Jour 362 : L’Iran riposte et révèle la faiblesse d’Israël

« Il est clair que le but de l’Iran n’était pas de tuer des gens, mais de montrer ses capacités à une échelle que nous n’avions encore jamais vue auparavant », explique Ali Abunimah.

 

1er octobre 2024 - Essaim de missiles iraniens au-dessus de Tal-Habib/Yafa - L'armée iranienne a commencé à lancer des missiles balistiques sur Israël en représailles à une série d'assassinats en Iran et au Liban - Photo : via Teheran Times

1er octobre 2024 – Essaim de missiles iraniens au-dessus de Tal-Habib/Yafa – L’armée iranienne a commencé à lancer des missiles balistiques sur Israël en représailles à une série d’assassinats en Iran et au Liban – Photo : via Teheran Times

 

Tamara Nassar, 3 octobre 2024

D’importants événements historiques ont eu lieu entre le livestream de la semaine dernière et notre toute dernière émission, ce mercredi.

Mardi soir, l’Iran a lancé une attaque massive de missiles balistiques contre Israël, en visant des sites de l’armée et des renseignements.

La frappe de l’Iran est venue quelques jours après qu’Israël a largué quelque 80 bombes sur Dahiya, le faubourg sud de Beyrouth, tuant ainsi Sayyid Hasan Nasrallah, le chef du Hezbollah, l’organisation de résistance libanaise, en même temps qu’un nombre non encore révélé de citoyens libanais de cette zone résidentielle densément peuplée.

En début d’émission, nous avons été rejoints par Abubaker Abed, contributeur de The Electronic Intifada, en direct depuis la bande de Gaza.

Il nous a parlé des massacres quotidiens commis par l’armée israélienne dans l’enclave côtière près d’un an après le début du génocide, sans que la fin en soit en vue.

Le jeune journaliste et commentateur sportif a également parlé du sentiment d’espoir qui a animé les gens au moment où ils ont aperçu dans le ciel de Gaza le flux de missiles iraniens qui se dirigeaient vers les sites de l’armée et des renseignements israéliens.

« Il y a une sorte de normalisation de la situation en ce moment précis mais, en même temps, les gens nourrissent quelque espoir, après les attaques d’hier »,

a déclaré Abed.

« Il y avait un réel sentiment d’euphorie, chez les gens d’ici »,

a-t-il encore dit.

Abed a expliqué que les Palestiniens de Gaza espèrent que l’attaque lancée par l’Iran peut

« renverser l’équation et probablement pousser les Israéliens à accepter la proposition de cessez-le-feu ».

 

Une confiance de courte durée

Le bombardement de Beyrouth qui a tué Nasrallah a été encensé et soutenu par les États-Unis et a donné à Israël un regain de confiance après une année d’échec militaire à Gaza.

Mais cette confiance a été de courte durée et s’est rapidement dissipée suite à l’importante frappe spectaculaire de l’Iran mardi soir.

Les gens de toute la région ont vu « un flux de missiles parcourir le ciel comme un fleuve », se déplaçant de l’est, depuis l’Iran, vers l’ouest, en Israël, a déclaré Ali Abunimah, de The Electronic Intifada, en témoignant depuis Amman, en Jordanie.

« Tout le monde était dehors sur les toits et les balcons, à pousser des cris d’encouragement. Et toute une série de médias sociaux montrent les gens qui étaient en liesse partout en Jordanie, tout comme ils l’étaient en Palestine »,

a-t-il ajouté.

« Ce qui m’a frappé, c’est que si cela avait eu lieu en plein jour, nous n’aurions probablement pas vu grand-chose, parce que le ciel aurait été trop lumineux »,

a expliqué Abunimah.

« Je ne sais pas s’il y a eu des raisons tactiques ou techniques spécifiques pour que l’Iran lance son attaque une fois l’obscurité venue, mais un résultat évident de la chose a été que des millions de personnes dans la région l’ont vue de leurs propres yeux »,

ce qui a ajouté au côté spectaculaire de l’attaque.

Abunimah a examiné de plus près la façon dont l’opération iranienne s’est déroulée dans un reportage spécial dans l’émission de mercredi, en commentant son efficacité à atteindre ses cibles et en discutant de ce qui pourrait se passer ensuite.

