Netanyahou s’attribue le mérite de la chute du gouvernement syrien au moment où Israël avance dans les hauteurs du Golan
Avec l’avancée d’Israël dans la zone tampon du Golan, beaucoup craignent désormais qu’il ne cherche à hâter ses buts d’annexion de la totalité du Golan.
Zoe Alexandra, 8 décembre 2024
Au moment où les forces israéliennes progressaient dans la zone tampon du Golan et lançaient des frappes aériennes sur des cibles situées dans la capitale syrienne, Damas, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou déclarait dans une vidéo publiée sur X que la chute du gouvernement Assad en Syrie, ce dimanche 8 décembre, était
« une conséquence directe de notre action énergique contre le Hezbollah et l’Iran, les principaux partisans d’Assad ».
Entre-temps, des images ont circulé dans les médias sociaux, montrant des membres des groupes de l’opposition armée dirigés par Hay’at Tahrir al-Sham (HTS) qui s’assuraient le contrôle de Damas, tout en envahissant l’ambassade de l’Iran dans la capitale et en déchirant des affiches de feux le dirigeant du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, et le général iranien Qassem Soleimani.
Les événements dramatiques ont eu lieu après que des groupes dirigés par HTS ont lancé une offensive surprise, le 27 novembre, contre les forces du gouvernement syrien dans le gouvernorat d’Alep. HTS est dirigé par Abu Mohammad al-Julani, l’ancien chef d’Al-Nusra, la branche syrienne du front Al-Qaeda, rebaptisée HTS. Au cours des 12 jours qui ont suivi, les groupes, dont certains sont soutenus par les États-Unis, la Turquie et – secrètement – Israël, ont progressé rapidement, gagnant le contrôle des principales villes syriennes qui n’ont opposé que peu de résistance, et ils ont atteint la capitale Damas le 8 décembre.
La chute du gouvernement d’Assad a déclenché une onde de choc à travers la région et le monde. Le gouvernement syrien était engagé dans une guerre civile prolongée depuis 2011, laquelle avait finalement vu des groupes armés de l’opposition, dont des filiales de l’EI et d’Al-Qaeda, prendre le contrôle d’importantes portions du territoire.
Les États-Unis intervenaient officiellement dans le conflit en 2014, menant des frappes aériennes de grande échelle ainsi qu’un déploiement territorial en compagnie des forces kurdes dans le nord, lequel se poursuit toujours actuellement. Les alliés de la Syrie, dont la Russie, l’Iran et l’organisation libanaise de résistance, le Hezbollah, ont joué un rôle clé dans la campagne militaire en vue de reprendre le contrôle de la majorité du territoire syrien et de vaincre l’État islamique (EI) et les autres organisations terroristes. Chose importante, la coalition des groupes de l’opposition armée avait gardé le contrôle du gouvernorat d’Idlib, à partir duquel, évidemment, elle s’était regroupée afin de lancer sa toute récente offensive.
Les analystes, et même Netanyahou en personne, ont fait remarquer que le timing de cette offensive n’était pas le fruit du hasard. L’offensive dirigée par HTS a débuté le même jour qu’un accord de cessez-le-feu était dégagé entre un Hezbollah significativement affaibli et Israël. L’important soutien que la Syrie avait reçu au cours de la décennie écoulée dans son combat contre les groupes de l’opposition s’était considérablement réduit du fait que ses partenaires et alliés étaient eux-mêmes engagés dans leurs propres guerres et conflits passablement difficiles.
La journaliste libano-américaine Rania Khalek écrivait le 5 décembre :
« On a l’impression que toutes les forces hostiles à la Syrie – la Turquie, les EU, Israël, etc. – se sont jointes pour attaquer l’axe de la résistance à l’un de ses moments les plus faibles, prenant avantage de l’année écoulée et du génocide de Gaza, de la destruction du Liban et du fait que la Russie est enlisée en Ukraine. Tout cela alors que les sanctions américaines et la mauvaise gouvernance ont érodé ce qui restait de l’État syrien et de ses institutions subsistantes. Tout le monde craint la venue de jours bien plus sombres encore. »
En outre, avec l’avancée d’Israël dans la zone tampon du Golan, beaucoup craignent désormais qu’il ne cherche à hâter ses buts d’annexion de la totalité des hauteurs du Golan.
Dans un article de 2018 écrit par Nour Samaha pour The Intercept, elle mettait en garde en disant que,
« tirant profit de la guerre, Israël à cette époque étendait son influence et son contrôle plus profondément dans le sud de la Syrie aux mains de l’opposition ».
Samaha prétendait que cette avancée par le biais d’ONG et d’organisations soutenant l’opposition constituait en partie une réponse aux craintes israéliennes d’une « influence iranienne croissante en Syrie et de la présence du Hezbollah à proximité de sa frontière nord », mais qu’en fin de compte, elle s’inscrivait également dans son « but de cimenter l’emprise d’Israël sur les hauteurs du Golan ». Elle disait à l’époque qu’il y avait une recrudescence de l’activité israélienne de peuplement à l’intérieur de hauteurs du Golan occupées.
Les forces israéliennes ont déclaré que le déploiement vers la zone tampon était destiné
« à assurer la sécurité des communautés des hauteurs du Golan et des citoyens d’Israël. Nous insistons pour dire que les FDI n’interviennent en rien dans les événements internes de la Syrie ».
Entre-temps, Israël continue de lancer des frappes aériennes sur la capitale syrienne en ciblant des sites stratégiques tels des dépôts de munitions et d’armes et la base aérienne de Mezzeh, et ce, paraît-il, pour empêcher ces sites de tomber aux mains du nouveau gouvernement.
L’Iran, le premier allié du gouvernement Assad, a répondu aux développements en Syrie lors d’une séance de cabinet ce dimanche 8 décembre. Le président iranien Masoud Pezeshkian a déclaré :
« Nous insistons sur l’importance de sauvegarder l’unité et la souveraineté de la Syrie, tandis que son peuple décidera de l’avenir du pays et de son système politique. Nous insistons sur l’importance du dialogue entre tous les segments de la société syrienne afin d’atteindre une compréhension mutuelle et nous espérons la fin des affrontements militaires. »
Le chef d’État a ajouté que l’Iran condamne
« la violation par Israël du territoire syrien et appelle toutes les parties et pays de la région à être vigilants quant à ses intentions ».
La pays a également condamné l’incursion à l’intérieur de son ambassade à Damas.
Lors d’une conférence de presse qui s’est tenue à la Maison-Blanche, le président des EU Joe Biden a loué la reprise du gouvernement par HTS en la qualifiant d’« acte fondamental de justice », mais en disant également que « la chute du régime Assad en Syrie est aussi un moment de risque et d’incertitude ».
En 2017, les EU avaient déclaré qu’ils considéraient HTS comme une « organisation terroriste désignée ». L’ambassade des EU en Syrie avait posté une image du dirigeant de HTS, al-Julani, qui avait lui-même été déclaré terroriste mondial déjà en 2013, et elle disait :
« Nous restons engagés à livrer les principaux dirigeants de HTS à la justice » et elle proposait une récompense de 10 millions de USD pour sa capture.
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Publié le 8 décembre 2024 sur Peoples Dispatch
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine