Un an de normalisation entre Israël et le Maroc : rappel d’une vieille histoire d’amour !

Voici un an, l’accord de normalisation entre le Maroc et Israël était officiellement signé. Après cela, les relations entre les deux camps se sont multipliées dans toutes les directions, depuis l’échange d’ambassadeurs, jusqu’aux questions de sécurité et de coopération défensive, en passant par le tourisme, les vols des compagnies aériennes, les exportations et les relations économiques, les visites de ministres de haut niveau.

Hassan II et Shimon Peres en 1986

Hussam AldelKareem (auteur jordanien), 22 décembre 2021

Cet empressement marocain vers la normalisation avec Israël n’a rien de surprenant pour ceux qui connaissent la vieille histoire d’amour entre Hassan II, le père du souverain actuel, et Israël, une histoire qui, en fait, remonte à plus de 60 ans.

 

En commémoration de…

Le 9 juillet 2020, la page Facebook « ‘Israël’ parle arabe » énumérait les honneurs rendus par l’État d’Israël pour commémorer le 91e anniversaire de la naissance de Hassan II et on pouvait y lire :

Un monument a été érigé à sa mémoire dans la ville de Petah Tikva.
On a également baptisé à son nom l’une des artères principales de la ville de Kiryat Ekron.
Un parc a été créé à son nom dans la ville d’Ashdod.
Un sentier de balade a été aménagé à son nom à Kiryat Gat.

Lors de son décès, Israël a sorti un timbre-poste à son effigie, accompagné d’une légende en écriture arabe disant : Sa Majesté le Roi Hassan II du Maroc.

 

Un long passé de relations secrètes

Ces honneurs rendus par Israël à Hassan II ne tombaient pas du ciel. Les services rendus par le roi à Israël durant de longues années ne peuvent se résumer en un ou deux articles. Il s’agit d’une longue histoire de coopération, de coordination et même d’alliance, remontant aux débuts de l’accession du jeune roi au trône marocain en 1961 quand il se retrouva dans un environnement turbulent où des révolutions communistes et socialistes gagnaient de nombreuses parties du monde et que des mouvements de libération nationale surgissaient sans arrêt en Afrique, en Asie et en Amérique latine, en vue de se débarrasser du vieux colonialisme en même temps que de ses affiliés locaux : monarchies serviles, dirigeants tribaux et autres agents.

Près de chez lui, en Algérie, la grande révolution contre la France battait son plein et recevait un soutien illimité du pouvoir de Nasser, en Égypte, l’ennemie de toutes les monarchies arabes. La menace envers Hassan II était grave et le peuple marocain n’était pas à l’abri de la vague révolutionnaire dont les tempêtes s’intensifiaient avec la chute successive des monarchies arabes, de l’Égypte au Yémen, en passant par l’Irak.

Hassan II tourna les yeux vers l’est et découvrit Israël, l’État paria et bâtard implanté de force dans la région et qui était absolument hostile à tous les mouvements révolutionnaires, régimes progressistes, partis nationalistes arabes et organisations de gauche dans la région.

Hassan II vit en Israël un allié potentiel auquel on pouvait faire confiance et même se fier en cas de besoin.

La tentation israélienne était forte, d’autant que le jeune roi était conscient du statut élevé dont l’État juif jouissait dans les principaux pays de l’Occident, ce qui pouvait faciliter ses affaires et lui ouvrir les portes normalement closes des centres décisionnels de Partis, Londres et Washington, lesquels devaient constituer, selon lui, la garantie la plus forte et la meilleure de son pouvoir et de son trône.

