Après la frappe dans les hauteurs du Golan, les dirigeants israéliens battent les tambours de guerre

Il est hautement improbable que le Hezbollah ait ciblé Majdal Shams, une localité peuplée de Druzes syriens  des hauteurs du Golan, qui se sont opposés et ont résisté à l’occupation et la colonisation de leur terre par Israël.

 

Après la frappe dans les hauteurs du Golan, les dirigeants israéliens battent les tambours de guerre. Photo : 7 juillet 2024. Deir al-Balah, dans la partie centrale de la bande de Gaza. Des Palestiniens blessés sont évacués d'une école qui vient d'être touchée par une frappe de l'aviation israélienne.

7 juillet 2024. Deir al-Balah, dans la partie centrale de la bande de Gaza. Des Palestiniens blessés sont évacués d’une école qui vient d’être touchée par une frappe de l’aviation israélienne. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)

 

Maureen Clare Murphy, 27 juillet 2024

 

Samedi, à Deir al-Balah, dans la partie centrale de la bande de Gaza, une frappe de l’aviation israélienne a touché une école abritant des milliers de Palestiniens déplacés et a tué au moins 30 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants.

Israël prétend avoir frappé un centre de commandement du Hamas, ce que la faction de résistance a réfuté.

Des vidéos et des comptes rendus de témoins indiquent que ce sont une fois de plus des civils qui ont subi tout le poids de l’attaque.

Des journalistes d’Associated Press

« ont vu le corps d’un enfant en bas âge dans une ambulance et d’autres corps alignés sous des couvertures »,

rapporte l’agence d’information.

« Les murs brisés étaient béants et les classes étaient en ruine »,

a ajouté l’agence.

« Les gens fouillaient les décombres parsemées d’oreillers et d’autres signes de résidence. »

Ce tout dernier massacre de civils déplacés de chez eux a eu lieu trois jours après que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s’est vanté, dans son discours au Congrès américain, que l’offensive à Gaza présentait

« l’un des ratios les plus bas entre non-combattants et combattants dans l’histoire de la guerre urbaine ».

En outre, plus de vingt Palestiniens ont été tués samedi à Khan Younis, dans le sud de Gaza, a fait savoir le ministère de la santé du territoire.

Samedi également, l’armée israélienne a ordonné une nouvelle évacuation d’une partie d’al-Mawasi, la zone côtière du sud de Gaza qui a été unilatéralement déclarée zone humanitaire.

En réalité, Israël a attaqué al-Mawasi à maintes reprises et les Palestiniens, qui sont nombreux à avoir été sans cesse déplacés ces derniers mois, ont été parqués dans cette zone sans la moindre infrastructure et où il n’y a que très peu de ressources pour les soutenir.

Avant le nouvel ordre de déplacement forcé de ce vendredi, quelque 190 000 Palestiniens, estime-t-on, avaient déjà été obligés de fuir Khan Younis et Deir al-Balah depuis lundi.

Israël a récemment ordonné l’évacuation de certaines zones de Khan Younis et d’al-Mawasi en prétextant que le Hamas avait tiré des roquettes depuis ces endroits ou s’y était engagé dans d’autres activités.

Jeudi, Israël a prétendu avoir retrouvé dans un tunnel de la prétendue zone humanitaire les corps de cinq Israéliens tués le 7 octobre.

Mais, en l’absence d’une véritable victoire sur le champ de bataille, Israël rend la vie plus dangereuse pour les civils dans l’espoir d’extorquer davantage de concessions de la part du Hamas dans les négociations en vue d’un éventuel échange de prisonniers et d’un cessez-le-feu à Gaza.

Le ministère de la santé a déclaré que le nombre officiel de victimes depuis le 7 octobre était de 39 250 morts et 90 600 blessés.

Le nombre réel de tués à Gaza est bien plus élevé, puisque des milliers de personnes portées manquantes se trouvent sous les décombres, à moins que leurs corps n’aient pas encore été retrouvés dans les rues.

Euro-Med Human Rights Monitor estime qu’au moins 51 000 Palestiniens de plus ont entre-temps perdu la vie des suites du siège imposé à Gaza et de la destruction délibérée par Israël du secteur médical du territoire, sans oublier la destruction généralisée des infrastructures et les déplacements massifs de civils, le tout facilitant la propagation de maladies.

Le taux de mort naturelle s’est accru, passant d’une estimation de 3,5/1 000 avant le début du génocide à 22/1 000 depuis lors, a fait savoir Euro-Med.

En s’appuyant sur les informations rassemblées par ses équipes sur le terrain ou reçues de la part d’institutions spécialisées, l’organisation basée à Genève estime que 10 pour 100 de la population de Gaza a été tuée, blessée ou portée manquante depuis le 7 octobre.

 

La frappe contre Majdal Shams

Entre-temps, un projectile a tué au moins 11 personnes, la plupart des enfants, réunies sur un terrain de sport à Majdal Shams, une localité druze des hauteurs du Golan – un territoire syrien occupé par Israël depuis 1967.

Daniel Hagari, le principal porte-parole de l’armée israélienne, a déclaré qu’il s’agissait de l’incident le plus grave ayant affecté des civils depuis le 7 octobre et a prétendu que les victimes étaient des citoyens israéliens, bien que, historiquement, les Syriens des hauteurs du Golan aient toujours refusé la citoyenneté israélienne.

