de la Maison-Blanche, John Kirby.

 

Blinken a déclaré que l’abstention « réaffirme la position américaine selon laquelle un cessez-le-feu de quelque durée que ce soit devra faire partie d’un accord concernant la libération des otages à Gaza ».

Il a ajouté que Washington n’avait pas voté en faveur de la résolution du fait « qu’elle ne condamne pas le Hamas ».

Kirby a expliqué que l’abstention américaine, mardi, « ne représente pas un changement dans notre politique » et qu’« il n’y a aucune raison de percevoir cela comme une sorte d’escalade » dans les tensions avec Israël.

 

La résolution avortée de Washington

La résolution du Conseil de sécurité adoptée lundi suivait un vote, vendredi, à propos d’un projet avancé par les EU et auquel le Russie et la Chine avaient opposé leur veto.

Les organes d’information et l’ambassadeur du Royaume-Uni à l’ONU ont déclaré erronément que le texte américain réclamait un cessez-le-feu immédiat. Il disait au contraire qu’un cessez-le-feu à Gaza est impératif, sans toutefois le réclamer directement.

Son langage ambigu aurait permis la poursuite des opérations militaires israéliennes à Gaza, y compris à Rafah, et c’est pourquoi il a été rejeté lors du vote par le veto de la Russie et de la Chine, ainsi que celui de l’Algérie, dans le même temps que la Guyane s’abstenait.

Craig Mokhiber, un ancien haut fonctionnaire de l’ONU, a déclaré que le projet de résolution des EU, qui « ne réclame pas un cessez-le-feu immédiat, mais suggère en lieu et place un cessez-le-feu qui pourrait être négocié pour autant que certaines conditions soient remplies (…) n’a rien d’une résolution de cessez-le-feu. C’est une demande de rançon. »

L’ambassadeur de Russie à l’ONU, Vassili Nebenzia, a dit que la « formulation édulcorée induisait délibérément en erreur la communauté internationale », afin de reporter un véritable cessez-le-feu tout en jetant un os aux électeurs américains qui veulent voir la fin du bain de sang à Gaza.

« L’action la plus urgente à entreprendre par le conseil est de promouvoir un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et durable », a déclaré Zhang Jun, l’ambassadeur de Chine, à l’issue du vote de vendredi. « C’est l’appel universel de la communauté internationale. »

À deux reprises, l’Assemblée générale de l’ONU a voté à une large majorité en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza mais, au contraire de celles du Conseil de sécurité, ses résolutions ne sont pas juridiquement contraignantes.

« Si les EU étaient sérieux à propos d’un cessez-le-feu », a déclaré vendredi l’ambassadeur de Chine, « ils n’auraient pas voté à maintes reprises contre les multiples résolutions du Conseil. Ils n’auraient pas fait un tel détour ni sorti un tel jeu de mots tout en se montrant ambigus et évasifs à propos des questions critiques. »

 

« Un feu vert à la poursuite du bain de sang »

L’adoption de la résolution de l’Algérie, à laquelle seuls les EU se sont opposés, en février, « aurait pu sauver des milliers de vies d’innocents », a déclaré Amar Bendjama, le représentant permanent du pays d’Afrique du Nord à l’ONU, à l’issue du vote de vendredi.

 

Bendjama a fait remarquer que le projet de résolution des EU évitait « de mentionner la responsabilité de la puissance occupante israélienne » dans la mort des civils palestiniens, et il a ajouté qu’elle devait en être tenue responsable.

Il a déclaré que c’était un feu vert en faveur de la poursuite de la tuerie de Palestiniens à Gaza en demandant uniquement de réduire les préjudices aux civils lors des opérations en cours et futures, impliquant qu’il s’agissait donc bien « d’un feu vert en faveur de la poursuite du bain de sang ».

Gilad Erdan, l’ambassadeur d’Israël à l’ONU, a déclaré après le vote de vendredi que le fait que le Conseil de sécurité n’avait pas adopté la résolution américaine était « une tache qui ne sera jamais oubliée ».

Il a rejeté la faute des morts de civils sur le Hamas et a prétendu que la « famine diffamatoire » à Gaza n’était que de la « propagande du Hamas », tout en niant qu’Israël entravait le mouvement de l’aide humanitaire vers le territoire ou à l’intérieur.

Martin Griffiths, le responsable de l’aide au sein de l’ONU, y est allé d’une déclaration afin de fixer le débat sur « les défis consistant à apporter de l’aide aux nécessiteux de Gaza (…) une fois pour toutes ».

 

Il a déclaré que la responsabilité dans les limites de la distribution de l’aide réside chez eux qui bloquent le mouvement des convois d’aide, en interdisant l’accès des missions humanitaires et en refusant d’ouvrir des passages dans le nord de Gaza, « où des centaines de milliers de personnes courent un risque de famine imminent ».

Il dit que la responsabilité était du côté de « ceux qui continuent à bombarder Gaza ».

« Il faut qu’Israël lève toutes les entraves à l’aide », a dit Griffiths. « C’est maintenant que nous avons besoin d’un cessez-le-feu. »

Samedi, s’exprimant depuis le côté égyptien de Rafah, Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a invité Israël à « s’engager de façon indéfectible » à permettre que l’aide circule vers et à l’intérieur de Gaza.

« Ici, depuis ce passage, nous voyons l’infinie tristesse et le manque de cœur de tout cela. Une longue file de camions d’aide bloqués d’un côté des barrières, l’ombre vaste de la famine de l’autre », a déclaré Guterres.

« C’est plus que tragique. C’est un outrage moral. »

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 23 mars 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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