Israël est sur son lit de mort colonial

Après 17 ans au cours desquels les Palestiniens ont appelé le monde à l’aide et les activistes ont tenté en vain de rompre le siège criminellement impitoyable imposé à Gaza par Israël, les combattants palestiniens se sont finalement libérés le 7 octobre 2023 au cours d’un moment spectaculaire qui a secoué le monde.

La puissance militaire d’Israël — une fois de plus utilisée contre Gaza — sera sa ruine

La puissance militaire d’Israël — une fois de plus utilisée contre Gaza — sera sa ruine (Photo : Bashar Taleb / APA images)

 

Susan Abulhawa, 12 octobre 2023

Dans un déploiement étonnant d’une guérilla à la technologie rudimentaire, quelques douzaines de commandos pauvrement armés ont déjoué les miradors israéliens et, à l’aide de parapentes, ont franchi les clôtures électrifiées qui, depuis près de deux décennies, au vu et au su de toute la planète, gardaient deux millions de personnes en cage dans des conditions effroyables, pendant qu’Israël les bombardait régulièrement afin de tester son armement sur les corps et les psychismes palestiniens.

Ces courageux combattants palestiniens se sont emparés des colonies israéliennes bâties sur les emplacements de leurs villages ancestraux et ont vu ainsi pour la toute première fois de leur vie les terres qu’on leur avait volées, même si elles ne sont éloignées que de quelques milles à peine. Depuis 75 ans, Israël tue, mutile, dépouille, brutalise, humilie, dépossède, harcèle et terrorise les Palestiniens autochtones avec une extrême impunité. Des décennies de photos et de vidéos témoignant de la barbarie totale d’Israël à l’égard d’une population civile autochtone surtout désarmée n’ont jamais suscité un iota de cette indignation et de ces gros titres braqués aujourd’hui sur les Palestiniens parce qu’ils ont osé riposter.

Israël et ses alliés occidentaux feignent l’indignation et la surprise et ont souhaité des « représailles », dans le même temps que des commentateurs s’interrogent sur ce retentissant échec de leur système de renseignement – l’un des plus sophistiqués au monde !

Voilà les discours disparates qui circulent entre l’Orient et l’Occident, entre l’hémisphère sud et l’hémisphère nord. Et la vérité, vraisemblablement, est bien plus sinistre et cynique encore…


Une insondable cruauté

Israël ressort aujourd’hui son scénario éculé en surpassant une nouvelle fois son insondable cruauté. Le ministre de la défense, Yoav Galant, a déclaré :

« J’ai ordonné un siège total contre la bande de Gaza. Il n’y aura pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau. Tout sera bloqué. Nous combattons des bêtes humaines et nous agirons en conséquence. »

Suite à la mise en pratique de ces propos génocidaires à l’encontre de deux millions de civils, dont une moitié d’enfants, Israël s’est mis à bombarder des écoles, des universités, des mosquées, des tours de communication, des sites de traitement des eaux, des immeubles résidentiels, des usines, des hôpitaux, des ambulances et des routes.

Comme d’habitude, les médias occidentaux suivent le pas de la propagande sioniste affirmant qu’il s’agissait d’une « attaque non provoquée » et qu’Israël a le droit de « se défendre ».

Un gros titre du Wall Street Journal clamait : L’Iran a soutenu le Hamas dans son agression contre Israël, bien que le département d’État américain ait dit qu’il n’avait pas vu la moindre preuve d’implication iranienne.

Et, le plus sensationnel de tout, les médias répètent l’accroche sioniste disant : « C’est le 11 septembre d’Israël. »

Étant donné que, dans le sillage du 11 septembre, les EU ont semé une dévastation impitoyable à travers le monde arabe et musulman, qu’est-ce que cela signifie de dire que c’est le 11 septembre d’Israël ? À quoi devons-nous nous attendre ?

Un échec aussi grave des renseignements de la part d’Israël, des EU et de tous leurs alliés mis ensemble est-il possible ?

À tout moment, Israël a des drones qui quadrillent le ciel au-dessus de Gaza, surveillant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 chaque mouvement à l’intérieur de l’étroite enclave, soumettant en continu des images captées à des logiciels dernier cri de reconnaissance faciale au point de pouvoir établir avec certitude quand certaines personnes d’une même famille se rendent mutuellement visite. Et Israël a sur orbite des satellites qui font la même chose.

Sur le terrain même, Israël a des atouts (des traîtres, en fait) qui lui fournissent des informations, souvent en échange de simples médicaments vitaux, telle l’insuline, par exemple. Israël dispose des systèmes de surveillance des communications digitales les plus avancés au monde.

Et nous ne parlons pas encore du partage de renseignements avec les EU et l’Europe.

La probabilité qu’Israël n’ait pas eu le moindre indice, comme il le prétend, au sujet d’une opération de guérilla aussi élaborée et coordonnée, est très infime.

