Israël attaque un hôpital du nord de Gaza pour la 5e fois

Cette semaine, frappes aériennes et massacres se sont succédé sans discontinuer dans toutes les régions de la bande de Gaza.

 

Gaza : Des Palestiniens marchent à côté de bâtiments endommagés et de tentes appartenant à des personnes déplacées, Deir al-Balah, 30 novembre.

Des Palestiniens marchent à côté de bâtiments endommagés et de tentes appartenant à des personnes déplacées, Deir al-Balah, 30 novembre. (Omar Ashtawy APA images)

 

Nora Barrows-Friedman, 5 décembre 2024

Le ministère palestinien de la santé à Gaza a fait savoir que, depuis le début du génocide en octobre 2023, plus de 1 400 familles avaient été anéanties et avaient complètement disparu des registres de l’état civil, alors que plus de 3 400 autres familles n’avaient plus qu’un seul membre survivant.

Les Nations unies disent qu’après 14 mois de bombardements et de tirs d’artillerie, Gaza présente aujourd’hui, dans le monde entier, le nombre le plus élevé par habitant d’enfants amputés. Un grand nombre de ces enfants ont dû être amputés sans anesthésie et n’ont pas accès à des services de revalidation qui leur permettraient de faire face à ces blessures de guerre, lesquelles vont peser sur toute leur existence.

 

Gaza a le plus haut nombre d'enfants amputés

 

Dans le nord de Gaza, la campagne israélienne de massacre, de destruction et d’affamement systématiques en est actuellement à sa neuvième semaine.

Cette vidéo, récemment enregistrée par un habitant de Jabaliya, Mohamad AbdelRahman, montre la destruction complète d’une artère importante.

Selon le journaliste Anas al-Sharif :

« Voici l’une des rues les plus importantes du camp de Jabaliya. Elle avait été détruite par Ariel Sharon au milieu des années 1970 et reconstruite ensuite par les habitants du camp. Aujourd’hui, Israël est revenu pour se venger, non seulement sur les habitants du camp de Jabaliya, qu’il a tués et déplacés, mais aussi sur les arbres et les pierres. »

Lundi, le bureau gouvernemental des médias de Gaza a déclaré que, durant les 60 derniers jours de l’opération de nettoyage ethnique dans le nord de Gaza, plus de 3 700 Palestiniens ont été tués ou étaient toujours portés manquants. Quelque 10 000 autres ont été blessés. L’armée israélienne en a également enlevé plus de 1 700 et nombre de secteurs vitaux ont été détruits.

Des témoins oculaires ont révélé qu’au moins 650 corps de Palestiniens gisaient dans les rues depuis deux mois consécutifs du fait que l’armée israélienne empêche les équipes de sauvetage, de secours et de paramédicaux d’accéder aux corps, a encore fait savoir le bureau gouvernemental des médias à Gaza. Des chiens errants ont dévoré les cadavres disséminés dans les rues et tous ces corps n’ont toujours pas été identifiés.

« L’occupation israélienne poursuit délibérément son agression barbare, brutale et planifiée contre les civils, leurs quartiers résidentiels, les centres où ils ont été déplacés et leurs refuges et, pour se venger sur eux, elle en déplace des dizaines de milliers »,

a fait savoir le bureau des médias.

« Ce crime est considéré comme un crime contre l’humanité, selon le droit international. (…) Ce que doit subir notre peuple palestinien dans le gouvernorat du nord de la bande de Gaza défie la raison et la logique. »

Durant la semaine écoulée, dans le nord de la bande de Gaza, on fait état de bombardements à Beit Lahiya et à Jabaliya. Au moins 10 personnes ont été tuées à Beit Lahiya dimanche, quand Israël a ciblé une maison.

Samedi, la défense civile de Gaza a rapporté qu’au moins 40 Palestiniens avaient été tués et enterrés sous les décombres après qu’Israël avait bombardé une maison à Tal al-Zaatar.

