Une frappe israélienne sur Rafah tue des dizaines de Palestiniens déplacés

Dimanche soir, une attaque aérienne israélienne contre le quartier de Tal al-Sultan, à Rafah, dans le sud de Gaza, a déclenché un incendie qui a ravagé tout un camp de tentes pour personnes déplacées, tuant au moins 45 Palestiniens.

 

27 mai 2024. Un petit Palestinien examine les dégâts après qu'une frappe israélienne sur les tentes hébergeant des personnes déplacées s'est soldée par des douzaines de morts et de blessés à Rafah, dans le sud de Gaza.

27 mai 2024. Un petit Palestinien examine les dégâts après qu’une frappe israélienne sur les tentes hébergeant des personnes déplacées s’est soldée par des douzaines de morts et de blessés à Rafah, dans le sud de Gaza. (Photo : Abed Rahim Khatib / DPA)

Maureen Clare Murphy, 27 mai 2024

 

L’attaque meurtrière a eu lieu moins de trois jours après que la Cour internationale de Justice (CIJ) avait réclamé la cessation immédiate de l’offensive militaire israélienne à Rafah,

« laquelle pourrait infliger au groupe palestinien de Gaza des conditions de vie susceptibles de provoquer sa destruction physique en tout ou en partie ».

Des images horribles du massacre de Rafah ont suscité un mépris généralisé de la part de nombreux dirigeants et organisations du monde entier.

Une vidéo et des photos du massacre de Rafah font partie

« de ce que nous avons vu de pire au cours des sept mois et demi écoulés »,

a déclaré Al Mezan, une organisation des droits de l’homme dont le siège est à Gaza.

Ces images incluent des Palestiniens qui tentent désespérément de retrouver des corps carbonisés dans les flammes qui font toujours rage ainsi qu’un homme qui brandit le corps mutilé d’un bébé décapité au moment où les sirènes et les survivants hurlent autour de lui.

« Gaza est un enfer sur terre. Les images de la nuit dernière en sont un nouveau témoignage »,

a déclaré l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine.

Alors que les observateurs du monde entier étaient horrifiés par les infos et images en provenance de Rafah, nombre de personnalités israéliennes, dont des journalistes, estimaient que ces mêmes images convenaient très bien pour la fête de Lag BaOmer, au cours de laquelle les fidèles juifs allument traditionnellement des feux de joie.

Balakrishnan Rajagopal, le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit au logement, a déclaré que

« attaquer des femmes et des enfants alors qu’ils se tiennent recroquevillés dans leurs abris constitue une atrocité monstrueuse ».

Rajagopal a réclamé

« une action concertée au niveau mondial afin de faire cesser à l’instant même les actions d’Israël ».

 

Un « point de rupture »

Plus de la moitié des tués du massacre de Rafah étaient des femmes, des enfants et des personnes âgées, selon les autorités de la santé à Gaza.

Au moins 66 personnes ont été tuées et 383 autres blessées au cours d’attaques israéliennes à travers Gaza ces dernières 24 heures, a déclaré lundi le ministère de la santé du territoire.

Plus de 36 000 personnes ont été tuées à Gaza depuis le 7 octobre, et plus de 81 000 ont été blessées, bien que le nombre réel de victimes soit très probablement bien plus élevé, du fait que des milliers de personnes portées manquantes sont restées ensevelies sous les décombres des bâtiments détruits.

On s’attendait à ce que le nombre de morts du massacre de dimanche à Rafah augmente en raison des brûlures sévères et du manque de sites médicaux adéquats pour traiter les blessés. Systématiquement, Israël a détruit le système des soins de santé et ciblé le personnel médical, à Gaza, entravant gravement de la sorte l’accès aux soins médicaux nécessaires d’urgence.

Israël a mis fin au mouvement des personnes qui entrent ou sortent de Gaza après s’être emparé du contrôle du passage de Rafah à la frontière égyptienne au début de ce mois, empêchant ainsi les patients d’être évacués en vue d’un traitement médical.

