Une semaine de génocide à Gaza
La campagne israélienne de massacre systématique, de déplacement forcé, de destruction, d’affamement et de frappes aériennes se poursuit dans les moindres recoins de Gaza. (*)
Mardi, dans le nord de Gaza, les attaques israéliennes contre Beit Lahiya ont tué au moins huit Palestiniens qui avaient cherché refuge dans une maison près de l’hôpital Kamal Adwan.
Les attaques quasi quotidiennes contre l’hôpital même se sont intensifiées la semaine dernière. Le directeur de l’hôpital, le Dr Hussam Abu Safiya, a fait savoir que les débris et les explosions avaient complètement détruit portes et fenêtres et que les attaques israéliennes avaient endommagé les réservoirs d’eau, les générateurs d’électricité et le réseau de distribution d’oxygène.
Les Nations unies ont rapporté qu’en raison de l’insécurité permanente et du manque d’ambulances et d’équipements, le personnel médical de l’hôpital Kamal Adwan avait été généralement dans l’impossibilité de venir en aide aux personnes prises au piège sous les décombres dans les zones avoisinantes ou que nombre de ses membres avaient eux aussi été touchés.
Le 12 décembre, le ministère palestinien de la santé à Gaza annonçait que le Dr Saeed Joda, le dernier médecin orthopédiste dans le nord de Gaza, avait été tué alors qu’il venait de quitter Kamal Adwan pour se rendre à l’hôpital Al-Awda tout proche afin d’y traiter des patients. Un infirmier, Karim Jaradat, a lui aussi été tué ce même jour, alors qu’il se rendait à Kamal Adwan.
Le ministère de la santé a déclaré que le Dr Saeed Joda avait déjà été blessé voici deux semaines, mais qu’il avait continué de soigner des patients.
Son neveu avait été tué le mois dernier. Cette vidéo montre le Dr Joda en train de pleurer son neveu à l’hôpital.
Dans un rapport diffusé cette semaine, Euro-Med Human Rights Monitor (Euro-Med) déclarait que le Dr Joda avait été touché à la tête par un drone quadricoptère israélien.
Sa mort, poursuivait Euro-Med, prouvait qu’il s’agissait d’un homicide prémédité et délibéré, étant donné, surtout, qu’il était le seul médecin orthopédiste dans le nord de la bande de Gaza.
Euro-Med d’ajouter :
« Les rares équipes médicales qui sont restées dans le nord de Gaza sont ciblées par l’armée d’occupation israélienne selon un modèle méthodique, manifeste et récurrent. Cela fait qu’il est extrêmement difficile de fournir des soins médicaux aux dizaines de milliers de résidents qui ont été en état de siège » depuis les 11 semaines écoulées.
L’organisation des droits humains a ajouté que le nombre de membres du personnel médical palestinien à avoir été tués depuis le 7 octobre 2023 est de 1 057, et que plus de 135 hommes de science et universitaires avaient également été tués.
Au cours du week-end, l’Organisation mondiale de la Santé et ses partenaires ont pu rallier l’hôpital Kamal Adwan afin d’y livrer des fournitures essentielles.
Le responsable de l’OMS a déclaré que du carburant, des vivres et des médicaments avaient été livrés et que l’organisation était en mesure de transférer un certain nombre de patients et de leurs accompagnateurs à l’hôpital al-Shifa de Gaza. L’hôpital Kamal Adwan est toujours dépourvu de médecins spécialisés en chirurgie et en soins maternels.
Les conditions, a déclaré le responsable de l’OMS, sont « tout simplement épouvantables ».
Le directeur de l’hôpital, le Dr Hussam Abu Safiya, a déclaré que lundi, des snipers israéliens avaient visé l’unité de soins intensifs (USI) et détruit toutes les fenêtres, forçant le personnel médical à traiter les patients dans les couloirs.
Et, mercredi matin, un incendie a éclaté dans la même USI à la suite des intenses tirs israéliens contre l’hôpital.
Le Dr Abu Safiya a enregistré cette vidéo dans l’USI de l’hôpital Kamal Adwan, sous une fumée intense et en pleine destruction.
Un petit groupe de travailleurs de la défense civile a annoncé qu’ils allaient reprendre les opérations à Jabaliya après avoir été empêchés de travailler par l’armée israélienne pendant plus de 60 jours.
