Ali Abunimah menacé de prison par l’Allemagne pour ses propos sur la Palestine

Ali Abunimah, 27 juillet 2024 

Les autorités de Berlin me menacent de prison pour avoir, via Zoom, délivré un discours en Allemagne sur le rôle de ce pays dans l’actuel holocauste d’Israël contre le peuple palestinien de Gaza.

 

Ali Abunimah

 

Quoi qu’il en soit, j’ai adressé ce discours aux milliers de personnes qui y ont assisté en ligne et vous pouvez le découvrir sur la vidéo en bas de l’article. Il faisait partie de la « Palestine Conference in Exile » organisée en ligne les 25-26 juillet.

Environ deux heures avant mon discours prévu le 26 juillet, j’ai reçu, par le biais d’un avocat en Allemagne, un avis de 15 pages émanant des autorités gouvernementales de Berlin m’informant qu’il m’était absolument interdit, y compris en ligne, de participer à la conférence. Les sanctions incluaient des amendes et jusqu’à un an de prison.

Du fait que j’ai pris la parole depuis les États-Unis, l’Allemagne ne peut revendiquer aucune juridiction sur ma personne, mais j’ai été amené à comprendre que les autorités allemandes peuvent toujours ouvrir un dossier pénal contre moi pour violation de l’ordre. Soit.

Comme je l’ai dit dans mon speech, je ne prends pas mes ordres d’un régime qui participe à un génocide et je puise mon inspiration chez Martin Luther King Jr., qui a écrit dans sa « Lettre de la prison de Birmingham » qu’« on a la responsabilité morale de désobéir à des lois iniques ».

J’aurais pris la même décision de parler même si j’avais été en Allemagne et je suis conscient que les personnes qui s’organisent en ce pays pour les droits des Palestiniens, et particulièrement les membres de la communauté palestinienne et leurs camarades juifs, ont déjà dû affronter une répression sévère, comprenant des interdictions, des tabassages par la police, des raids à domicile, des arrestations et d’autres mesures répressives.

Les organisateurs de la conférence disent que l’interdiction

« fait écho à de précédentes mesures oppressives » et qu’elle dévoile « une fois de plus le visage répressif de la démocratie allemande ».

Les organisateurs ajoutent en référence à l’action menée contre moi :

« Poursuivre un journaliste qui dénonce le soutien de l’Allemagne à un génocide reflète la répression de la dissension et soulève des questions critiques quant à savoir si l’Allemagne a pleinement assimilé les leçons de son passé ou si elle répète les mêmes erreurs sous une autre forme. »

En avril, les autorités allemandes avaient fait irruption avec violence dans une conférence sur la Palestine à Berlin et y avaient mis un point final en interdisant de s’exprimer aux orateurs, dont l’homme politique grec Yanis Varoufakis, le Dr Ghassan Abu Sitta, l’historien Salman Abu Sitta et moi-même.

La seule personne qui soit parvenue à prendre la parole devant cette conférence a été interrompue avec violence. Il s’agissait de la journaliste Hebh Jamal qui participait à la conférence elle aussi.

Ghassan Abu Sitta, le chirurgien qui avait traité les victimes à Gaza durant le premier mois du génocide d’Israël, a été arrêté à l’aéroport au moment où il entrait en Allemagne afin de prendre la parole lors de la conférence d’avril. Il a été frappé d’interdiction d’activités politiques et menacé lui aussi d’amendes et de prison avant d’être expulsé vers le Royaume-Uni.

En Allemagne – le pays dont les dirigeants scandent « Jamais plus ! » –, témoigner contre un génocide constitue désormais un délit.

C’était en réponse à cette violence et à cette censure de l’État que les organisateurs ont maintenu cette conférence entièrement en ligne. Des panels d’autres orateurs seront publiés les prochains jours sur le site internet de la conférence.

 

L’Allemagne est coupable de génocide

Mon discours de 20 minutes traite du rôle de l’Allemagne dans l’actuel génocide perpétré par Israël à Gaza et de la complicité historique de l’Allemagne avec le sionisme, une idéologie raciste, fasciste et coloniale.

Je parle de la façon dont le chancelier Olaf Scholz et sa ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock ont diffusé toute une propagande d’atrocité fabriquée de toutes pièces qui justifie et encourage le génocide et j’ai demandé que les deux dirigeants allemands soient traînés en justice.

J’essaie de répondre à la question de savoir pourquoi l’Allemagne, qui se présente comme une démocratie moderne, armerait et soutiendrait Israël quand il extermine les Palestiniens de la bande de Gaza.

J’explique que, en fait, l’alliance de l’Allemagne avec le sionisme était antérieure à la Seconde Guerre mondiale et qu’elle a ses racines dans les idées antisémites des protestants du 19e siècle. Elle s’est poursuivie durant l’Holocauste nazi et elle est restée intacte jusqu’à nos jours.

En effet, loin d’être la démocratie moderne qu’elle prétend être, l’Allemagne de l’Ouest a été réunifiée plus tard pour devenir l’Allemagne et nombre de ses institutions ont été fondées par d’anciens membres du régime hitlérien.

D’anciens nazis ont occupé de nombreuses fonctions importantes au sein du gouvernement de l’Allemagne de l’Ouest.

Kurt Kiesinger, qui fut chancelier ouest-allemand dans les années 1960, avait rallié le parti nazi en 1933, l’année où Hitler était venu au pouvoir. Comme l’a expliqué la journaliste Beate Klarsfeld, il avait été « un officier supérieur de la propagande nazie » durant la guerre.

Les services de renseignement de l’Allemagne moderne, connus par leurs initiales BND, ont été fondés par Reinhard Gehlen, un chef important de l’espionnage nazi sous Hitler et, plus tard, un proche collaborateur de la CIA.

Et, loin dans les années 1970, les cadres supérieurs du ministère ouest-allemand de la Justice regorgeaient d’anciens membres du parti nazi d’Hitler.

 

Vidéo EI  avec Ali Abunimah : “L’Allemagne me menace…”

 

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Ali Abunimah

Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

Publié le 27 juillet 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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