Six manières d’assister au génocide de Gaza sans perdre la raison

 

 

Rima Najjar, 22 août 2024

C’est douloureux, éprouvant et horrible. Vous pourriez être tenté.e de ne pas témoigner du tout et de débrancher tous les moyens de communication et, si vous êtes croyante.e, de simplement vous concentrer sur la prière et, si vous ne l’êtes pas, de vous durcir et de verser dans le cynisme, et de vivre dans la zone sûre où votre bonne étoile vous a installé.e sans raison apparente.

Ou vous pourriez vous torturer en vous attardant sur les moindres détails – tout en les partageant – de chaque massacre, de chaque image d’enfant disloqué ou de scènes si inhumaines, si catastrophiques, si dépravées qu’elles donnent envie à votre cerveau de geler.

Ou vous pourriez être désespérément indigné.e, vous lancer dans une mission suicide de vengeance, ou protester dans les rues dont vous savez que vous y seriez accueilli.e par la répression.

À n’importe quel moment, ces derniers mois, depuis Toufan (Déluge) Al-Asqa le 7 octobre 2023, une multitude de ces tendances ont fait rage simultanément dans nos cœurs, nous secouant désespérément d’une manière ou d’une autre dès l’instant où nous ouvrons les yeux, chaque matin, en nous demandant si c’est enfin terminé, et comment.

Qu’importe le chant des sirènes de la lâcheté, ne pas témoigner de quelque manière que ce soit de l’horreur et de la vérité n’est en aucun cas une option.

 

Et voici donc quelques astuces sur la façon d’être présent.e dans ce cauchemar, de s’y tenir éveillé.e tout en restant raisonnable :

 

1. Détrompez-vous de toute illusion persistante à propos de la politique du gouvernement américain au Moyen-Orient, de ses prétendues « valeurs » et de ses forums de discussion dans les grand médias inféodés et incontournables, tels les shows du dimanche matin (This Week, d’ABC ; Face the Nation, de CBS ; Meet the Press, de NBC ; State of the Union, de CNN ; Sunday, de Fox News), qui parlent avant tout le langage des officiels du gouvernement. Vous pouvez en toute quiétude les éteindre tous et filtrer les déclarations américaines via les forums de discussion d’Al Mayadeen ou d’autres forums fiables qui se fraient en permanence un chemin à travers le labyrinthe du double langage américain. Si vous êtes américain.e, rallier l’Uncommitted Movement afin de mettre la pression sur Kamala Harris dans les États clés, dont le Michigan.

 

2. Comprenez bien que le régime international tel que le représente le CSNU (Conseil de sécurité des Nations unies) n’a pas la moindre crédibilité. Il est dominé par l’empire centralisé par les EU – c’est-à-dire l’influence politique, économique, militaire et culturelle extensive que les États-Unis exercent au niveau mondial.

Historiquement, les EU ont opposé leur veto à d’innombrables résolutions qui demandaient à Israël d’adhérer aux lois internationales, de reconnaître un État palestinien ou de mettre un terme à ses activités de peuplement dans les territoires occupés.

Les EU continuent de s’opposer à un cadre de paix en Palestine en bloquant les résolutions qui critiquent les actions d’Israël à Gaza ou qui réclament des mesures afin de protéger les civils palestiniens et, tout récemment, en bloquant une résolution en faveur d’un cessez-le-feu humanitaire immédiat à Gaza, et en en bloquant une autre qui réclamait des « pauses humanitaires », et une autre encore qui condamnait la violence contre les civils et réclamait l’adhésion aux lois humanitaires.

 

3. Alors qu’il n’y a pas d’indication que le régime international sera libéré d’ici peu, il y en a que la dynamique entre les pays du golfe Persique et l’Iran évolue. L’Iran étend son influence au Moyen-Orient et est devenu un défi direct au pouvoir et à l’influence des États-Unis dans les pays du Golfe, qui comprennent aujourd’hui que la stratégie des EU en vue d’endiguer les Palestiniens a échoué. Ce sont les EU et Israël qui posent désormais une menace pour leur sécurité.

 

4. Soyez conscient.e que, de la même façon que l’accusation d’antisémitisme a perdu de son pouvoir pour avoir été utilisée à tort et à grande échelle par les sionistes, l’accusation de terrorisme a elle aussi perdu de son intégrité pour la même raison. Le journaliste Jonathan Cook écrit sur Facebook :

« Israël ne fait qu’élargir le cercle des ‘terroristes’ : du Hamas au peuple palestinien tout entier, aux Nations unies, à la Cour internationale de Justice, à la Cour pénale internationale. La questions que vous devriez vous poser est celle-ci : Combien de temps encore avant que je ne sois taxé de terrorisme ? »

 

5. Ayez foi en l’axe de la résistance. Sa cause est juste et il fait ses preuves au-delà de toute mesure sur le champ de bataille. Comme Caitlin Johnstone l’écrit dans son bulletin (Caitlin’s Newsletter) :

« Le 7 octobre a été entièrement une réponse à des générations d’abus contre le peuple palestinien par l’État d’Israël et, ainsi donc, la réponse correcte à cela aurait été de guérir ces abus d’une façon qui aurait été agréable aux Palestiniens.

Cela comprendrait sans doute la restitution de grandes quantités de terre, le paiement de réparations absolument considérables par Israël (et, de façon idéale, par ses riches alliés occidentaux aussi), l’élimination de toutes les lois injustes et systèmes d’apartheid, une poussée totale en vue de purger la société des toxines du racisme anti-palestinien et de l’islamophobie, le droit des Palestiniens en exil de rentrer dans leur patrie et la négociation d’un accord de paix tellement avantageux que même les factions les plus dures de la société palestinienne seraient forcées de l’accepter. »

 

6. Priez pour qu’Israël implose de l’intérieur comme de l’extérieur avant qu’il ne détruise le monde.

Bref, puisque vous témoignez de l’horreur, gardez bien à l’esprit la fin de toutes les illusions et conceptions erronées que vous pourriez avoir accumulées durant des décennies de relations publiques américaines et sionistes, et lancez toute votre foi dans la résistance.

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Rima Najjar est une Palestinienne dont la branche paternelle de la famille provient du village dépeuplé de force de Lifta, dans la périphérie occidentale de Jérusalem et dont la branche maternelle de la famille est originaire d’Ijzim, au sud de Haïfa. C’est une activiste, une chercheuse et une professeure retraitée de littérature anglaise, à l’Université Al-Quds, en Cisjordanie occupée.

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Publié le 23 août 2024 sur le blog de Rima Najjar
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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