Lundi, à Jabaliya, un enfant a été tué par des tirs de l’artillerie israélienne contre une école transformée en refuge pour personnes déplacées.

Lundi également, à Gaza, une frappe de l’aviation israélienne a visé un marché et a bombardé le quartier de Sabra au cours d’une attaque séparée.

À l’heure où les Américains se réunissaient pour leurs agapes de Thanksgiving le jeudi 28 novembre, plus de 75 Palestiniens, dont des enfants, étaient tués par deux frappes séparées sur des immeubles résidentiels de Beit Lahiya.

La défense civile palestinienne, qui ne peut atteindre les zones du fait qu’Israël lui en interdit l’accès, a déclaré que les maisons à proximité des immeubles sont inhabitées et que leurs résidents peuvent eux aussi avoir été tués ou blessés, mais que « leur sort reste inconnu ».

Jeudi également, Israël a ciblé et incendié le refuge d’Awni al-Harthani dans le nord de Gaza. Le journaliste Hossam Shabat a rapporté qu’Israël avait utilisé des drones quadricoptères pour larguer ses bombes.

Un autre refuge, à l’école al-Tabaeen de Gaza, a été bombardé la semaine dernière. Au moins neuf Palestiniens ont été tués et 20 autres blessés.

Dans la partie centrale de Gaza, des snipers, des drones, des hélicoptères et des navires de guerre israéliens ont attaqué des quartiers de Deir al-Balah et de Nuseirat, rapporte notre contributeur Abubaker Abed.

La semaine dernière, Israël a bombardé la tour al-Nasra à Nuseirat.

Neuf Palestiniens ont été tués et plusieurs autres blessés le 28 novembre lors de lourdes frappes de l’aviation israélienne contre le camp de réfugiés de Nuseirat.

L’attaque comprenait des bombardements intenses dans la partie nord du camp et avait été précédée de nombreuses frappes aériennes dans la même zone, rapporte la chaîne de TV Al-Mayadeen.

 

Le directeur de l’USI de l’hôpital Kamal Adwan a été tué

Les Nations unies rapportent qu’entre-temps, à l’hôpital Kamal Adwan de Beit Lahiya, dans le nord de Gaza, une équipe de six médecins du Comité de secours médical d’urgence en Indonésie a pu rallier l’hôpital dans le cadre d’une mission médicale et lui livrer un réservoir de carburant ainsi que des fournitures médicales.

L’ONU a déclaré que l’hôpital, qui héberge actuellement 63 patients, dont neuf à l’unité des soins intensifs (USI), fonctionne avec des réserves extrêmement réduites. Ces deux derniers mois, il a fait l’objet d’attaques incessantes.

Le Dr Ahmed al-Kahlout, directeur de l’USI à Kamal Adwan, a été tué vendredi par une attaque israélienne au moment où il franchissait la porte pour entrer à l’hôpital.

 

Gaza : Le Dr Ahmed al-Kahlout de l'hôpital Kamal Adwan

Son collègue et directeur de l’hôpital, le Dr Hussam Abu Safiya, entouré de son personnel, a dirigé les prières funéraires pour le Dr al-Kahlout.

 

Gaza : Le Dr Hussam Abu Safiya, directeur de l'hôpital, entouré de son personnel, a dirigé les prières funéraires pour le Dr al-Kahlout.

 

Le Dr Abu Safiya lui-même avait été blessé lors d’une récente attaque de drone israélien, avions-nous rapporté la semaine dernière, alors qu’il quittait la salle d’opération pour se rendre à son bureau, à l’intérieur même de l’hôpital.

En octobre, son fils Ibrahim avait été tué lors d’un bombardement israélien sur les terrains de l’hôpital. Le Dr Abu Safiya avait lui-même récité les prières funéraires pour Ibrahim et l’avait enterré dans la cour de l’hôpital.

Mardi, le Dr Abu Safiya a rapporté que l’hôpital avait été ciblé

« pour la cinquième fois par des drones israéliens larguant des bombes remplies de shrapnels qui blessent toute personne qui ose bouger. »

« Cette situation est extrêmement urgente. L’hôpital Kamal Adwan a été attaqué sans pitié par des drones et, une fois de plus, l’occupation concentre son agression sur les équipes médicales »,

a déclaré le médecin.

« Il y a très peu de temps, trois membres de notre personnel médical ont été blessés, dont l’un se trouve depuis lors dans un état très grave et est en train de subir une procédure chirurgicale complexe en salle d’opération. Nous sommes épuisés par cette violence incessante. Pourquoi nous soumet-on à une telle brutalité ? Chaque jour, l’hôpital est systématiquement ciblé. »

En même temps que ses attaques répétées visant directement le personnel médical et les divers services hospitaliers, Israël bloque également les médicaments et autres fournitures tout en endommageant délibérément les équipements médicaux.

Le coordinateur des urgences de Médecins sans frontières (MSF) a Gaza a déclaré :

« Les pénuries de fournitures importantes atteignent un tel niveau que nous sommes désormais forcés de renvoyer des patients, dans certains sites. »

« Les restrictions et les obstacles à l’entrée de l’aide imposés par les autorités israéliennes continuent d’entraver gravement notre capacité à délivrer des soins. En attendant, le pillage des camions d’aide à l’intérieur même de l’enclave fait qu’il est très difficile pour la petite quantité d’aide permise par les autorités israéliennes d’atteindre les personnes qui en ont besoin. Finalement, ce sont les patients qui en subissent les conséquences »,

a ajouté le coordinateur.

L’organisation d’aide médicale a déclaré qu’au Complexe médical Nasser de Khan Younis, les fournitures de base, tels gaze et bandages, s’épuisaient, forçant ainsi les donneurs de soins à allonger les intervalles entre deux renouvellements de pansements et à accroître ainsi les risques d’infection.

À Nasser également, MSF explique que l’organisation n’a pas été en mesure d’installer un labo de bactériologie clinique du fait que la chaîne du froid censée le faire fonctionner a constamment été

« rompue et perturbée par les militaires israéliens au point de passage ».

À Deir al-Balah, l’hôpital de campagne de l’organisation se débat contre un manque d’antidouleurs et d’antibiotiques, ce qui gêne la gestion de la douleur et le traitement des infections respiratoires basses chez les enfants.

 

Au moment où la famine monte en flèche, des travailleurs de l’aide alimentaire se font tuer

L’insécurité alimentaire et la famine continuent de recouvrir la bande de Gaza en raison du resserrement du blocus par Israël, de ses mesures de punition collective et de ses attaques directes contre les fournisseurs de vivres.

Le chef cuisinier Mahmoud al-Madhoun, qui nourrissait des milliers de personnes chaque jour dans le nord de Gaza, dont les patients de l’hôpital Kamal Adwan, a été pris pour cible et tué par une frappe de drone israélien le 30 novembre au moment où, paraît-il, il quittait son logement pour aller préparer des repas pour les gens à l’hôpital.

Le chef cuisinier Mahmoud al-Madhoun

Al-Madhoun travaillait avec Gaza Soup Kitchen, qui coordonnait les efforts d’aide alimentaire dans le nord. L’organisation a diffusé une déclaration déplorant sa disparition et celle de ses services.

« Nous croyons qu’il a été tué à cause de son engagement indéfectible à résoudre les problèmes de l’hôpital Kamal Adwan Hospital et à lui fournir tout ce dont il avait besoin. Mahmoud était une bouée de sauvetage, il était un obstacle au nettoyage ethnique qu’ils ont décidé de mener à bien – et ils ne voulaient pas que ça continue »,

a déclaré Gaza Soup Kitchen.

Mahmoud al-Madhoun avait sept enfants, dont le plus jeune n’a que deux semaines, alors que l’aîné est à l’hôpital, pour se remettre de blessures graves provoquées par un quadricoptère israélien, a ajouté l’organisation.

La veille, le 29 novembre, deux jeunes filles et une femme étaient mortes par suffocation alors qu’elles faisaient la file dans une foule importante en attendant d’obtenir du pain à une boulangerie de Deir al-Balah, a fait savoir le Programme alimentaire mondial, alors qu’il règne de graves pénuries de farine et que les distributions de vivres sont très limitées en raison des restrictions d’accès et de l’insécurité.

Le Programme alimentaire mondial a déclaré que « le manque d’aide alimentaire et l’absence du secteur commercial poussent les gens vers la famine », et il a insisté pour que les autorités créent les conditions nécessaires pour faire en sorte que l’aide humanitaire puisse atteindre les gens qui en ont besoin.

Le 3 décembre, seules cinq des 19 boulangeries soutenues par le Programme alimentaire mondial étaient opérationnelles dans toute la bande de Gaza, dont quatre à Gaza même et une à Khan Younis, a déclaré l’agence.

Dimanche, l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine, a annoncé qu’elle suspendait la livraison d’aide via le passage de Kerem Shalom. Elle a invoqué des préoccupations quant à la sécurité, les attaques répétées et le pillage par des bandes armées et

« le siège et les obstacles permanents organisé par les autorités israéliennes, leurs décisions politiques de restreindre les quantités d’aide, l’absence de sécurité sur les routes d’acheminement de l’aide et le ciblage de la police locale ».

En réponse, le bureau gouvernemental des médias à Gaza a demandé à l’UNRWA d’inverser sa décision et, en lieu et place, d’accroître la quantité d’aide et le nombre de camions, et de les faire emprunter d’autres passages.

Le bureau des médias a invité incessamment l’agence

« à ne pas recourir à des mesures négatives qui menacent les vies de plus de deux millions de civils et de personnes déplacées, surtout des enfants et des femmes, dans la bande de Gaza ».

Une fois de plus, cette semaine, Israël a ciblé et tué des membres du personnel de World Central Kitchen. Samedi, trois employés de l’organisation internationale et deux passants ont été tués quand Israël a bombardé la voiture à bord de laquelle ils se déplaçaient.

En avril, Israël avait déjà tué sept membres du personnel de l’organisation qui faisaient partie d’un convoi arborant pourtant des marques bien distinctes.

World Central Kitchen a annoncé qu’elle suspendait toutes ses opérations à Gaza, suite à cette dernière attaque, mais a semblé accorder le bénéfice du doute à Israël, qui prétend qu’un des employés de WCK était impliqué dans l’opération du 7 octobre.

Des journalistes tués

Israël a tué au moins deux journalistes de plus, portant leur nombre à 192, fait savoir le bureau gouvernemental des médias à Gaza.

Samedi, Mamdouh Ibrahim Qunaita a été tué par un drone israélien dans la cour de l’hôpital Al-Ahli.

Mamdouh Qneiti

 

Qunaita travaillait comme journaliste et monteur à la chaîne Al-Aqsa TV.

Dimanche, Maysara Salah a été abattu et tué par les forces israéliennes, ont déclaré ses collègues de Quds News Network.

 

Maysara Salah

 

Mise en évidence de la résilience

Pour finir, comme nous le faisons chaque fois, nous avons voulu partager des images de personnes qui expriment leur sens du défi et leur résilience face à la campagne israélienne de destruction.

Le photographe Mahmoud Abu Hamda a pris cette image d’une fille sur une balançoire.

Il déclare :

« J’ai aperçu cette balançoire sur une colline de sable alors que je rentrais d’un reportage sur la situation des personnes déplacées en pleine tempête météorologique. J’ai escaladé la colline et, avant que je ne me mette à filmer la scène, j’ai pris le temps de savourer la joie des enfants et leurs rires qui remplissaient l’espace. »

 

 

L’article qui suit est tiré de la revue des infos présentée au cours du livestream du 4 décembre. Vous pouvez visionner la totalité de l’émission ici. (en anglais)

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Publié le 5 décembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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