L’escalade est-elle inévitable ?

L’assassinat d’Ismaïl Haniyeh était une immense provocation, pas seulement à l’égard des Palestiniens ou de l’Iran, mais c’était également une provocation à l’égard des États-Unis. La seule réplique de Biden : ‘N’accélérons pas l’escalade un peu plus encore’.

 

L'escalade est inévitable ? Photo : Un drone MQ-9 Reaper de 30 millions de dollars sous le pied d'un combattant au Yémen

Un drone MQ-9 Reaper de 30 millions de dollars sous le pied d’un combattant au Yémen

 

Maureen Clare Murphy, 8 août 2024

Les nuages de guerre s’amoncellent. Mais une escalade est-elle inévitable ?

Israël prétend qu’il ne veut pas d’une guerre totale avec ses adversaires régionaux, mais il s’avère qu’il met tout ce qui est en son pouvoir pour en provoquer une, dans le même temps que son Premier ministre Benjamin Netanyahou s’oppose à tout accord en vue de mettre un terme à la guerre à Gaza.

Une guerre semble de plus en plus imminente au moment où le génocide à Gaza entre dans son onzième mois et à la suite des assassinats, la semaine dernière, d’Ismaïl Haniyeh, le dirigeant du Hamas, et de Fuad Shukr, un dirigeant fondateur du Hezbollah.

Mardi, dans un discours faisant l’éloge de Shukr, le chef du Hezbollah, Hasan Nasrallah, a expliqué quel était l’enjeu de la bataille actuelle, dont l’épicentre est la Palestine. Si Israël devait vaincre la résistance, a-t-il dit, rien ne lui barrerait la route de ses objectifs, qui sont de chasser les Palestiniens de leur patrie. Et rien ne pourrait plus l’empêcher de s’étendre progressivement dans la région au sens plus large.

Peu après le discours de Nasrallah, le Hamas a annoncé que Yayha Sinwar, largement perçu comme l’un des architectes majeurs de l’opération Déluge d’al-Aqsa, allait succéder à Haniyeh comme chef de l’aile politique du Hamas.

 

Israël envoie un coup dans l’œil de Biden

Helena Cobban a participé dans l’émission en direct de The Electronic Intifada pour une discussion autour de ces développements historiques en compagnie des présentateurs Nora Barrows-Friedman et Asa Winstanley. (L’émission peut être visionnée en actionnant la vidéo proposée en bas de cette page.)

Spécialiste de longue date de l’Asie occidentale, Helena Cobban est coéditrice du livre à paraître Understanding Hamas And Why That Matters (Comprendre le Hamas et pourquoi la chose est importante).

La conversation a commencé par l’assassinat de Haniyeh à Téhéran, où elle était présente pour la cérémonie d’investiture du nouveau président iranien.

« [L’assassinat] était une immense provocation, pas seulement à l’égard des Palestiniens ou des Iraniens »,

a expliqué Helena Cobban.

« Mais c’était également une provocation à l’égard des États-Unis, parce qu’il sape complètement l’« intégrité » des efforts américains dans le sens de la médiation. »

« Donc ce n’est pas comme si on envoyait un coup dans l’œil de Biden ou dans une partie bien plus sensible de son anatomie, de son honnêteté, et que fait-il ? Il ne fait rien sauf qu’il dit : ‘N’accélérons pas l’escalade un peu plus encore’ »,

tout en laissant Israël se tirer d’affaire une fois de plus, a expliqué Helena Cobban.

Entre-temps, le haut responsable du Commandement central américain vient de se rendre en Israël pour y rencontrer le ministre de la Défense Yoav Gallant au moment même où le chef du Conseil de sécurité de la Russie se rendait à Téhéran pour y rencontrer le nouveau président iranien Masoud Pezeshkian.

« Ainsi donc, manifestement, cette confrontation qui menace dans la région, en Asie occidentale, a un impact géopolitique massif et nous ne savons pas ce que cela va donner »,

a déclaré Helena Cobban.

Israël se prépare actuellement à des représailles de l’Iran et du Hezbollah pour les assassinats de Heniyeh et de Shukr. Helena Cobban a rappelé aux spectateurs et aux auditeurs que l’Iran avait attendu 12 jours pour répondre à l’assassinat de ses Gardiens de la Révolution à son ambassade de Damas plus tôt cette année.

« Un vieux proverbe dit que la vengeance est un plat qui se mange froid (…) et ils laissent tout simplement Israël mijoter dans sa terreur pendant quelque temps »,

a-t-elle ajouté.

Au moment où les acteurs régionaux de la résistance discutent de leur prochaine démarche les fissures dans la société israélienne s’étendent. Ces quinze derniers jours, les extrémistes messianiques qui revendiquent le droit de violer les détenus palestiniens et les juifs ultra-orthodoxes qui refusent le service obligatoire ont tous envahi des bases militaires lors d’incidents séparés”

« Pour ce qui est d’avoir un système politique et militaire qui soit cohérent et qui défende des lignes de commandement et des objectifs clairs ainsi qu’une stratégie claire – tout s’effondre, dans la société israélienne »,

a encore dit Helena Cobban.

« C’est une situation effrayante »,

a-t-elle ajouté,

« parce que ce sont manifestement les extrémistes qui contrôlent. »

 

La résistance riposte

Comme d’habitude, Nora Barrows-Friedman a donné un résumé des développements majeurs à Gaza, y compris le bombardement de trois écoles utilisées comme refuges pour personnes déplacées.

Elle a également mis en lumière deux histoires récentes sur The Electronic Intifada parlant des conséquences à long terme de l’offensive militaire israélienne pour les enfants de Gaza :

« Une munition israélienne tue longtemps après son impact »,

de Nada Hamdouna,

« Les enfants traumatisés par dix mois de génocide »,

de Razan Abu Salem et Khaled El-Hissy.

Jon Elmer y est allé de son rapport ponctuel sur la situation du champ de bataille de Gaza, avec une attention particulière pour le sud, où Israël a l’intention de s’accrocher à ce qu’on appelle le « corridor Philadelphi » le long de la frontière avec l’Égypte – un point de discorde majeur dans les négociations autour du cessez-le-feu.

Les combats à Rafah, ainsi qu’à Khan Younis, ont duré bien plus longtemps que ne l’escomptait Israël « du fait qu’ils n’ont toujours pas atteint leurs objectifs », estime Jon Elmer.

Se tournant vers le Liban, Jon Elmer a fait remarquer que le Hezbollah dispose de multiples systèmes d’armement à ingénierie inverse et qu’il les a utilisés « avec des effets spectaculaires au cours de cette guerre ». Entre-temps, le ministre israélien de l’éducation vient d’annoncer que les étudiants des colonies évacuées dans le nord ne retourneraient pas à l’école dans leurs communautés durant le prochain automne.

Sur un autre front de la résistance, les combattants yéménites ont abattu un drone américain MQ-9 Reaper – ce n’est d’ailleurs pas le premier – et se sont moqués de la seule superpuissance de la planète en posant pour des photos où on les voit appuyer le pied sur l’arme tant vantée.

À la fin du programme, les éditeurs ont discuté de l’importance de voir Sinwar désigné à la succession de Haniyeh ainsi que du nouveau rapport d’enquête de CNN qui estime que l’aime armée du Hamas à Gaza a réorganisé et régénéré ses forces combattantes et ce, bien qu’Israël prétende avoir démantelé ses bataillons.

Asa Winstanley a également parlé des foules racistes qui se sont récemment déchaînées en Grande-Bretagne. Il a déclaré que

« le contexte de la chose (…) réside dans les années et les décennies pendant lesquelles les gouvernements successifs et les médias traditionnels ont diabolisé les musulmans en particulier et les immigrés en général et en ont fait leurs boucs émissaires ».

« J’ai de plus en plus l’impression qu’il y a un rapport avec la diabolisation des protestations de solidarité avec la Palestine »,

a encore dit Asa Winstanley.

« C’est un genre d’‘israélification’ de la Grande-Bretagne, en quelque sorte »,

a-t-il ajouté, en faisant remarquer la « très longue histoire » entre Tommy Robinson, l’un des principaux instigateurs des émeutes, et le mouvement sioniste en Grande-Bretagne.

 

 

 

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Tamara Nasser, de The Electronic Intifada, a produit et dirigé l’émission et Maureen Clare Murphy a contribué à sa rédaction et à sa production. De son côté, Eli Gerzon a aidé à l’après-production.

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Publié le 8 août 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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