Israël commet les « pires crimes internationaux » dans le nord de Gaza

Les crimes israéliens contre le peuple palestinien à Gaza sont si horribles que les langues et le droit international semblent ne pas disposer du vocabulaire nécessaire pour cerner et transmettre toute cette horreur.

 

Israël commet les « pires crimes internationaux » dans le nord de Gaza. Photo : 10 novembre 2024. Les corps des Palestiniens tués lors d'une attaque israélienne contre une maison appartenant à la famille Alloush, à Jabaliya (nord de Gaza), sont transportés à l'hôpital al-Ahli de Gaza.

10 novembre 2024. Les corps des Palestiniens tués lors d’une attaque israélienne contre une maison appartenant à la famille Alloush, à Jabaliya (nord de Gaza), sont transportés à l’hôpital al-Ahli de Gaza. (Photo : Hadi Daoud / APA images)

Maureen Clare Murphy, 14 novembre 2024

« Nous sommes à court de mots, nous sommes à court de manières de faire comprendre au monde l’horreur de ce qui se passe sur le terrain et à quel point la situation empire progressivement »,

a déclaré ce mardi, à propos de la situation à Gaza, Louise Wateridge, une employée de l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine.

Le même jour, le bureau des droits de l’homme de l’ONU condamnait les « frappes répétées » d’Israël

« qui, ces cinq dernières semaines, ont entraîné des pertes civiles massives dans le nord de Gaza ».

À la date du 10 novembre, plus de 1 800 Palestiniens ont été tués au cours de l’offensive israélienne dans le district nord de Gaza – y compris Beit Hanoun, Beit Lahiya et Jabaliya – qui a débuté le 6 octobre. Quatre mille (4 000) autres personnes ont été blessées, d’après le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH).

Le ministère palestinien de la Santé à Gaza a confirmé les décès de plus de 43 600 personnes depuis le début octobre 2023 pour l’ensemble de l’enclave, un chiffre qui ne tient pas compte des nombreux autres corps restés sous les décombres des immeubles détruits ou dont les décès, dus au siège et à l’affamement, ne sont pas repris dans le décompte des victimes.

Le siège mené par Israël a coupé les Palestiniens du nord de Gaza « de l’aide humanitaire, des soins médicaux ou des services de secours d’urgence ».

Depuis le début de l’offensive israélienne dans le district nord, le 6 octobre, Israël n’a permis qu’à une seule mission du Programme alimentaire mondial de pénétrer dans la zone (le 11 novembre) et n’a laissé passer qu’en quantités très limitées « les fournitures médicales qui sont fournies aux hôpitaux lors des missions d’évacuation médicale », fait savoir le bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

La mission du Programme alimentaire mondial qui est arrivée à Beit Hanoun lundi

« comprenait deux camions transportant des rations de survie prêtes à consommer et de la farine de blé, ainsi qu’un camion transportant de l’eau en bouteille »

et leurs chargements ont été livrés à deux refuges.

Mais, comme le fait remarquer l’OCHA, les forces israéliennes ont entouré et mitraillé de façon intense la zone de livraison de l’aide et elles ont ordonné aux famille de s’en aller.

Mardi matin, les forces israéliennes ont attaqué une foule de Palestiniens qui attendaient l’arrivée de l’aide humanitaire à un rond-point au nord de la ville de Gaza. Il y a eu des dizaines de morts et de blessés.

L’Euro-Med Human Rights Monitor (Euro-Med) a déclaré que les troupes avaient tiré des obus et des balles en direction du groupe, qui n’avait plus reçu d’aide depuis une cinquantaine de jours, l’obligeant d’aller se mettre à couvert dans une maison avoisinante.

« Dès qu’ils ont atteint le bâtiment, l’armée l’a bombardé », a ajouté Euro-Med. « On entendait les hurlements des personnes restées à l’intérieur de la maison ciblée, mais il n’a pas été possible de répondre aux appels à l’aide des victimes, du fait que la zone était inaccessible aux ambulances et au personnel de la défense civile. »

Dans son briefing de mardi au Conseil de sécurité, Joyce Msuya, la responsable ad interim des secours de l’ONU, a déclaré que

« la dernière offensive lancée le mois dernier par Israël dans le nord de Gaza est une version intensifiée, extrême et accélérée des horreurs de l’année écoulée ».

« Nous assistons à des actes qui rappellent les pires des crimes internationaux »,

a déclaré Joyce Msuya.

Ramy Abdu, le directeur d’Euro-Med, a dit que le monde était témoin

« d’un génocide total et systématique ».

« Chaque corps qui remue dans les zones du nord de Gaza, que ce soit dans le gouvernorat du nord de Gaza ou dans celui de la ville de Gaza, est pris pour cible et tué »,

a-t-il ajouté.

Des familles entières massacrées dans les refuges

Le bureau de l’ONU pour les droits de l’homme a déclaré que, depuis le début de l’offensive dans le nord de Gaza, il avait enregistré trois incidents qui avaient fait plus de 80 morts quand Israël avait frappé des bâtiments résidentiels utilisés comme refuges. Ces attaques s’étaient soldées

« par un nombre élevé de décès provenant d’une seule et même famille »,

a ajouté le bureau.

Dimanche, on rapporte qu’une attaque israélienne contre un immeuble résidentiel à Jabaliya

« a tué 24 Palestiniens, dont 14 enfants et 5 femmes »,

a déclaré le bureau de l’ONU.

Le CPDH a dit que Muhammad Alloush, l’un de ses enquêteurs de terrain, avait perdu 24 membres de sa famille lors de l’attaque contre Jabaliya, dont 14 enfants. Le plus jeune n’avait que 5 mois.

« Ces civils innocents ont été tués alors qu’ils dormaient et qu’ils souffraient de la faim »,

a déclaré l’organisation juridique.

Jabaliya

 

Les frappes contre les refuges, l’état de siège et les attaques contre les gens qui fuient

« suggèrent que les actions d’Israël visent à créer des conditions de vie à même de pouvoir vider le nord de Gaza de sa population civile palestinienne, soit en l’éliminant physiquement, soit en la déplaçant de force »,

a déclaré le bureau de l’ONU pour les droits humains.

Et d’ajouter :

« Nous réitérons nos graves inquiétudes à propos du risque d’atrocités massives, dont des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et le crime de génocide. »

Les crimes d’Israël dans le nord de Gaza

« ont lieu dans un vide complet sur le plan de l’information »,

a fait remarquer le Comité de protection des journalistes la semaine dernière. Le comité a déclaré que, depuis le début de l’offensive, Israël avait intensifié son

« attaque systématique contre les journalistes et les infrastructures médiatiques ».

« Les frappes israéliennes ont tué au moins cinq journalistes en octobre et l’armée israélienne s’est lancée dans une campagne de diffamation contre six journalistes d’Al Jazeera traitant des événements dans le nord »

a ajouté le comité.

Il s’avère que le but est d’empêcher même les journalistes locaux de livrer leur témoignage, puisque, depuis octobre 2023, Israël interdit l’accès à Gaza aux médias indépendants internationaux.

Lors de la réunion du Conseil de sécurité de ce mardi, Ilze Brands Kehris, la sous-secrétaire générale aux droits humains, a déclaré que les chiffres contrôlés par son bureau à l’ONU montraient que

« près de 70 pour 100 des personnes tuées à Gaza par des frappes, des tirs d’obus et autres hostilités étaient des enfants et des femmes ».

« La tranche d’âge la plus représentée dans ces décès contrôlés était celle des enfants de 5 à 9 ans »,

a ajouté Ilze Brands Kehris.

Elle a également déclaré qu’Israël visait systématiquement les refuges du nord de Gaza où étaient présents

« d’importants nombres de civils » et qu’il utilisait pour ce faire « des armes aux effets à large portée dans les zones peuplées ».

« La manière dont l’armée israélienne mène ses opérations (…) suggère non seulement que les actions d’Israël cherchent à vider le nord de Gaza des Palestiniens (…) mais fait apparaître en outre de graves risques d’atrocités de la nature la plus préoccupante »,

a ajouté Ilze Brands Kehris.

 

« Apocalyptique »

Les mises en garde récentes contre la campagne d’extermination d’Israël dans le district nord de Gaza n’auraient pu être plus sévères.

« La situation dans le nord de Gaza est apocalyptique »,

ont déclaré les responsables de 15 organisations des Nations unies et autres organisations humanitaires le 1er novembre.

« Toute la population palestinienne dans le nord de Gaza court le risque imminent de mourir de maladie, de famine et de violence »,

ont-ils mis en garde.

« Les denrées de base vitales ne sont pas disponibles »,

ont ajouté les dirigeants des agences.

