À Gaza, tous les yeux sont tournés vers le Liban

Au lendemain du début du génocide à Gaza, le 7 octobre dernier, se constituait au Liban le premier front arabe de solidarité visant à mettre un terme au génocide.

 

Banderole dans le quartier de Dahiya, dans le sud de Beyrouth, à la suite des attaques israéliennes. On peut y lire : « Nous n'abandonnerons pas la Palestine. »

Banderole dans le quartier de Dahiya, dans le sud de Beyrouth, à la suite des attaques israéliennes. On peut y lire : « Nous n’abandonnerons pas la Palestine. » (Photo : Médias sociaux)

 

Tareq S. Hajjaj, 26 septembre 2024

 

Le Hezbollah annonçait qu’il allait combattre Israël depuis le nord tant que la guerre contre Gaza ne serait pas terminée. Depuis toute une année, la résistance au Liban n’a jamais cessé de maintenir son « front de soutien », comme l’a appelé son secrétaire général Hasan Nasrallah.

La réaction des Palestiniens de Gaza aux intentions du Hezbollah de poursuivre le combat aux côtés des Palestiniens était pleine d’espoir. Ils croyaient qu’un accroissement de la pression militaire sur Israël depuis le nord allait forcer ce dernier à diviser ses forces et à réduire la pression sur Gaza. Mais, contrairement à ce que l’on croyait, l’intensification de la guerre au Liban s’est accompagnée d’une accélération du rythme des massacres à Gaza aussi.

Désormais, la conduite d’Israël au Liban reproduit un modèle que tous les habitants de Gaza reconnaissent. L’armée israélienne a intensifié ses frappes militaires au Liban et sur certaines parties de Beyrouth, adressant des ordres d’évacuation aux résidents libanais dans le sud au moment où près de 500 personnes étaient tuées en une seule journée.

Les parallèles avec les horreurs de l’an dernier n’ont pas échappé aux Palestiniens de Gaza au moment où ils se sont pliés aux ordres d’évacuation. Sur les plates-formes des médias sociaux, des Gazaouis ont écrit que le Liban et Gaza étaient désormais confrontés au même ennemi et qu’ils perdaient le même sang.

« Ce qui se passe au Liban, c’est ce qui se passe à Gaza »,

explique Khaled Salama, 33 ans, depuis un campement de tentes à Khan Younis.

« Un génocide et des déplacements forcés ont lieu à Gaza et au Liban. Les sionistes veulent annihiler tous les Palestiniens, de même que ceux qui sont à leurs côtés et les soutiennent. »

 

L’expansion du génocide

Bien des gens à Gaza sont désormais convaincus qu’Israël entend étendre le cercle du génocide en y incluant des non-Palestiniens. Depuis que les nouvelles ont commencé à arriver depuis le Liban, accompagnées des scènes familières de bombardement, de déplacements et de grands nombres de martyrs chaque jour qui passe,les Gazaouis ont confirmé ce qu’ils savaient déjà. Israël ne veut qu’une chose : la destruction, la mort et le génocide pour tous ceux qui se trouvent dans les parages.

« Nous avons vu comment les ambulances étaient bombardées au Liban, comment des familles entières étaient anéanties en un seul raid et nous avons entendu les cris émanant des décombres. Nous avons vu tout cela avant que cela ne se produise au Liban et, ainsi donc, nous sommes ceux qui savent le mieux ce que subit le Liban aujourd’hui »,

a expliqué Khaled à Mondoweiss.

« L’excuse d’Israël pour la destruction de la bande de Gaza était l’attaque du 7 octobre »,

poursuit Khaled.

« Quelle est l’excuse d’Israël pour la destruction du Liban, cette fois ? Désormais, Israël est plus sûr que jamais que personne ne lui demandera des comptes, si bien que le rythme de ses crimes accélère de jour en jour. »

Mais, alors que les images de destruction et de mort sont les mêmes, les Gazaouis s’attendent à ce que la résistance au Liban ne soit pas un adversaire facile, pour Israël.

« La résistance au Liban n’est pas comme la résistance à Gaza »,

explique Khaled.

« Israël va payer un prix fort, pour avoir étendu ses opérations au Liban. »

La bande de Gaza présente un terrain côtier plat et dénué de complications qu’il est malaisé de défendre, alors que le Liban est une zone montagneuse plus appropriée au combat et à des tactiques de guérilla consistant en des frappes soudaines. La bande de Gaza est entièrement assiégée depuis près de deux décennies, alors que le Liban a des frontières ouvertes sur les pays voisins et des lignes d’approvisionnement actives. Cela confère de l’espoir aux Palestiniens de Gaza, qui voient que la résistance libanaise possède des moyens, des défenses et des armes lourdes dont ne dispose pas la résistance à Gaza.

« Israël va devoir affronter une résistance acharnée, au Liban, et les résultats ne ressembleront pas à ce qui s’est produit dans la bande de Gaza »,

explique Alaa Rabah, 44 ans, du camp de personnes déplacées d’al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza.

« Le Hezbollah possède des armes capables d’infliger d’importantes destructions et pertes à Israël ; je ne pense pas qu’Israël sera en mesure d’affronter en même temps la résistance à Gaze et au Liban. »

Mais, malgré cet optimisme, un espoir a déjà été anéanti, pour les Gazaouis : celui que l’intensification d’un front libanais aille modifier la situation des habitants de Gaza. La réalité est nettement moins simple.

Le fait que les gens de Gaza croient qu’étendre la guerre au Liban pourrait aboutir au relâchement de la pression sur Gaza s’est avéré erroné, jusqu’à présent. La sévérité des massacres, des bombardements et des destructions à Gaza n’ont fait qu’augmenter depuis l’intensification des bombardements au Liban. En fait, Israël a tiré parti de la préoccupation des médias au sujet de ce qui se passait au Liban pour intensifier son génocide en ciblant plusieurs campements de tentes et refuges dans les écoles et en rasant des blocs résidentiels entiers avant de se mettre ensuite à tirer sur les secouristes qui tentaient de sauver des survivants.

Abdul Karim Aliwa, 22 ans, admet que la guerre au Liban n’atténuera pas les souffrances de Gaza.

« Israël dispose d’armes américaines et nous savons qu’il ne combat pas tout seul »,

dit-il à Mondoweiss.

« L’Occident tout entier est complice dans la perpétration de massacres contre les Palestiniens et les Libanais en soutenant Israël et en lui fournissant les armes nécessaires pour tuer des enfants. »

Mais le revers de la médaille, dans cette déclaration, est tout aussi vrai. Si la guerre contre Gaza ne se termine pas, elle va instaurer un précédent embarrassant pour le reste du monde et pour la totalité de l’ordre international reposant sur des règles. Le génocide va devenir une méthode acceptable dans le conduite de guerres asymétriques.

Les gens de Gaza le perçoivent déjà. «

Qu’est-ce qui va forcer Israël à atténuer la gravité de la guerre à Gaza ? »,

se demande Abdul Karim, qui ajoute que si personne n’arrête Israël dans son parcours, il ne manquera pas de poursuivre sa voie génocidaire.

« Aujourd’hui, c’est Gaza et le Liban »,

conclut-il.

« Mais cela ne s’arrêtera pas là. »

 

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Publié le 26 septembre 2024 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

 

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