 

Les missiles ont atteint leurs cibles en grands nombres

Abunimah a partagé un choix de vidéos qui ont été vérifiées par des experts et qui montrent des dizaines de missiles frappant leurs cibles – infirmant ainsi les allégations américaines et israéliennes disant que l’attaque a été inefficace.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a déclaré mercredi qu’en procédant à l’attaque,

« l’Iran avait exercé son droit à l’autodéfense, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies ».

Les représailles iraniennes à la suite de l’assassinat du dirigeant du Hamas Ismaïl Haniyeh en juillet et de Nasrallah la semaine dernière étaient largement prévues par les gens de la région.

Mais, ces derniers mois, l’Iran s’était retenu, appliquant une politique de longue haleine de « patience stratégique » qu’Israël a testée et provoquant une escalade sur divers fronts.

Il paraît que l’Iran a télégraphié l’attaque à certains pays arabes quelques heures avant qu’elle n’ait lieu, ce qui a donné le temps aux EU et à Israël de se préparer.

C’était une fenêtre d’avertissement plus courte que celle qui avait précédé les représailles israéliennes, plus modestes, contre Israël en avril et qui avaient recouru à des drones et à d’autres projectiles.

Pat Ryder, le secrétaire de presse du Pentagone, a fait savoir que l’armée américaine avait aidé Israël à déjouer l’attaque, mais il a admis que les États-Unis ne savaient pas si les quelques dizaines de missiles intercepteurs lancés par les navires de guerre américains en Méditerranée avaient en fait atteint l’un ou l’autre objectif.

« J’ai vu qu’il y a eu des tentatives manifestes d’interception, ou de ce qui pouvait en avoir l’air »,

a déclaré Abunimah à propos de ce qu’il avait vu dans le ciel de la Jordanie.

« Mais il était très évident que le nombre d’intercepteurs était réduit comparé au nombre de missiles qui approchaient. »

Le nombre même des missiles iraniens

« aurait saturé n’importe quel système de défense aérienne ».

Abunimah a fait remarquer comment les comptes rendus pro-israéliens dans les médias sociaux semblaient

« se réjouir de ce qu’il n’y ait pas eu de tués israéliens, du moins si l’on en croit les discours officiels ».

Ceci

« révèle que bien des Israéliens mesurent un succès militaire non pas selon que des objectifs militaires ont été atteints ou pas, mais selon le nombre de personnes qu’il a tuées »,

a expliqué Abunimah.

« Il est clair que le but de l’Iran n’était pas de tuer des gens, mais de montrer ses capacités à une échelle que nous n’avions encore jamais vue auparavant »,

a ajouté Abunimah.

« Si l’Iran avait voulu tuer beaucoup de monde, il aurait pu faire ce qu’Israël fait : bombarder des villes et des quartiers sans la moindre discrimination. Mais il ne l’a pas fait, il a envoyé ses missiles sur des cibles militaires. »

Israël a juré de répondre, mais l’Iran dit que, s’il le fait, Téhéran se livrera à une offensive à bien plus grande échelle.

Depuis l’émission de mercredi, des images par satellite ont commencé à confirmer la précision des frappes iraniennes sur les cibles militaires israéliennes, dont la plus importante était la base aérienne de Nevatim, qui héberge les avions de combat israéliens F-35, des appareils ultramodernes fournis par les EU.

La base aérienne Nevatim, en Palestine occupée, après avoir été touchée par des missiles iraniens

La base aérienne Nevatim, en Palestine occupée, après avoir été touchée par des missiles iraniens – Image : Planet Labs PBC, via AP

 

« La dignité est notre monnaie »

Roqayah Chamseddine, une chercheuse et journaliste du Sud-Liban, coanimatrice du podcast Delete Your Account, a rejoint depuis Beyrouth l’émission en direct.

Chamseddine s’est exprimée sur la façon dont le chef du Hezbollah Hasan Nasrallah était aimé dans la région en tant qu’important dirigeant anticolonial.

« J’étais dans un café lorsqu’on a appris qu’il avait été assassiné »,

a déclaré Chamseddine, en décrivant les réactions au Liban.

« Tout d’abord, bien des gens ont crié : « C’est impossible ! » Ils ne voulaient pas le croire. Puis, bientôt, ils se sont mis à pleurer. Jamais je n’ai vu des gens pleurer aussi bruyamment. »

La mort de Nasrallah a été un coup sévère pour les partisans de l’Axe de la résistance. Établi par l’Iran et comprenant la Syrie, il regroupe des mouvements en Palestine, en Iraq, au Liban et au Yémen, tous unis pour affronter Israël s’il poursuit son génocide contre les Palestiniens de la bande de Gaza.