« Les travailleurs humanitaires ne disposent d’aucune sécurité pour effectuer leurs tâches et sont bloqués par les forces israéliennes et par l’incertitude d’atteindre les personnes dans le besoin. »

Une commission indépendante de contrôle de la famine affiliée à l’ONU a mis en garde le 8 novembre contre

« la forte probabilité que la famine soit imminente dans les zones du nord de la bande de Gaza ».

La commission a ajouté qu’une

« action immédiate, les tout prochains jours, et non d’ici quelques semaines, était nécessaire de la part de tous les acteurs qui participent directement au conflit ou qui ont une influence sur sa conduite, afin d’éviter et d’atténuer cette situation catastrophique ».

Dimanche, Euro-Med a appelé les institutions internationales à reconnaître immédiatement que la famine sévissait déjà à Gaza. L’organisation, dont le siège est à Genève, a déclaré que tout retard supplémentaire

« résulterait sans aucun doute dans de nouvelles obstructions contre l’aide vitale, lesquelles allaient aggraver la pauvreté, la malnutrition, l’affamement et multiplier plus encore les décès ».

L’OCHA estime que, depuis le 6 octobre, entre 100 000 et 130 000 personnes ont été déplacées de la plupart des zones du nord de la bande de Gaza et dirigées sur la ville de Gaza.

Israël commet les « pires crimes internationaux » dans le nord de Gaza. Photo : 12 novembre 2024. Des Palestiniens quittent Beit Hanoun après qu'Israël a intensifié ses attaques

12 novembre 2024. Des Palestiniens quittent Beit Hanoun après qu’Israël a intensifié ses attaques. (Photo : Hadi Daoud /APA images)

 
L’OCHA estime également qu’au moins 75 000 personnes sont restées dans les zones en total état de siège dans le nord de Gaza et que, désormais, Israël les a délibérément coupées des moindres essentiels vitaux.

Plus tôt ce mois-ci, Itzik Cohen, un général de brigade israélien, a dit à des journalistes qu’Israël

« n’avait pas l’intention de permettre aux habitants du nord de la bande de Gaza de rentrer dans leurs foyers ».

Cohen a expliqué que l’aide humanitaire serait autorisée dans le sud de Gaza, mais pas dans le nord, puisqu’

« il n’y reste plus de civils ».

Un peu plus tard, l’armée israélienne est revenue sur cette affirmation en disant que la déclaration de Cohen

« était incorrecte et qu’elle ne reflétait pas les objectifs et valeurs de l’armée ».

Mais l’affirmation de l’armée – sans doute destinée à apaiser les alliés d’Israël et à masquer ses intentions génocidaires – est contredite par ses actions sur le terrain.

Dans les zones nord de Gaza,

« des drones survolaient les têtes en diffusant des ordres d’évacuation, lesquels étaient également transmis par les médias sociaux, via des messages sonores ou écrits envoyés sur les téléphones des habitants »,

rapportait Reuters le 7 novembre.

« Après qu’ils ont déplacé la plupart des gens de Jabaliya, ils bombardent partout, désormais, tuant des gens sur les routes et à l’intérieur de leurs maisons, afin de forcer tout le monde à sortir », a déclaré à l’agence un certain Ahmed.

 

Siège, affamement et extermination

Les organisations des droits humains ont prévenu qu’Israël appliquait ce qu’il appelle le « Plan des généraux », qui vise à dépeupler le nord de Gaza en lui imposant un siège, en l’affamant et en exterminant sa population.

Selon ce plan, toute personne qui restera après qu’on lui a ordonné de s’en aller sera traitée comme un combattant – ce qui, effectivement, va transformer le nord de Gaza en une zone d’extermination.

Il s’avère que le but ultime de la campagne réside dans l’annexion du territoire et la reconstruction des colonies israéliennes – en fait, de graves violations de la Quatrième Convention de Genève.

Des journalistes israéliens qui ont effectué récemment une visite dans le nord de Gaza en compagnie de l’armée ont remarqué que des colons installaient déjà des campements à la périphérie.

« Même après avoir parcouru quelques centaines de mètres à l’intérieur de la bande, il est facile de voir que les activistes du campement sont de plus en plus près d’accomplir leur vision que ne le pense le public en général »,

ont déclaré les journalistes.

Israël est également en train de dégager les infrastructures pour diviser Gaza en deux et

« il pave de larges artères destinées à permettre aux forces de la région de circuler plus sûrement et plus facilement », ont ajouté les journalistes. Les activités militaires « sont la preuve d’une tentative en vue d’établir à long terme des réalisations sur le terrain ».

Ils ont remarqué que le repeuplement de Gaza est

« la seule chose dans la guerre qui intéresse le sionisme religieux et Force juive », les deux partis alliés au Likoud du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou – « même au prix de la vie des otages » toujours détenus dans le territoire.

Selon un autre reportage publié mercredi par Haaretz, d’importantes sources de la défense ont dit que l’armée

« était actuellement mobilisée pour vider les villages et les localités de leurs résidents » dans le nord de Gaza.

 

Israël commet les « pires crimes internationaux » dans le nord de Gaza. Photo : Israël est également en train de dégager les infrastructures pour diviser Gaza en deux et « il pave de larges artères destinées à permettre aux forces de la région de circuler plus sûrement et plus facilement »

 

« De conversations avec des commandants sur le terrain et des soldats combattants de même que lors d’une tournée dans la zone des combats, il apparaît que l’armée israélienne rase systématiquement les structures qui sont restées debout »,

a ajouté Haaretz.

Un officier supérieur a expliqué au journal que, ces derniers mois,

« la seule chose qu’on demande de faire aux forces dans la zone, c’est de déplacer la population vers le sud ».

Un officier combattant à Gaza a dit à Haaretz que la situation sur le terrain indiquait que l’armée israélienne

« ne quittera pas Gaza avant 2026 ».

Et l’officier d’ajouter :

« Quand vous voyez que l’on pave les routes, ici, il est évident que cela n’est pas prévu pour des manœuvres terrestres ou pour que les troupes effectuent des raids dans divers endroits. »

« Ces routes mènent, entre autres, à des endroits où certaines colonies ont été supprimées »,

a déclaré l’officier, faisant référence aux colonies qu’Israël avait construites avant son « désengagement » nominal de Gaza en 2005.

« Je ne sais pas s’il existe une intention de les reconstruire, on ne nous l’a pas dit explicitement. Mais tout le monde comprend où l’on veut en venir. »

Les Palestiniens du nord de Gaza qui ont subi plus d’une année de génocide, y compris l’affamement en tant qu’arme de guerre, n’accepteront pas de gaieté de cœur ce plan d’expulsion massive, d’extermination et d’anéantissement.

Il n’y a de sécurité nulle part, à Gaza, et certains Palestiniens disent qu’ils préféreraient la mort à une vie d’humiliation et de déplacement permanent.

Un grand nombre des personnes qui ont quitté le district du nord ne l’ont fait qu’après que les troupes ont forcé les gens à abandonner les refuges à la pointe du fusil et

« les ont obligés à se mettre en route vers le sud (après que les hommes ont été séparés et emmenés afin d’être interrogés ou arrêtés) »,

comme l’a fait remarquer Idan Landau dans la publication israélienne 972 Magazine.

En attendant, Israël a détruit maisons et infrastructures à une grande échelle, dans le district nord de Gaza. En s’appuyant sur le long passé israélien dans le nettoyage de force des centres de population palestinienne et de destruction des infrastructures afin d’empêcher le retour des résidents, il semble bien que ce soit également le but recherché dans le nord de Gaza.

 

Des hôpitaux en état de siège

La Défense civile palestinienne a été mise hors service par la force des choses, dans le nord de Gaza, et elle

« rapporte que les personnes qui survivent aux bombardements et aux attaques meurent souvent de faim, au beau milieu de ces sévères pénuries de nourriture »,

rapporte l’OCHA.

« Bien des gens de la zone ont été piégés pendant des jours et des jours sous les décombres, sans pouvoir être évacués »,

a ajouté l’OCHA, citant la défense civile.

Au cours de la présente offensive dans le nord de Gaza, Israël a attaqué les trois hôpitaux qui étaient restés partiellement fonctionnels dans la zone – Al-Awda, l’Hôpital indonésien et l’hôpital Kamal Adwan.

Le 5 novembre, Adele Khodr, une directrice régionale de l’UNICEF, a dit que l’unité des soins néonatals intensifs avait été « endommagée lors des lourdes attaques de ces derniers jours », qui avaient tué et blessé des enfants.

« Tout nouveau-né qui doit lutter pour conserver son souffle à l’intérieur d’un incubateur d’hôpital est entièrement sans défense et totalement dépendant pour survivre des soins et équipements médicaux spécialisés »,

a déclaré Adele Khodr.

Et d’ajouter qu’on

« estime qu’à Gaza 4 000 bébés ont été coupés des soins néonatals vitaux au cours de l’année écoulée en raison des attaques soutenues contre les hôpitaux qui essaient honnêtement de les maintenir en vie ».

Trois des huit unités de soins néonatals intensifs (USNI) de Gaza ont été totalement détruites depuis octobre de l’an dernier, toutes dans le nord de l’enclave. Pour l’instant, il n’y a que 54 incubateurs pour l’ensemble de la bande de Gaza.

Dans la zone nord,

« le nombre d’incubateurs des trois USNI est passé de 105 à 9 seulement, et tous se trouvent à l’hôpital Kamal Adwan ».

« Les nouveau-nés vulnérables et les enfants malades et blessés qui ont besoin de soins intensifs se font tuer dans les tentes, dans les incubateurs et dans les bras de leurs parents »,

a déclaré Adele Khodr.

« Le fait que cela n’a pas encore galvanisé suffisamment la volonté politique de mettre un terme à la guerre constitue une crise fondamentale de notre humanité »,

a-t-elle ajouté.

L’hôpital Kamal Adwan a été frappé à plusieurs reprises entre le 31 octobre et le 3 novembre. Ces attaques ont détruit des fournitures livrées récemment et ont endommagé les réservoirs d’eau. Une frappe a blessé plusieurs enfants, dont l’un est dans un état critique.

Le 4 novembre, le ministère palestinien de la santé à Gaza a fait savoir que les forces israéliennes avaient bombardé l’hôpital Kamal Adwan et qu’elles avaient blessé des membres du personnel et des patients.

« Le personnel médical ne peut se déplacer entre les divers départements de l’hôpital et ne peut secourir ses collègues blessés. Il semble qu’une décision ait été prise d’exécuter tous les membres du personnel qui refusaient d’évacuer l’hôpital »,

a encore déclaré le ministère.

Mohammed Obeid, un chirurgien orthopédiste de Médecins sans frontières (MSF) qui s’était réfugié et travaillait à l’hôpital Kamal Adwan, a été arrêté par les forces israéliennes avec plusieurs autres membres du personnel, lors d’un raid effectué contre l’hôpital le 26 octobre.

« D’un hôpital qui venait en aide à des centaines de patients grâce à des dizaines de travailleurs médicaux », Kamal Adwan « s’est retrouvé réduit à une coquille vide »,

a déclaré le 1er novembre Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Depuis le début de l’actuelle offensive terrestre, six employés de l’hôpital Al-Awda

« avaient été blessés dans des attaques impactant le site ; l’un d’eux a perdu un membre et toutes les ambulances ont été mises hors service »

a ajouté l’OMS.

Mardi, l’OCHA a déclaré que

« les hôpitaux du nord de Gaza (…) fonctionnent à grand peine avec le strict minimum de capacités et de ressources ».

L’accès aux hôpitaux « reste sévèrement restreint », a ajouté l’agence de l’ONU.

« En raison des très graves pénuries de carburant, l’hôpital Al-Awda a été forcé de ne faire fonctionner ses générateurs que trois heures par jour, ce qui perturbe grandement les opérations chirurgicales vitales et autres services de soins de santé. »

Les hôpitaux Al-Awda, Kamal Adwan et l’Hôpital indonésien « ont tous été assiégés et pris d’assaut par les soldats israéliens il y a une dizaine de mois » a fait remarquer l’agence d’information AP.

Au moins 10 hôpitaux ont été assiégés et pris d’assaut dans Gaza au cours de l’année écoulée. Les forces israéliennes ont ciblé ouvertement des sites de soins

« avec une intensité et un aplomb rarement vus dans la guerre moderne », a déclaré AP.

Une enquête de plusieurs mois menée par AP sur les raids contre les trois hôpitaux actuellement sous la ligne de feu dans le nord a confirmé ce que les travailleurs médicaux disaient depuis longtemps.

« Elle a conclu qu’Israël n’avait présenté que peu, voire pas du tout, de preuves d’une présence importante du Hamas, dans les cas en question »,

selon AP.

Une commission d’enquête indépendante de l’ONU a déterminé que

« Israël avait appliqué une politique concertée afin de détruire le système des soins de santé à Gaza ».