Israël a accusé le Hezbollah d’une attaque à la roquette, mais l’organisation de résistance libanaise a fait savoir qu’elle n’avait rien à voir avec la frappe qui a touché Majdal Shams.

Le chef des Affaires étrangères de l’Union européenne, Josep Borrell, a condamné le « bain de sang » de Majdal Shams et a réclamé l’ouverture d’

« une enquête internationale indépendante autour de cet incident inadmissible ».

Ses commentaires sont un signe que même les alliés les plus proches d’Israël sont sceptiques quant à l’empressement de Tel-Aviv à incriminer le Hezbollah et qu’ils sont très désireux d’éviter que l’incident soit utilisé comme un prétexte à une nouvelle escalade ou à une guerre totale.

Il est hautement improbable que le Hezbollah ait ciblé Majdal Shams, une localité peuplée de Druzes syriens qui se sont opposés et ont résisté à l’occupation et la colonisation de leur terre par Israël.

Le Hezbollah a par contre revendiqué quatre attaques de représailles après une frappe israélienne à Kfarkila, dans le sud du Liban, laquelle a tué quatre combattants.

L’organisation de résistance a soigneusement calibré et limité ses ripostes aux attaques israéliennes, dont plusieurs ont tué des civils libanais, parmi lesquels des enfants.

Les représailles du Hezbollah avaient pour but d’accroître la pression sur Israël tout en évitant prudemment de franchir les lignes rouges qui pourraient fournir au régime sioniste une excuse pour lancer une guerre contre le Liban, qui serait probablement aussi dévastatrice que celle qu’Israël mène pour l’instant contre Gaza.

Hasan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, a déclaré à maintes reprises que l’organisation de résistance libanaise ne cesserait de tirer sur Israël que si un accord était dégagé en vue de mettre fin à la guerre contre Gaza.

Netanyahou reste le principal obstacle à un accord avec le Hamas à Gaza et il a introduit une fois de plus de nouvelles exigences qu’un important négociateur israélien a qualifiées de « coup de grâce aux négociations ».

Ce négociateur, resté anonyme, a dit cette semaine dans Haaretz, le journal de Tel-Aviv, que le Premier ministre

« essaie sciemment de plonger les négociations dans un état de crise parce qu’il pense qu’il peut améliorer ses positions ».

Le négociateur a ajouté que « c’est prendre un risque non calculé avec la vie des otages » ; effectivement, lundi, deux Israéliens de plus, parmi ceux qui ont été capturés le 7 octobre et ramenés à Gaza, ont été déclarés morts par contumace.

Une confrontation militaire de haute intensité entre le Hezbollah et Israël s’avérera certainement dévastatrice, tant pour Israël que pour le Liban.

Une évaluation des renseignements américains a déterminé qu’Israël a peu de chance de réussite, dans un scénario de ce genre. Et, alors que Washington a lâché la bride à Israël du côté de Gaza, l’administration Biden a cherché à apaiser quelque peu les tensions de l’autre côté, sur ce qu’on appelle le front nord d’Israël, craignant une conflagration régionale qu’il pourrait être impossible de retenir.

Le rejet emphatique par le Hezbollah de toute responsabilité dans la frappe qui a touché Majdal Shams suggère qu’il reste très désireux d’éviter un tel scénario.

Le chef de l’organisation de résistance a accepté la responsabilité – et a présenté ses excuses – d’un tir de roquette qui avait touché Haïfa et tué deux enfants palestiniens lors de la guerre de 2006, ce qui confère une certaine crédibilité à son déni de samedi.

La publication en langue arabe, Arab 48, cite des rapports locaux et dit qu’

« il n’est pas possible de confirmer, à ce stade, si c’est un drone, un obus ou missile d’interception »

qui est tombé sur Majdal Shams.

Arab 48 a cité la station de radio de l’armée israélienne qui rapportait que, selon des sources militaires, un missile lourd était tombé sur Majdal Shams et que les forces aériennes avaient lancé une enquête en vue de savoir pourquoi il n’avait pas été intercepté.

 

Les dirigeants israéliens battent les tambours de guerre

Quelle que soit l’origine du projectile, les dirigeants israéliens n’ont pas perdu de temps et se sont empressés de battre les tambours de guerre après l’incident particulièrement meurtrier de Majdal Shams, qui pourrait très bien fournir un prétexte à une confrontation militaire totale avec le Hezbollah.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Israel Katz, a dit sur Channel 12 (Israël) qu’il s’était entretenu avec Netanyahou, qui a conclu sa visite aux EU plus tôt que prévu ce samedi après la frappe qui a touché Majdal Shams.

Katz a déclaré qu’

« il ne fait aucun doute que le Hezbollah ait franchi toutes les lignes rouges »

et il a ajouté :

« Nous voilà confrontés à une guerre totale. ».

Walid Jumblatt, un ancien député libanais et membre éminent de la communauté druze de ce pays, a condamné le ciblage de civils et a insisté sur le fait que

« l’histoire passée et présente de l’ennemi israélien est remplie de massacres de civils qui ont été commis – et le sont toujours – sans la moindre pitié. »

Walid Jumblatt, qui a dit qu’il s’était entretenu avec Amos Hochstein, le diplomate américain chargé de réduire les tensions entre Israël et le Hezbollah, a réclamé une grande vigilance à l’égard des longs efforts d’Israël

« en vue de fomenter des conflits, de fragmenter la région et de cibler ses composantes ».

 

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 27 juillet 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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