« C’est un témoignage qui montre à quel point l’arrivée de Sayyid Hasan [Nasrallah] a été importante à nos yeux. Il a été le premier à libérer nos villages. Il a aidé à libérer le Sud-Liban [en 2000] »,

a déclaré Chamseddine, puis

« il a de nouveau vaincu Israël en 2006 ».

Le fils de Nasrallah, Hadi, avait été tué dans une embuscade israélienne en même temps que trois autres combattants du Hezbollah dans le village sud-libanais de Milkh, en 1997. Il avait 18 ans.

Nasrallah

« était une figure de père. C’était un chef très noble et son sacrifice est un témoignage de ce que les luttes des gens de Gaza ne sont pas différentes des nôtres »,

a déclaré Chamseddine.

Elle a décrit la situation au Liban au moment où Israël intensifie ses bombardements sur le pays, et elle a insisté sur la résilience qui règne parmi les gens dans le sud.

« Le parfum de la vie dans le sud est très différent de ce qu’il est dans tout autre endroit »,

a-t-elle dit.

« Dans le sud, la dignité est notre monnaie, et c’est quelque chose que l’occupant ne comprendra jamais. »

Elle a affirmé que le Hezbollah serait prêt à défendre le pays contre une possible invasion israélienne.

« J’ai confiance en nos hommes [du Hezbollah], rien qu’à voir comment ils se sont unis et comment ils ressortent encore plus forts après l’assassinat de Sayyid Hasan. »

 

Actualités

La rédactrice associée de The Electronic Intifada, Nora Barrows-Friedman, a livré une mise à jour des tout derniers développements à Gaza et a mis en lumière deux récits d’auteurs de Gaza publiés dans The Electronic Intifada.

Dans « Je ne vous oublierai jamais », Bashaer Muammar raconte l’attaque israélienne à laquelle elle a survécu alors que son frère Zakaria, qu’elle décrit comme son compagnon le plus proche, et Ali, le fils de 4 ans de Zakaria ont tous deux péri.

Et dans « Israël a tué la famille de mon frère », Doaa Salim raconte également comment une frappe de l’aviation israélienne à laquelle elle a survécu a tué son frère Ahmed, le fils Mahmoud de celui-ci, 6 ans, et sept autres personnes.

 

Les combats de la résistance à Gaza

Dans son reportage de cette semaine, notre éditeur collaborateur Jon Elmer a décortiqué une embuscade complexe montée par les Brigades Qassam, l’aile militaire du Hamas, contre des soldats israéliens dans la région de Rafah, à l’extrême sud de Gaza.

L’embuscade comprenait le ciblage d’un bulldozer blindé D9.

« Ce sont des bulldozers Caterpillar, de fabrication américaine, qui sèment la désolation à Rafah depuis 25 ans »,

a déclaré Elmer.

Une prise de vue publiée par les Brigades Qassam montre une évacuation médicale par Israël de soldats blessés et que les combattants palestiniens n’ont pas ciblée.

« Nous constatons toujours, onze mois après, que les principes de la guerre pour les combattants de Gaza n’ont toujours pas changé. Ils ne ciblent pas les hélicos de l’évacuation médicale, alors qu’ils sont pourtant à leur portée. »

Elmer a continué de rapporter de multiples attaques par drones et par roquettes contre d’importantes bases israéliennes de l’armée et des renseignements au cours de la seule semaine dernière. Il a également montré des points forts d’opérations de résistance menées contre Israël par des organisations yéménites et irakiennes.

Vous pouvez regarder l’émission sur YouTube, Rumble ou Twitter/X, ou vous pouvez l’écouter sur votre plate-forme de podcast préférée.

 

Vidéo EI : L’Iran riposte (en anglais)

 

*****

Tamara Nassar a produit et dirigé l’émission ; Maureen Clare Murphy et Asa Winstanley, de The Electronic Intifada, ont contribué à la rédaction et à la production. Michael Brown a contribué à l’assistance et Eli Gerzon à l’assistance après production.

Les précédents épisodes de The Electronic Intifada livestream peuvent être visionnés sur notre YouTube channel.

*****

Publié le 3 octobre sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Vous aimerez aussi...