Pourquoi l’UE ne divorcera pas d’avec Israël

Josep Borrell se mue en Monsieur le Coléreux, maintenant que son mandat de chef de la politique étrangère de l’UE est pour ainsi dire écoulé. Dans un commentaire récent, il affirmait qu’il était « grand temps » de mettre un terme à l‘« occupation illégale » de la Cisjordanie et de Gaza.

 

Depuis la quasi-totalité des cinq années écoulées, Borrell prône le renforcement des relations entre l'UE et Israël.

Depuis la quasi-totalité des cinq années écoulées, Borrell prône le renforcement des relations entre l’UE et Israël. (Photo : Lukasz Kobus / European Union)

 

David Cronin, 7 novembre 2024

Il n’y a pas de perspective de réconciliation rapide entre lui et le gouvernement israélien, qui a diffamé sans raison Borrell en tant qu’antisémite. Et si quelqu’un se plaint de la façon dont il qualifie l’occupation d’« illégale », Borrell peut pointer du doigt une décision notifiée en juillet par la Cour internationale de Justice (CIJ).

Toutefois, il va falloir davantage que quelques commentaires stridents pour compenser la façon dont Borrell a prôné le renforcement des relations avec Israël au cours de la majeure partie de ses cinq années de mandat.

Il a engrangé un certain succès, sur ce plan. En 2002, le Conseil associatif UE-Israël – un forum de dialogue de haut niveau – a été relancé après avoir été mis en veilleuse une décennie durant.

Pas plus que la colère de Borrell ne devrait masquer la façon dont la bureaucratie bruxelloise a continué de faire des affaires avec Israël alors que ce dernier massacre des gens à Gaza et au Liban.

Le mois dernier, l’UE annonçait qu’elle allait conférer un « label de mission » à Eilat, une ville d’Israël. Le « label » – qui est censé aider les autorités locales à obtenir un accès plus aisé au financement – récompense des plans visant à atteindre la « neutralité climatique ».

Louer une autorité israélienne pour sa « neutralité climatique », voilà bien une plaisanterie tordue quand on considère que la guerre contre Gaza s’est muée en un désastre environnemental. Selon une estimation, la quantité de carbone libérée au cours des 120 premiers jours de guerre dépasse ce que les 26 pays les moins polluants de la planète émettent ensemble en une année entière.

 

Une incongruité grossière

On peut trouver un autre exemple d’incongruité grossière dans la façon dont, récemment, l’UE a approuvé l’octroi d’une bourse de recherche scientifique à un projet sur la pancréatite géré par l’Université hébraïque de Jérusalem.

La subvention a été signée le 21 octobre – quelques jours à peine après qu’Israël a attaqué deux des trois hôpitaux encore opérationnels (à grand-peine) dans le nord de Gaza.

Pourquoi l’UE est-elle disposée à soutenir des projets médicaux israéliens dans le même temps qu’Israël anéantit le système médical de la Palestine ?

On peut s’en faire une idée à la lecture d’un document internet de l’UE que j’ai obtenu via une requête s’appuyant sur la liberté d’information. Daté de décembre 2021, il déclare que la participation d’Israël à Horizon Europe, le programme scientifique de l’UE, est précieuse.

« En ce qui concerne l’UE, nous tirons parti de l’excellence d’Israël, de sa capacité d’innovation de premier ordre dans nos domaines prioritaires (écologie, domaine digital, santé publique), ainsi qu’en tant que contribution financière substantielle »,

dit le document.

La contribution financière était « très importante », à l’époque, « au vu de l’incertitude » quant à savoir si la Grande-Bretagne allait être impliquée dans Horizon Europe, ajoute le document (voir ci-dessous).

Ces quelques phrases sont révélatrices. Les pays hors UE participant à Horizon Europe paient pour en être.

Après que la Grande-Bretagne a quitté l’Union européenne en 2020, elle n’a plus été impliquée depuis dans les activités de recherche de l’UE.

Finalement, la Grande-Bretagne a quand même rallié Horizon Europe en janvier 2024. Pendant son absence, certains initiés de Bruxelles ont évidemment perçu Israël comme une sorte de remplaçant de la Grande-Bretagne – du moins quand il s’agissait du programme de recherche, un poste majeur des dépenses de l’UE.

Josep Borrell est le deuxième Espagnol à occuper le poste de chef de la politique étrangère de l’UE.

Quand son compatriote Javier Solana avait approché la fin de ses fonctions à ce poste, il avait qualifié Israël de « membre de l’Union européenne sans être membre de l’institution ».

À l’époque – octobre 2009 –, Solana avait épinglé la coopération en recherche scientifique avec Israël comme étant « très importante ».

Les initiés de l’UE ont continué de défendre le même argument depuis lors.

Pour quelques personnes de Bruxelles, les relations avec Israël sont considérées comme une sorte de mariage. Qu’importe la barbarie à laquelle recourt Israël, la hiérarchie de l’UE ne s’enhardirait pas à envisager le divorce.

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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

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Publié le 7 novembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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