Le mouvement de l’aide humanitaire vers Gaza a été considérablement étouffé aussi du fait qu’Israël intensifie son offensive militaire à Rafah, la ville qui, depuis nombre de mois, sert de hub aux opérations humanitaires dans le territoire.

Martin Griffiths, le responsable de l’aide de l’ONU, a déclaré vendredi qu’

« il n’y a eu aucune limite à la souffrance et à la misère que l’opération militaire d’Israël à Fafah a infligées aux gens de Gaza ».

Griffiths a ajouté que

« cela avait coupé l’afflux d’aide dans le sud de Gaza et paralysé une opération humanitaire déjà étirée au-delà de son point de rupture ».

Le Programme alimentaire mondial a mis en garde lundi :

« Si la nourriture et les fournitures humanitaires ne commencent pas à entrer à Gaza en quantités massives, le désespoir et la faim vont se généraliser. »

Lundi également, on a annoncé que deux travailleurs médicaux avaient été tués après que les forces israéliennes avaient visé des équipes de santé à l’Hôpital koweïtien de la ville de Gaza, a déclaré le ministère de la santé.

La semaine dernière, le Complexe médical Nasser a lancé un appel urgent pour des dons de sang du fait que les hôpitaux doivent fonctionner « en pleine pénurie grave de carburant et de fournitures médicales », d’après le Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

 

Un incident « très grave »

Israël a prétendu qu’il avait ciblé deux commandants du Hamas à l’aide de

« munitions précises et sur base de renseignements précis »,

lors de la frappe qui a déclenché l’incendie meurtrier à Rafah dimanche soir.

Le procureur principal de l’armée israélienne a déclaré qu’il enquêterait sur cet incident « très grave ».

Dans son annonce de lundi, disant qu’il demandait des mandats d’arrêt à l’encontre du Premier ministre Benjamin Netanyahou, de son ministre de la Défense Yoav Gallant et de trois dirigeants du Hamas, Karim Khan, le procureur principal de la Cour pénale de Justice, a impliqué que les auto-enquêtes d’Israël étaient une « imposture ».

Les survivants éplorés du carnage de Rafah ont déclaré qu’Israël avait menti lorsqu’il avait ordonné aux gens des quartiers de l’est de Rafah d’évacuer vers l’ouest, tout cela pour uniquement se faire tuer dans leurs tentes surpeuplées.

« L’armée ment. Il n’y a pas de sécurité à Gaza. Il n’y a pas de sécurité, ni pour un enfant, ni pour un homme ou une femme âgés. Voici mon frère et sa femme, ce sont des martyrs, désormais »,

a expliqué Abed Mohammed Al-Attar à l’agence d’information Reuters.

Avant la frappe israélienne meurtrière, les Palestiniens avaient lancé des roquettes depuis le sud de Gaza en direction de Tel-Aviv, ne provoquant aucune victime mais prouvant que la résistance avait toujours la capacité de perturber le cours normal des affaires dans le centre de la vie commerciale d’Israël.

Dimanche également, Abu Obeida, le porte-parole des Brigades Qassam, l’aile armée du Hamas, a annoncé que, la veille, les combattants de l’organisation avaient capturé des soldats israéliens au cours d’une embuscade à Jabaliya, dans le nord de Gaza.

Les Brigades Qassam ont diffusé un bref clip vidéo qui montre le corps ensanglanté d’un soldat traîné le long d’un tunnel ainsi que des armes et des équipements pris aux troupes israéliennes.

Israël a nié la capture du moindre de ses soldats à Jabaliya et a admis toutefois que l’un d’eux avait été grièvement blessé samedi soir, au cours des combats dans la zone.

Lundi, un garde-frontière égyptien a été tué, apparemment lors d’un échange de tirs entre militaires israéliens et égyptiens à proximité du passage de Rafah, actuellement fermé.

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Publié le 27 mai 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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