À l’approche des élections américaines, les alliés de Netanyahou poussent à la recolonisation de Gaza

Dans les derniers jours qui précèdent les élections présidentielles américaines de 2024, nombre d’importantes agences et de hauts fonctionnaires des Nations unies mettent en garde – une fois de plus – contre les horreurs qui se déroulent à Gaza.

 

La vice-présidente Kamala Harris, le président Joe Biden et le secrétaire d'État Antony Blinken sont complices des crimes de guerre et du génocide d'Israël à Gaza.

La vice-présidente Kamala Harris, le président Joe Biden et le secrétaire d’État Antony Blinken sont complices des crimes de guerre et du génocide d’Israël à Gaza. (Photo : Al Drago Pool via CNP) La vice-présidente Kamala Harris, le président Joe Biden et le secrétaire d’État Antony Blinken sont complices des crimes de guerre et du génocide d’Israël à Gaza. (Photo : Al Drago Pool via CNP)

 

Michael F. Brown, 29 octobre 2024

 

Ils décrivent la situation dans un langage qui devrait être alarmant, peut-être même pour une administration démocrate complice qui finance le carnage.

« Gaza vit actuellement les moments les plus sombres du conflit » ; « toute la population du nord de Gaza risque la mort » ; « personne n’est en sécurité à Gaza » ; et « il s’agit d’une tentative en vue d’effacer les Palestiniens de l’histoire ».

L’historienne et analyste Assal Rad, qui a compilé ces mises en garde, fait remarquer :

« Les agences de l’ONU dénoncent en criant sur les toits les atrocités israéliennes alors que les EU les ignorent. »

En même temps, d’éminents hommes politiques israéliens poussent en faveur d’un retour des colons à Gaza et ce, en violation des lois internationales.

La semaine dernière, un éditorial du journal israélien Haaretz demandait si Israël

« avait commencé à appliquer le programme de siège et d’affamement prôné par le major-général (réserviste) Giora Eiland, souvent appelé ‘le plan du général’ ».

L’éditorial d’ajouter :

« Pour les membres du cabinet qui perçoivent la guerre comme une opportunité historique de retourner dans la bande de Gaza, le plan d’Eiland constitue le plateau d’argent sur lequel on servira la relance du peuplement juif dans l’enclave ».

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a expliqué devant le Congrès américain en juillet dernier

qu’« Israël ne cherche pas à recoloniser Gaza ».

Mais son parti, le Likoud, soutient certainement ces peuplements et on peut s’attendre à ce que Netanyahou modifie la position qu’il a affichée à propos des colonies à Gaza, si sa coalition au pouvoir est en jeu.

L’histoire et les choix verbaux de Netanyahou n’excluent certainement pas la possibilité de le voir adhérer à la colonisation de Gaza, que ce soit sous une administration Trump ou sous une administration Harris

 

La conférence des colonisateurs de Gaza

Près de Gaza, plus tôt, ce mois-ci, l’organisation Nachala et des membres du Likoud ont coordonné et accueilli une conférence de deux jours faisant la promotion du retour des colons israéliens dans l’enclave côtière du territoire. L’organisation envisage une importante extension d’Israël.

La directrice de Nachala, Daniella Weiss, a fait savoir que 700 familles s’étaient inscrites pour la colonisation de Gaza.

Itamar Ben-Gvir, le ministre israélien de la sécurité nationale et membre du parti Force juive qui fait partie de la coalition d’extrême droite de Netanyahou, a déclaré :

« Si nous le désirons, nous pouvons relancer les colonies à Gaza. »

Il a décrit la recolonisation – Israël a quitté Gaza en 2005 après avoir imposé pendant près de 40 ans des conditions d’apartheid à l’intérieur même du bantoustan de Gaza – comme

« la meilleure solution et la plus morale, non pas par la force, mais en leur disant : ‘Nous vous donnons le choix, allez-vous-en dans d’autres pays, la terre d’Israël est à nous’ ».

Sa vision est une vision de nettoyage ethnique et de prolongement de la Nakba, lorsque quelque 800 000 Palestiniens avaient été expulsés de force par les milices sionistes et l’armée israélienne. Nombre de ces réfugiés s’étaient retrouvés à Gaza et leurs descendants sont de nouveau en train de se faire tuer et expulser.