« Les forces sécuritaires israéliennes ont délibérément tué, blessé, arrêté, emprisonné, maltraité et torturé du personnel médical et ciblé des véhicules médicaux »,

a ajouté la commission. Ces actions constituent

« les crimes de guerre d’homicides et de mauvais traitements délibérés ainsi que le crime contre l’humanité qu’est l’extermination ».

La commission a déclaré que

« ces actions avaient été entreprises en tant que punition collective contre les Palestiniens de Gaza et qu’elles font partie de l’attaque israélienne en cours contre le peuple palestinien qui a débuté le 7 octobre [2023] ».

N’ayant pas dû affronter la moindre conséquence significative pour la destruction du secteur de soins de santé de Gaza, Israël reproduit aujourd’hui le même scénario au Liban.

Lors de son offensive contre le Liban qui a débuté le 23 septembre,

« les frappes israéliennes ont endommagé 34 hôpitaux, tué 111 techniciens médicaux urgentistes et frappé 107 ambulances, selon des données compilées par le ministère libanais de la santé »,

a rapporté CNN le 2 novembre.

« Les frappes israéliennes ont tué huit personnes à l’intérieur des bâtiments de quatre hôpitaux et huit de ces sites ont été forcés de fermer leurs portes, d’après le ministère de la santé. »

Une analyse réalisée par CNN a estimé que l’armée israélienne avait largué des bombes « à portée létale » sur au moins 19 hôpitaux du Liban, dont 10 dans les quartiers du sud de Beyrouth.

Firass Abiad, le ministre libanais de la santé, a déclaré au réseau :

« Il est clair que ceci est prémédité, qu’Israël suit bel et bien une politique d’État, que ce soit à Gaza ou au Liban. »

Le ciblage des hôpitaux libanais n’est pas le seul parallèle avec les actions d’Israël à Gaza. Israël a également forcé des déplacements massifs et mené des destructions délibérées visant des civils et des biens civils, au Liban.

Les attaques d’Israël sont destinées à engendrer une nouvelle réalité physique et sociale sur le terrain.

En novembre dernier, Yoav Gallant, le ministre israélien de la défense de l’époque, avait déclaré que

« les citoyens du Liban allaient payer le prix de chaque attaque du Hezbollah contre Israël ».

« Ce que nous faisons à Gaza, nous savons comment le refaire à Beyrouth »,

avait-il dit.

 

 

Depuis environ deux mois, Israël pilonne le Liban, déplaçant 1,2 million de personnes de leurs foyers et balayant des villages entiers du sud et, de plus en plus, d’autres zones du pays.

Près de 3 300 personnes ont été tuées par des frappes israéliennes sur le Liban, depuis octobre 2023, selon Reuters, qui a cité le ministère libanais de la santé. La plupart de ces morts datent des sept semaines écoulées.

 

« La crise de la sécurité alimentaire » au Liban

La situation des gens, tant au Liban qu’à Gaza, va de mal en pis.

Au Liban

« l’insécurité alimentaire est amenée à empirer significativement en raison de l’intensification du conflit et de la tension économique qui place le pays sur la liste des zones à risque suscitant les pires inquiétudes »,

estime l’OCHA, en citant un rapport récent de la FAO (Organisation de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture) et du Programme alimentaire mondial.

D’avril à septembre de cette année, près d’un quart de la population libanaise a dû « affronter des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë ».

L’OCHA d’ajouter que

« le conflit en cours approfondit la crise économique du Liban, et [le Programme alimentaire mondial] fait état d’une contraction potentielle du Produit intérieur brut (PIB) pouvant aller jusqu’à 15,6 pour 100 ».

Le tourisme et l’agriculture ont été durement touchés. Les combats exacerbent « une crise déjà sévère de la sécurité alimentaire au niveau de toute la nation », puisque, dans le sud, près de 2 000 hectares de terres agricoles ont été endommagés ou n’ont pas été récoltés « en raison du conflit en cours ».

Fin octobre, les députés israéliens ont adopté deux projets de loi qui vont effectivement interdire à l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine, d’opérer en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Du fait que l’UNRWA sert d’épine dorsale à l’opération de l’aide humanitaire à Gaza, la décision israélienne constitue « une nouvelle façon (…) de tuer des enfants », pour reprendre les termes utilisés par le porte-parole de l’UNICEF.

 

La complicité des EU dans l’affamement délibéré

Les espoirs de voir les EU bloquer leur aide à Israël si celui-ci n’autorise pas l’entrée à Gaza de plus d’aide alimentaire se sont envolés en fumée mardi.

L’administration Biden a déclaré qu’il n’y aurait pas de changement majeur dans la politique à l’égard d’Israël à la fin d’une période de 30 jours pendant laquelle le secrétaire d’État et le secrétaire à la défense demandaient d’appliquer plusieurs mesures en vue d’assurer une augmentation de l’aide humanitaire à Gaza, et ce, afin d’éviter d’activer les lois américaines qui suspendraient l’aide militaire.

Vedant Patel, le porte-parole adjoint du département d’État des EU, a dit qu’Israël avait entrepris « certaines démarches » en vue d’améliorer la situation mais il a reconnu qu’« il y a toujours une crise ».

Plusieurs organisations humanitaires ont déclaré qu’Israël n’avait pas satisfait à cette demande, et ce, « à un coût humain énorme pour les civils palestiniens à Gaza », avait ajouté Oxfam, l’une de ces organisations, ce mardi.

Dans un rapport publié lundi, l’OCHA a fait savoir qu’Israël avait très fortement réduit l’accès humanitaire dans le nord de Gaza.

Mais le sud ne s’en tire guère mieux.

L’accès humanitaire reste

« sévèrement restreint en raison de l’insécurité, de la facilitation limitée de la part des forces israéliennes et du pillage armé et organisé alimenté par l’effondrement de l’ordre public et de la sécurité »,

a ajouté l’OCHA.

Sur ce dernier point, Euro-Med faisait remarquer récemment qu’Israël

« couvre fréquemment des bandes et des voleurs armés pour qu’ils s’emparent d’une quantité significative de l’aide apportée par des camions dans les zones qu’il contrôle, empêchant ainsi ces camions d’atteindre leur destination »

– un phénomène également mentionné dans Haaretz.

Le département d’État a admis le 4 novembre qu’Israël n’avait pas pris des mesures suffisantes pour accroître l’aide à Gaza, comme Washington le lui avait demandé à la mi-octobre.

À l’époque, le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, n’avait pas dit un mot des répercussions auxquelles Israël serait confronté si le délai était dépassé sans qu’il ait été répondu aux exigences de Washington. Il s’était contenté de dire : « Nous suivrons la loi. »

Mais jusqu’à présent, les EU n’ont fait qu’intervenir en faveur de la campagne génocidaire d’Israël, et ce, en violation des lois américaines et des lois internationales.

En mai, Antony Blinken, le secrétaire d’État américain, a déclaré au Congrès :

« Nous n’estimons pas actuellement que le gouvernement israélien interdit ou restreint de quelque autre façon le transport ou la livraison de l’aide humanitaire américaine. »

Mais, avant l’annonce de cette évaluation au Congrès, deux agences du gouvernement américain avaient déclaré à l’administration Biden qu’Israël avait délibérément bloqué des livraisons d’aide humanitaire.

Les lois américaines interdisent toute aide militaire à des États qui bloquent la livraison d’aide humanitaire.

Le site ProPublica révèle également qu’en mars, Jack Lew, l’ambassadeur des EU en Israël,

« avait adressé à Blinken un télégramme affirmant qu’il fallait faire confiance au cabinet de guerre d’Israël (…) pour faciliter l’acheminement de l’aide vers les Palestiniens ».

Pourtant, Lew avait été

« avisé à maintes reprises d’exemples de blocage par Israël de l’aide humanitaire, selon quatre fonctionnaires américains bien au fait des opérations de l’ambassade ».

« Aucune autre nation n’a jamais fourni autant d’aide humanitaire à ses ennemis »,

avait déclaré Lew à ses subordonnés.

Des diplomates de haut rang ont justifié

« la politique [de Biden] consistant à continuer d’inonder Israël d’armes malgré les objections de ses propres experts »,

déclare également ProPublica.

« Cela rend les EU complices de génocide et d’affamement, rien moins que cela »,

a déclaré à la BBC cette semaine Micheal Fakhri, le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentatio

Fakhri a réclamé un embargo sur les armes et des sanctions contre Israël.

« Nous ne pouvons négocier notre façon de sortir du génocide, nous devons y mettre un terme immédiatement »,

a-t-il dit.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 14 novembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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