Le camp de torture pour un homme en charge de sa mère atteinte d’Alzheimer

Sde Teiman est un camp où des Palestiniens arrêtés dans le cadre du génocide sont torturés tant physiquement que psychologiquement à une échelle massive.

 

Muhammad Salmiya (à gauche) et Iyad Awad après leur libération du camp de torture Sde Teiman. (Photo : Fedaa al-Qedra)

Muhammad Salmiya (à gauche) et Iyad Awad après leur libération du camp militaire de Sde Teiman. (Photo : Fedaa al-Qedra)


Fedaa al-Qedra,
29 juillet 2024

 

Iyad Awad ne voulait pas en démordre : Il devait s’occuper de sa mère.

En mai, Israël a largué des tracts sur le camp de réfugiés de Jabaliya, exigeant le départ de ses habitants.

Iyad a aidé les membres de sa famille à évacuer. Mais il est resté chez lui avec sa mère, qui souffrait d’Alzheimer.

« Quand les soldats [israéliens] sont entrés dans la maison, ils m’ont demandé pourquoi je n’étais pas parti »,

dit-il.

« Je leur ai dit que j’étais avec ma mère malade et que nous ne pouvions aller nulle part. »

Un soldat israélien a alors ordonné à Iyad de l’accompagner, alors que les troupes d’invasion fouillaient les plusieurs étages de l’immeuble dans lequel vivait Iyad.

Les soldats ont menotté Iyad.

« Je leur ai dit que ma mère avait besoin de quelqu’un pour s’occuper d’elle »,

dit-il.

« Un soldat m’a dit qu’il allait me ramener près d’elle. »

Après avoir été séparé de sa mère pendant plusieurs heures, Iyad a fait quelques pas. Les Israéliens lui ont tiré une balle dans le côté.

Il a été emmené à l’hôpital, où il a été opéré.

Après l’opération, Iyad a été transféré à Sde Teiman, un camp militaire en plein désert du Néguev.

Les conditions y étaient on ne peut plus malsaines.

« Nous étions plus de 30 pour un seul WC qu’on ne nettoyait qu’une fois par semaine »,

dit-il.

Pendant quelque 70 jours de détention,

« je n’ai pas pu me doucher ni me couper les ongles ni changer de vêtements. »

« La qualité de la nourriture était très pauvre »,

ajoute-t-il.

« Ils nous apportaient un bout de pain grillé avec de la confiture. »

Bien qu’il ait été blessé, Iyad n’a pas reçu les moindres soins médicaux, au camp militaire. Hormis du paracétamol, on ne lui a donné aucun médicament.

« Je dormais par terre »,

dit-il.

« Il n’y avait ni matelas ni lit. »

« Les températures étaient très élevées. C’était comme si on dormait sur une plaque chauffante. »

Finalement, quand Iyad a été relâché, il a appris qu’on avait laissé mourir sa mère.

« Les voisins l’ont trouvée morte dans son lit »

après que les troupes israéliennes s’étaient retirées de Jabaliya, dit-il.

Dans l’incapacité d’établir le moindre contact avec lui, les autres membres de la famille d’Iyad ont présumé qu’il avait été tué.

« Ils ont été surpris de me voir en vie, quand je suis sorti de prison »,

dit-il.

 

La brutalité à l’échelle de masse

Les prisonniers de Sde Teiman sont soumis et à des insultes verbales et à des violences physiques.

Iyad a parlé d’un jeune homme appelé Fathi, qui a été relâché en même temps que lui.

Fathi, un diplômé en ingénierie électrique, était en bonne santé mentale, avant son arrestation.

La situation a changé après que les geôliers ont tabassé Fathi et ont lâché les chiens sur lui.

« Au moment où nous avons été libérés, ils lui ont dit de marcher, mais il ne pouvait pas à cause de ses blessures aux jambes »,

dit Iyad.

« Ils l’ont battu et l’ont forcé à marcher »,

ajoute Iyad.

« Il tombait par terre chaque fois qu’ils le frappaient. »

« Ils l’ont battu sur tout le corps et lui ont frappé sur le nez à coups de crosse jusqu’au moment où, finalement, ils lui ont apporté une civière et l’ont transporté vers un véhicule. »

Muhammad Salmiya a été arrêté à Jabaliya lors de l’invasion de mai. Il était chez lui avec sa famille, à ce moment.

« Pendant tout mon temps de détention, je me suis inquiété pour eux »,

dit Muhammad.

« Je pensais à ce que l’armée leur avait fait une fois qu’on m’a emmené. »

Muhammad a été tabassé. Sa santé s’est détériorée considérablement aussi.

Il était constipé, durant sa détention.

Les Israéliens lui ont fixé un cathéter. Ils ne le lui ont pas changé jusqu’au moment où il a pu retourner à Gaza.

Sde Teiman est dans les infos, cette semaine.

Lundi, la police militaire israélienne a placé neuf réservistes en garde à vue suite à des allégations disant qu’ils avaient soumis un Palestinien à de graves violences.

Un certain nombre de soldats se sont battus avec la police militaire à son arrivée, alors que le raid de la police soulevait des protestations parmi les activistes politiques de l’extrême droite, dont certains députés du parlement israélien, la Knesset.

Cet épisode a beau avoir certainement été dramatique, les problèmes impliqués sont bien plus graves que les allégations émises à l’encontre de neuf réservistes.

Sde Teiman doit être perçu comme un endroit où des Palestiniens arrêtés dans le cadre du génocide ont été torturés tant physiquement que psychologiquement à une échelle massive.

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Fedaa al-Qedra est journaliste. Elle vit et travaille à Gaza.

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Publié le 29 juillet 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Lisez également : Sde Teiman : le vrai visage du projet sioniste

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