La douleur empire chez les personnes âgées de Gaza

La situation est épouvantable pour les personnes âgées de Gaza.

La situation est épouvantable pour les personnes âgées de Gaza. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)

 

Tasneem Elholy, 23 juin 2024

Samira avait tout juste dix ans quand l’armée israélienne a envahi son village de Zarnouqa, en mai 1948, et en a chassé ses habitants.

Elle se rappelle toujours comment « les gens se précipitaient vers les marchés pour se procurer de l’orge et du blé » lors de la Nakba, le nettoyage ethnique de la Palestine. L’orge, c’était pour les ânes, le blé était destiné à la consommation humaine.

La famille s’était d’abord rendue à Majdal, une autre région de la Palestine historique. Les Israéliens s’en étaient emparés en novembre 1948.

La famille avait alors mis le cap sur la région de Khan Younis, dans le sud de Gaza.

Ils étaient équipés d’une tente et étaient restés à Khan Younis pendant quelques mois avant de s’installer à Maghazi, dans le centre de Gaza.

La famille avait vécu dans une hutte en torchis. Quand elle s’était écroulée sous les lourdes pluies, ils avaient trouvé à se loger temporairement avant que le père de Samira ne leur construise une maison.

« Il y avait un large terrain autour de la maison et nous y avions planté des roses et des arbres »,

dit-elle.

« Nous allions nous y asseoir et boire du thé. »

En 1957, Samira avait épousé son cousin, un vendeur de fruits et légumes.

Pour compléter leur maigre revenu, Samira faisait parfois de la couture.

Deux des enfants de Samira, Ruqaya et Amal, étaient morts en bas âge. Neuf autres – six garçons et trois filles – avaient survécu.

 

L’horreur

La famille avait beaucoup souffert de l’occupation israélienne de Gaza, qui avait débuté en juin 1967.

En 1985, Fadi, un fils de Samira, avait été blessé à un œil quand les forces israéliennes avaient ouvert le feu sur une mosquée où lui et bien d’autres étaient en train de prier. Fadi avait besoin d’un traitement qui ne pouvait être appliqué à Gaza même.

Il avait dû attendre un mois avant de se voir accorder un permis de voyage et se rendre en Jordanie. Les médecins n’avaient pu lui rendre la vue à l’œil droit.

En une autre occasion, l’armée israélienne avait fait irruption dans la maison familiale à l’heure du déjeuner et elle avait arrêté Hamza, le fils aîné de Samira. Il était accusé d’avoir lancé des pierres contre les Israéliens et il avait été gardé en détention pendant quelques semaines.

Les membres de la famille faisaient de leur mieux pour s’entraider. Pendant quelques années, Ataf, la fille aînée de Samira, avait travaillé comme enseignante en Arabie saoudite.

Le salaire perçu par Ataf s’était avéré précieux pour soutenir la famille.

Le mari de Samira était mort d’une crise cardiaque en 1993. Malgré les nombreuses difficultés auxquelles elle avait été confrontée, Samira avait toujours encouragé ses enfants à avoir une bonne éducation.

Aujourd’hui âgée de 87 ans, Samira a perdu une bonne partie de son poids au cours de l’actuelle guerre génocidaire contre Gaza.

Elle a été déplacée à maintes reprises et forcée de vivre dans une tente.

La situation est particulièrement horrible pour une femme de son âge, affligée du diabète.

L’un des symptômes du diabète est le besoin d’uriner fréquemment. Samira ne dispose pas d’un WC à proximité de sa tente.

En se servant d’une béquille, et en se faisant accompagner de ses enfants, elle se rend à des toilettes situées à une distance considérable. Le bruit de la violence israélienne est inévitable, à chaque parcours.

Samira louait un appartement, avant le début de la guerre. Depuis, Israël l’a détruit.

La douleur est une présence constante, dans sa vie.

Quand Samira mange, elle ressent des douleurs. Quand elle a faim, elle en ressent aussi.

Samira allait régulièrement chez le médecin pour un check-up. Du fait que le système des soins de santé de Gaza a été attaqué directement et soumis aux pires tensions imaginables, Samira est désormais dans l’impossibilité de bénéficier d’une assistance médicale adéquate.

Et ses douleurs ne cessent donc d’empirer.

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Tasneem Elholy est diplômée en dentisterie et vit à Gaza.

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Publié le 23 juin 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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