Hassan II n’allait pas perdre son temps. Entre 1961 et 1964, il se mit à collaborer secrètement avec Israël, l’aidant à déplacer et à transférer – en passant par l’Europe – 97 000 Juifs marocains vers la Palestine occupée (l’immigration des Juifs marocains en Israël avait pris fin en 1956). Et, en 1965, il concluait un arrangement avec Israël, permettant au Mossad israélien d’espionner la conférence au sommet arabe qu’il accueillait chez lui, au Maroc, et d’enregistrer toutes les délibérations et discussions, y compris celles qui se déroulaient en secret et à huis clos. En échange, le Mossad l’aida à traquer, kidnapper et liquider à Paris l’opposant marocain le plus en vue et le plus dangereux, Mehdi Ben Barka.

Malgré ses étroites relations secrètes avec Israël, le roi Hassan II, avec son intelligence innée, ne perdait pas de vue l’importance qu’il y avait pour lui, devant son propre peuple, d’apparaître comme un partisan des droits arabes en Palestine. Par conséquent, il prit la décision d’envoyer deux brigades d’infanterie composées de dizaines de soldats, l’une sur le front égyptien et l’autre sur le front syrien, afin de participer à la guerre d’octobre 1973 contre Israël. En outre, il s’exprima publiquement, à plusieurs reprises, sur la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem occupée, et il fit état de son inquiétude, en sa qualité de commandeur des croyants musulmans (le titre qu’il s’était lui-même attribué), à propos du statut et de la sécurité du lieu saint. Quand l’Organisation de la Conférence islamique instaura le « Comité Al-Quds », en 1975, la présidence de ce dernier fut confiée à Hassan II.

Le roi joua un rôle important dans le rapprochement entre l’Égypte et Israël en facilitant et encourageant les contacts entre les deux parties. Quand Anouar El-Sadate entama ses préparatifs en vue de son « voyage de la paix », il ne put trouver de meilleur ami que le roi pour l’aider à transmettre ses idées à Israël et à communiquer avec ses dirigeants. En effet, Hassan II arrangea la réunion secrète la plus importante et celle-ci eut lieu avant la visite de Sadate à Al-Quds (Jérusalem) en 1977. Elle mit en présence, entre autres, le ministre israélien des Affaires étrangères, Moshe Dayan, et le proche conseiller de Sadate, Hassan Al-Tohamy, et ce, sous les auspices du roi en personne.

 

Puis il y eut les contacts publics

Dans les années 1980, Hassan II estima que le temps était venu et que les conditions étaient mûres pour révéler ses relations avec Israël et pour rompre davantage de « barrières psychologiques » entre les Arabes et Israël. En 1986, il reçut le Premier ministre israélien en son palais de Rabat et il autorisa la diffusion d’informations sur cette visite et sur la réunion qu’il eut avec Shimon Peres (*). Ce même jour, les médias marocains dirent que la réunion avait eu lieu « dans le but de soutenir le peuple palestinien ».

En 1990, Hassan II désigna André Azoulay, un Juif franco-marocain des plus érudits, comme conseiller spécial personnel. Azoulay resta proche du roi, lui prodiguant en permanence ses conseils jusqu’à la mort du souverain en 1999. Azoulay faisait partie de « l’héritage » dont bénéficia Mohammed VI et il est toujours à son service actuellement. Israël envoya une énorme délégation comprenant 200 officiels afin de participer aux obsèques du roi et de présenter leurs condoléances.

Il n’est guère étonnant que le fils suive les traces du père.

(*) P.S. :

Selon l’une des anecdotes du sommet arabe qui se tint en Algérie en 1988, le colonel Kadhafi portait des gants blancs aux mains. Quand on lui en avait demandé la raison, il avait dit qu’il ne voulait pas que sa main touche la main de la personne qui serrait la main du criminel et tueur d’Arabes Shimon Peres, au cas où il lui aurait fallu serrer la main de Hassan II.

°°°°°

Publié le 22 décembre 2021 sur Al Mayadeen
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Lisez également : Maroc-Israël « On ne pourra pas brouiller sans fin la conscience du peuple » (Sion Assidon)

Print Friendly, PDF & Email

Vous aimerez aussi...