Israël savait tout d’un simple festival littéraire palestinien prévu à Philadelphie, à des milliers de milles, il y a quelques semaines et il a tout fait pour l’empêcher.

 

Un terrorisme d’État

Le vaste réseau des organisations sionistes agit comme des appendices de l’État israélien qui s’étendent sur toutes nos existences, et ce, dans le monde entier.

Mais on voudrait nous faire croire que les Israéliens n’avaient pas la moindre idée de ce qui se préparait juste sous leur nez ? Ils le savaient probablement. Et ils l’attendaient.

Après avoir vu les faucons américains déployer leurs plans impériaux à travers des millions de morts et d’existences dévastées en Irak, en Libye, en Afghanistan, au Pakistan, en Syrie et ailleurs, Israël a probablement salivé au vu des possibilités de connaître lui aussi un moment de ce genre.

Et là, maintenant, juste comme cela, les incessantes protestations de rue contre le gouvernement israélien ont pris fin. Les procédures criminelles contre Benjamin Netanyahou sont suspendues indéfiniment.

Les Israéliens qui étaient en guerre les uns contre les autres voici quelques jours à peine sont désormais unis par la seule chose qui les ait jamais liés en tout premier lieu – la haine et la crainte du peuple autochtone de la terre sur laquelle ils vivent.

Les partisans d’Israël dans le monde entier se sont rassemblés autour d’un gouvernement ouvertement fasciste. Israël a intensifié son terrorisme systématique contre les Palestiniens, particulièrement à Gaza, sous la bannière de l’« autodéfense », et ce, sans condamnation internationale (mais, bien sûr, avec des bénédictions internationales). Et, vu ce que prétend The Wall Street Journal, peut-être va-t-il lancer une attaque contre l’Iran.

Israël est un État colonial de peuplement d’une violence intensive, engagé dans une criminalité haineuse depuis sa création. Il sait très bien comment imposer sa force et appliquer avec précision son terrorisme d’État.

Mais sa puissance militaire effroyable, sa plus grande force, sera sa ruine parce que, en fin de compte, c’est tout ce qu’Israël possède.

Qu’Israël ait connu ou pas les plans à l’avance, ces quelques combattants de la liberté ont inspiré non seulement l’ensemble de la Palestine, mais aussi les masses opprimées du monde entier, en leur donnant à imaginer ce à quoi la liberté ressemble, en leur montrant que la résistance est possible, et en leur révélant que la vie est à leur portée.

Leur sacrifice a divisé le monde en deux et forcé les gouvernements arabes à prendre garde à la volonté de leurs peuples, qui sont carrément en solidarité avec leurs frères et sœurs palestiniens opprimés, comme le sont d’ailleurs les peuples autochtones et colonisés de partout.

Israël est un projet colonial de peuplement qui court à la faillite. Au contraire des succès génocidaires dans les Amériques, en Australie et en Nouvelle-Zélande, Israël reste en infériorité numérique, non seulement dans la région, mais dans le monde entier.

Il n’y quasiment pas une seule ville dans le monde, aujourd’hui, qui n’ait vu des manifestations de masse en solidarité avec la Palestine. Seule l’élite dirigeante occidentale s’accroche bec et ongles à son ultime tour de piste colonial de peuplement dans le monde.

Mais, en fin de compte, tout son argent, toute sa puissance et toute sa quincaillerie militaire ne suffiront pas à endiguer la marée montante de la décolonisation mondiale, avec la Palestine au cœur de tout ce mouvement.

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Susan Abulhawa est née en 1967 en Palestine, de parents réfugiés de la guerre des Six-Jours.

Élevée en partie au Koweït, en Jordanie et dans la partie occupée de Jérusalem-Est, elle vit maintenant aux États-Unis.

Elle est une écrivaine et une activiste.

Susan Abulhawa est l’auteur de « Les Matins de Jénine » (édité en français chez Buchet-Chastel en 2008), qui a remporté le Best Book Award 2007 dans la catégorie Fiction historique.

Elle est commentatrice politique, activiste pour les droits humains, fondatrice d’une organisation internationale pour la défense des enfants et  fondatrice et directrice du Palestine Writes Literature Festival.

Son premier recueil de poésie « My voice sought the wind » est publié en 2013 chez Just World Books.

Sa deuxième publication en français, « Le Bleu entre le ciel et la mer » (« The Blue between Sky and Water »), est édité chez Denoël, en 2016.

Son dernier roman s’appelle Against the Loveless World. Bloomsbury et est édité chez Bloomsburry, Londres, en 2020.

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Publié le 12 octobre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Dans le monde entier, les peuples se mobilisent contre le génocide du peuple palestinien et en faveur de sa résistance. Mercredi 11 octobre, un rassemblement important de plusieurs milliers de personnes a eu lieu à Bruxelles.

Un nouvel événement est prévu ce dimanche 15 octobre, à 15 h, place Bethléem à Bruxelles.

Mobilisons-nous !

 

 

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