Le ministre des Finances Bezalel Smotrich, un ségrégationniste qui dirige le parti du Sionisme religieux, s’est adressé à la foule massée et bien décidée à voler la terre palestinienne à Gaza. Il a affirmé que les colons israéliens allaient

« faire prospérer Gaza parce que c’est notre terre ».

Un peu avant la conférence, Smotrich avait tweeté que celle-ci

« était destinée à exprimer l’ambition de tenter d’établir une colonie juive, sioniste et pionnière dans la bande de Gaza ».

Et d’ajouter :

« Pour être honnête, il est tout à fait clair à mes yeux qu’il y aura une colonie juive dans la bande de Gaza (…) Il sera nécessaire de réoccuper Gaza, comme nos combattants et commandants héroïques le font depuis l’an dernier. »

Et de conclure en affirmant que lui et ses alliés

« allaient poursuivre le repeuplement du pays dans toute son étendue, parce que c’est notre pays et que nous n’en avons pas d’autre ».

Smotrich envisage un pays qui comprend non seulement la Cisjordanie occupée et Gaza, mais qui s’étend sur la Jordanie, la Syrie, l’Égypte, le Liban, l’Arabie saoudite et l’Irak.

Mes collègues de The Electronic Intifada en ont discuté mercredi dernier et ont conclu que la résistance militaire palestinienne rend très improbable le moindre retour de colons à Gaza.

Bien que, comme l’a fait remarquer Ali Abunimah, Israël ait franchi toutes les lignes rouges disposées de façon si tentatrice par l’administration Biden.

 

Un discours creux

Vedant Patel, porte-parole adjoint du département d’État, à répondu à un journaliste la semaine dernière que

« le discours auquel vous faites allusion à propos du repeuplement de Gaza, quelle que soit la façon de l’exprimer, est certainement le genre de discours que nous rejetons sans équivoque ».

Patel a ajouté que le secrétaire d’État Antony Blinken s’oppose « à toute réduction territoriale à Gaza » et que les EU ne « veulent pas assister à la moindre réoccupation de Gaza après la fin de la présente crise ». Au lieu de cela, les EU cherchent une « paix durable ».

Après plus d’un an de génocide, toutefois, il s’avère que les EU confondent une « paix durable » et un peuple écrasé. Incluant « les voix du peuple palestinien, leurs aspirations » à « une gouvernance d’après crise à Gaza » ne sont guère plus que des éléments d’un discours creux, après que les EU ont financé la destruction du territoire occupé.

Politiquement, un retour aux peuplements coloniaux à Gaza galvaniserait probablement les manifestants étudiants et engendrerait peut-être des condamnations mitigées de la part de certains hommes politiques américains peu désireux d’être mis en présence d’autres crimes de guerre israéliens.

Mais Netanyahou peut hésiter parce qu’une relance de l’activité de peuplement serait un rappel en temps réel du vol par Israël des terres palestiniennes lors de la Nakba de 1948 et de l’occupation et la colonisation, après 1967, de la Cisjordanie, Jérusalem-Est y compris.

Recoloniser Gaza amènerait tout analyste avisé – une espèce en voie de disparition dans la plupart des médias traditionnels occidentaux où des termes comme apartheid et dépossession ne sont généralement pas utilisés – à commenter la façon dont Israël avait fait pour ainsi dire pareil précédemment, et à remettre en question, et à juste titre, la légitimité de ces dépossessions antérieures.

Netanyahou, toutefois, est si désireux de retarder une enquête sur le 7 octobre qu’il pourrait céder du terrain au mouvement israélien du peuplement et à ses représentants à la Knesset afin de maintenir la cohésion de son gouvernement. Il déciderait sans doute qu’il conviendrait de ménager toute colère de la part de l’Occident, spécialement du côté de la direction du Parti démocrate qui s’est avérée à la fois inepte et complice du génocide de Gaza.

Selon un haut fonctionnaire du département d’État américain resté anonyme et qui s’est adressé récemment au Washington Post,

« les responsables américains ont dit à Netanyahou qu’on a le sentiment’ qu’Israël poursuit une ‘stratégie d’isolement du nord en disant aux gens que s’ils ne s’en vont pas, ils constitueront effectivement des cibles et on refusera toute entrée de nourriture ».

Netanyahou et son ministre des Affaires stratégiques Ron Dermer ont nié que c’était là la politique israélienne, en dépit des énormes preuves du contraire. Quand les responsables américains ont ensuite demandé à Netanyahou de s’exprimer plus clairement,

« les Israéliens ont refusé de prendre un tel engagement ».

Blinken, qui est totalement complice des crimes et guerre et du génocide, a carrément laissé entendre aux journalistes qu’il acceptait la parole de Netanyahou concernant cette question.

Ce n’est pas simplement une question de naïveté. C’est à cela que ressemblent la complicité, un manque de référence morale et une absence totale de courage au cours d’une campagne politique.

Cette complicité détruit, à juste titre, des éléments clés de la coalition démocrate et crée un climat dans lequel la candidate démocrate à la présidence, Kamala Harris, est plus heureuse de se prélasser dans le clinquant des crimes de guerre de la famille Cheney que de modifier sa trajectoire comme le lui demandent instamment depuis des mois les électeurs opposés au génocide.

En tant qu’organisation des droits humains installée à Gaza, ; Al Mezan faisait remarquer récemment :

« Jabaliya, le plus grand camp de réfugiés de Gaza, a été créé en 1948 par des Palestiniens déracinés de leurs foyers par la violence des milices sionistes (qui allaient devenir plus tard l’armée israélienne). Aujourd’hui, Israël chasse une nouvelle fois de force ces réfugiés et leurs descendants, sous la menace d’une élimination physique en recourant à la violence génocidaire et à l’affamement. Qu’on mette un terme à la Nakba en cours. Qu’on mette un terme au génocide. »

Il n’y a pas de preuve qu’une administration Harris ou Trump prendrait la moindre mesure effective pour contrer la brutalité israélienne en cours.

Après une année de génocide, l’administration Biden espère que les électeurs opposés au génocide accepteront la possibilité que l’administration reconsidère son soutien militaire quelques jours après les élections si les conditions humanitaires à Gaza ne s’améliorent pas.

Blinken et le secrétaire à la Défense Lloyd J. Austin III affirmaient dans une lettre du 13 octobre adressée au ministre israélien de la défense Yoav Gallant ainsi qu’à Ron Dermer qu’ils leur écrivaient afin de

« souligner la profonde inquiétude du gouvernement américain à propos de la détérioration de la situation humanitaire à Gaza, et de chercher de renverser cette trajectoire ce mois-ci encore via des actions urgentes et durables de la part de votre gouvernement ».

À propos de la fourniture d’armes, la lettre dit simplement ceci :

« L’incapacité à faire preuve d’un engagement soutenu à appliquer et maintenir ces mesures peut avoir des implications pour la politique américaine telle que définie par le NMS-20 [Mémorandum de la sécurité nationale – 20] et la législation américaine s’y rapportant ».

En d’autres termes, même si les choses ne s’améliorent pas, il pourrait y avoir ou ne pas y avoir des conséquences.

Précédemment, Blinken avait déjà ignoré les lois américaines portant sur l’aide humanitaire de sorte que ce langage faible et flexible ne constitue guère une surprise.

Le fait que le secrétaire d’État Blinken, le président Biden et la vice-présidente Harris ne devront presque certainement comparaître devant la Cour pénale internationale pour y être confrontés aux conséquences d’avoir armé un génocide est l’une des plus grandes injustices de ce début de 21e siècle. Leur détermination à reconfigurer le Moyen-Orient via des crimes de guerre rappelle la façon d’agir du Parti républicain en 2003.

Au lendemain de leur mandat, le Parti démocrate va devoir être « dégénocidé » si certains électeurs sont disposés à y retourner un jour. Et d’autres pourraient ne jamais retourner à aucun des partis majeurs qui soutiennent et le génocide et l’apartheid.

Le génocide est tout simplement une ligne rouge.

 

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Publié le 29 octobre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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