Massacre à Beit Hanoun
Le dimanche 15 décembre, l’armée israélienne a perpétré un massacre parmi des familles palestiniennes déplacées qui s’étaient réfugiées à l’école Khalil Oweida à Beit Hanoun, dans la zone la plus au nord de la bande de Gaza. Le bureau gouvernemental des médias de Gaza a déclaré qu’au moins 43 personnes avaient été tuées.
Selon les Nations unies, au moins 10 personnes ont été brûlées vives.
Les soldats israéliens ont arrêté des hommes palestiniens et forcé femmes et enfants à s’en aller vers le sud.
Des témoins ont déclaré à la défense civile palestinienne qu’ils avaient vu des corps en décomposition dans les rues et ruelles et que plusieurs maisons inhabitées, à proximité de l’école, avaient été soumises à d’intenses tirs d’obus. Des gens ont dit qu’ils avaient entendu des cris d’autres personnes piégées sous les décombres.
L’école hébergeait quelque 1 500 personnes déplacées.
Le samedi 14 décembre, Israël avait attaqué une autre école servant de refuge, dans l’ouest de la ville de Gaza.
Hossam Shabat, l’un des rares journalistes survivants travaillant dans le nord de Gaza, a fait un reportage sur les lieux.
Le même jour, les forces israéliennes ont bombardé une maison à Shujaiya, dans la partie nord de la ville de Gaza, tuant au moins six personnes.
Des drones quadricoptères israéliens ont ouvert le feu sur un groupe de personnes dans le camp de réfugiés d’al-Shati (Beach Camp), dans le nord-ouest de la ville de Gaza), ne laissant sur place que des corps déchiquetés, ont déclaré des journalistes.
Opérant pour Al Jazeera, Hani Mahmoud a expliqué :
« L’armée israélienne utilise des drones chargés de petits morceaux de métal qui volent à une vitesse tellement élevée que, lorsqu’ils explosent, ils taillent dans les chairs et provoquent d’horribles pertes de sang. »
Attaques dans le centre de Gaza
L’armée israélienne a commis toute une série de massacres dans des zones humanitaires prétendument sûres.
Lundi, les forces israéliennes ont assiégé al-Mawasi, une zone de dunes de sable de la côte sud où des Palestiniens ont été déplacés de force.
Médecins sans frontières a rapporté que 12 membres de ses équipes et leurs familles avaient été entourés par des bombardements et de lourdes fusillades contre leurs logements, alors que 30 autres membres étaient restés coincés dans les bureaux de l’organisation.
Un membre du personnel a déclaré que
« des chars ont envahi la zone où nous vivons. C’était terrifiant. Pendant des heures, nous sommes restés couchés au sol dans nos logements et on aurait dit que les tirs venaient directement sur nous ».
Le samedi 14 décembre, les forces israéliennes ont bombardé le bâtiment municipal de la ville de Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, tuant le maire, Diab Ali al-Jarou, ainsi qu’un groupe d’employés et d’habitants de la ville.
Notre contributeur Abubaker Abed a fait un reportage sur les lieux de l’attaque après qu’elle a eu lieu.
Le dimanche 15 décembre, Israël a bombardé le QG de campagne de la défense civile dans la ville toute proche de Nuseirat, tuant quatre personnes, dont des cadres et des secouristes volontaires.
Le même jour, à proximité du Complexe médical Nasser, à Khan Younis, Israël a bombardé l’école Ahmed bin Abdulaziz School, une école de l’ONU qui hébergeait des personnes déplacées.
L’ONU a déclaré qu’en quelques minutes, le département des urgences de Nasser avait été saturé de victimes, la plupart étant des femmes et des enfants. Un grand nombre d’entre eux étaient grièvement blessés et sont morts sur les lieux mêmes ou sur le chemin de l’hôpital.
Dans des témoignages récoltés par Medical Aid for Palestinians, qui opère au Complexe médical Nasser, un médecin a déclaré que l’organisation
« avait accueilli un nombré énorme de victimes. Le département des urgences était rempli de femmes, d’enfants et de patients âgés présentant des blessures graves. J’ai perdu le compte du nombre de patients qui sont arrivés avec des blessures que je n’avais encore jamais vues durant toute ma carrière. J’ai dénombré au moins 18 victimes qui sont décédées au département des urgences et, parmi elles, 12 étaient des enfants de moins de 12 ans. »
« Le tout premier patient qui est entré », a déclaré le médecin, « était une petite fille de trois ans qui avait le côté gauche du front complètement ouvert et déchiré par des fragments d’obus qui avaient pénétré dans son cerveau. En raison du nombre limité d’antidouleurs et d’anesthésiants disponibles, j’ai dû entreprendre la procédure dans la salle des urgences en n’ayant qu’un accès très, très restreint à des médicaments. »
Le bureau gouvernemental des médias de Gaza a déclaré que, le 12 décembre, une attaque contre un quartier résidentiel du camp de réfugiés de Nuseirat avait tué plus de 30 Palestiniens. Un autre bombardement a été rapporté dans le camp de réfugiés d‘al-Bureij.
Le 18 décembre, le Sameer Project, une organisation d’aide locale, a rapporté qu’une frappe aérienne avait touché un campement de tentes adjacent à son camp Refaat Alareer à Deir al-Balah. Au moins deux personnes ont été tuées, selon les rapports.
Les enfants sentent que la mort est « imminente »
Une étude récente s’appuyant sur des données collectées en juin par plusieurs organisations internationales des droits humains, dont War Child Alliance, a été publiée cette semaine, révélant que, parmi les enfants des ménages consultés dont au moins un enfant a été blessé, mis en incapacité, non accompagné ou séparé de ses parents, 96 pour 100 sentaient que leur mort était imminente. Et près de 50 pour 100 des enfants approchés avaient exprimé un désir de mort.
L’étude a également découvert que 90 pour 100 des enfants avaient de « sombres perspectives », 83 pour 100 étaient épuisés et 73 pour 100 avaient un comportement agressif.
Quatre journalistes assassinés
Israël a tué quatre journalistes à Gaza, au cours des huit derniers jours.
Le bureau gouvernemental des médias de Gaza affirme que le nombre de journalistes et de travailleurs des médias qui ont été tués depuis octobre 2023 est actuellement de 196.
Ahmed Bakr al-Louh, un cameraman qui travaillait pour Al Jazeera, a été tué dimanche, lors d’un bombardement à Nuseirat. Selon le réseau, il a été tué alors qu’il couvrait les opérations de sauvetage de la défense civile après un précédent bombardement et il portait sa vareuse et son casque de presse.
Sa maison, où il vivait avec sa femme et sa famille, avait été « complètement détruite » par Israël lors d’un bombardement à Nuseirat quelques jours plus tôt à peine.
Muhammad Jabr al-Qarnawi, un correspondant travaillant pour Sanad News Agency, a été tué en même temps que sa femme et trois de ses enfants, dimanche également, lors d’un bombardement israélien du camp de réfugiés d’al-Bureij.
Et Muhammad Baalusha, qui travaillait pour la chaîne satellite Al Mashhad, a été tué samedi lors d’une attaque de drone à Gaza.
Baalusha était le journaliste qui avait découvert le premier les corps décomposés de bébés prématurés à l’hôpital pédiatrique d’al-Nasr, fin novembre 2023.
Les bébés avaient été abandonnés et étaient morts de froid, de faim, seuls et dans la douleur, pendant une période de 17 jours, après que les forces israéliennes avaient ordonné au personnel de l’hôpital de quitter les lieux.
Comme nous l’avions rapporté à l’époque, sur base de témoignages, l’armée israélienne avait apparemment dit aux parents de ces nouveau-nés fragiles que la Croix-Rouge allait les évacuer en toute sécurité. Cela n’a jamais eu lieu.
Baalusha avait été touché à la cuisse par un sniper israélien un mois plus tard, alors qu’il faisait un reportage dans le camp de réfugiés de Jabaliya. Selon le Comité de protection des journalistes, il avait perdu conscience pendant environ une demi-heure avant d’être réveillé par les contacts des chats qu’il venait de nourrir avant de se faire tirer dessus.
Al Mashhad TV a déclaré que les forces israéliennes avaient empêché les ambulances de l’atteindre, retardant ainsi son transfert à l’hôpital pour y être soigné.
Al Jazeera a fait savoir qu’après avoir survécu à l’attaque du sniper, Baalusha avait continué pendant des mois de rapporter sur la guerre, malgré ses blessures, avant d’être tué samedi, lors d’une attaque de drone israélien à Gaza.
Le 11 décembre, la journaliste Eman Hatem al-Shanti, qui présentait des informations pour Sawt al-Aqsa Radio, a été tuée en compagnie de son fils et d’autres membres de sa famille lors du bombardement par Israël d’un appartement résidentiel du quartier de Sheikh Radwan à Gaza City.
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Ce reportage est un extrait de l’article de Nora Barrows-Friedman, publié le 19 décembre 2024 sur The Electronic Intifada sous le titre : Day 439: Questions and answers.
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine