Israël détruit un hôpital à Gaza et enlève son directeur, le Dr Hussam Abu Safiya
Depuis plus de 80 jours, le directeur de l’hôpital, le Dr Hussam Abu Safiya, un pédiatre, a imploré le monde de faire cesser les attaques génocidaires d’Israël contre son hôpital, son personnel et ses patients.
Nora Barrows-Friedman, 1er janvier 2025
Depuis le début du mois d’octobre, nous suivons chaque semaine l’incessant ciblage des travailleurs médicaux, des patients et du personnel de l’hôpital Kamal Adwan, à Beit Lahiya, du fait qu’Israël intensifie ses opérations de nettoyage ethnique et d’oblitération complète de toute vie palestinienne dans le nord de Gaza.
Toute cette semaine écoulée, chars et drones quadricoptères n’ont cessé d’assiéger l’hôpital, qui était le tout dernier centre médical encore partiellement opérationnel dans toute la partie nord de Gaza.
Il est désormais en ruine, après que l’armée israélienne a pris le bâtiment d’assaut, a ordonné à toutes les personnes encore à l’intérieur de s’en aller, a interrogé et dépouillé de leurs vêtements les membres du personnel avant de bouter le feu aux bâtiments.
Voici les faits saillants de cette dernière semaine d’attaques contre l’hôpital Kamal Adwan.
Israël a déployé des véhicules contrôlés à distance pour placer des caisses d’explosifs autour de l’hôpital, ont affirmé des témoins oculaires.
Des drones ont été filmés en train de larguer des bombes sur l’hôpital même.
Le 24 décembre, le Dr Abu Safiya avait déclaré qu’il y avait « du neuf » dans le développement des attaques israéliennes contre l’hôpital.
« Des robots explosifs ont commencé à s’approcher petit à petit, et deux de ces robots ont explosé à proximité de l’hôpital Kamal Adwan »,
avait-il dit.
« Je crois qu’ils étaient à une cinquantaine de mètres d’ici. Malheureusement, ces explosions, au moment où les deux robots ont sauté, ont provoqué des dégâts massifs à l’hôpital. Voilà la situation »,
avait-il dit, au moment même où une bombe larguée par un quadricoptère explosait tout près.
« Nous avons subi ces bombes toute la nuit. »
Le 25 décembre, les attaques israéliennes contre l’hôpital Kamal Adwan ont tué 5 membres du personnel : le Dr Ahmed Samour, un pédiatre ; Israa Abu Zaida, une technicienne de laboratoire ; deux paramédicaux, Abdul Majeed Abu Al-Aish et Maher Al-Ajrami ; et Fares Al-Hudali, un technicien d’entretien.
Le 27 décembre, les soldats israéliens ont ordonné aux patients et au personnel médical de quitter l’hôpital. Certains patients ont été transférés vers d’autres sites médicaux.
Les forces israéliennes ont également ordonné à tout le personnel médical de se déshabiller complètement, de se rendre à un endroit tout proche et d’y subir des interrogatoires avant que certains d’entre eux ne soient enlevés et emmenés vers des lieux inconnus.
Un témoin a déclaré que les soldats israéliens avaient forcé tous les patients et personnes déplacées à se dévêtir et à parcourir une longue distance vers un check-point, où ils avaient été soumis à des heures d’humiliations et de fouilles invasives avant d’être entassés dans des camions, toujours déshabillés, et de devoir rester assis pendant des heures.
Le témoin a ajouté que tous, les blessés et les malades, les personnes déplacées et les visiteurs, avaient été soumis au même traitement dégradant, sans le moindre égard pour leur état de santé. Des soldats ont également marqué des prisonniers palestiniens d’un numéro dans le cou et sur la poitrine.
Shurouq Saleh Khader al-Rantisi, une laborantine de l’hôpital, a expliqué aux journalistes que les forces israéliennes avaient ordonné aux membres féminins du personnel de l’hôpital d’ôter leur chemise et de baisser leur pantalon. Ils ont également ordonné aux femmes d’enlever leur foulard.
« Quand nous avons toutes refusé de le faire, ils ont dit que celles de moins de 20 ans devraient l’enlever. Nous avons encore insisté en disant que nous n’enlèverions pas notre hijab. »
Al-Rantisi a dit qu’après les avoir fouillées, le soldat a contrôlé les cartes d’identité et a obligé le groupe des femmes du personnel de s’asseoir derrière les hommes arrêtés, sur une surface sablonneuse.
« Nous avons été surprises de voir qu’elles [les forces israéliennes] brûlaient les archives »,
a déclaré al-Rantisi, ajoutant qu’après cela, l’armée avait appelé le Dr Hussam Abu Safiya et qu’il était sorti. Il était revenu ensuite et avait dit à son personnel que l’armée voulait que tout le monde quitte l’hôpital.
Un médecin de Gaza, le Dr Ezzideen, a déclaré dans les médias sociaux que certains membres du personnel médical
« avaient été transférés plus tard vers l’Hôpital indonésien (un site qui avait été vidé de ses personnes déplacées une semaine auparavant) ».
Quelques heures après cela, a-t-il ajouté,
« quelques-uns de nos collègues ont été libérés de l’Hôpital indonésien mais ont été soumis à une autre série de fouilles corporelles avant de pouvoir s’en aller. (…) Malheureusement, une partie du personnel médical, dont le directeur lui-même, a été emmenée vers un endroit inconnu, et le sort de ces personnes reste incertain ».
Samedi, des images ont été publiées qui montraient le Dr Hussam Abu Safiya, à qui l’on avait ordonné de se rendre près de deux chars à l’extérieur de l’hôpital afin de s’entretenir avec les soldats à bord. Après cela, il a été enlevé et, dit-on, agressé physiquement par les Israéliens.
Un infirmier, Waleed Al-Boudi, a donné un témoignage oculaire de l’enlèvement du Dr Abu Safiya et des violences que lui ont infligées les militaires israéliens.
Le 30 décembre, le Dr Abu Safiya avait effectivement disparu, enlevé par l’armée israélienne, et on ignore désormais tout de l’endroit exact où il se trouve.
Des personnes affirment avoir vu qu’il a été battu par des soldats israéliens.
Le bureau gouvernemental des médias de Gaza a déclaré dimanche que
« le Dr Hussam Abu Safiya, sans oublier ses collègues du système des soins de santé, assumait le poids de la défense du droit des patients et des blessés à recevoir des traitements et des soins médicaux et qu’il restait bien déterminé à le faire sur son lieu de travail, en dépit de ses blessures graves et de la perte de son fils Ibrahim, qui avait assisté aux sacrifices de cette famille résiliente ».
Le bureau des médias a ajouté que, s’ils sont exacts,
« les rapports disant que le Dr Hussam Abu Safiya a été soumis à de graves violations et à des pressions psychologiques et physiques après son arrestation, y compris avoir été obligé d’enlever ses vêtements et sa blouse de médecin et avoir été utilisé comme bouclier humain, révèlent une violation fragrante de toutes les valeurs humains et conventions internationales ».
Comme nous l’avons rapporté, le Dr Abu Safiya avait refusé plusieurs fois de se plier aux ordres de l’armée israélienne, lui enjoignant de quitter son hôpital. Fin octobre, Israël avait lancé un raid contre Kamal Adwan et l’avait assiégé, tuant le fils du docteur, Ibrahim, âgé de 15 ans, lors d’une frappe de drone.
Le docteur avait dirigé les prières funéraires pour son fils avant de l’enterrer dans la cour de l’hôpital. À l’époque, il avait accusé l’armée israélienne d’avoir tué son fils en guise de punition pour avoir refusé d’abandonner l’hôpital ainsi que son personnel et ses patients.
Un mois plus tard, le Dr Abu Safiya avait été blessé par une autre frappe de drone, qui lui avait déchiré la jambe avec un shrapnel et l’avait laissé grièvement blessé.
Mais il avait déclaré :
« Cela ne nous arrêtera pas. J’ai été blessé sur mon lieu de travail et c’est un honneur. Mon sang n’est pas plus précieux que celui de mes collègues ou des personnes que nous servons. Je retournerai auprès de mes patients dès que j’irai mieux. »
La semaine dernière encore, comme l’a rapporté notre contributrice Fedaa Al-Qedra, le Dr Abu Safiya a fait savoir avec insistance que transférer des patients comme les Israéliens l’avaient exigé par haut-parleur allait prendre des journées entières, et non des heures, et encore, en admettant que la chose soit possible. L’Hôpital indonésien de Beit Lahiya, disait-il, devait être préparé et il manquait les ambulances nécessaires pour transporter les patients.
« Une fois de plus, comme si souvent au cours des semaines précédentes, il a adressé un appel à un monde qui n’a pas d’oreilles »,
écrit Fedaa al-Qedra.
Les attaques contre les autres hôpitaux dans le nord de Gaza
Le ministère palestinien de la santé de Gaza a fait remarquer vendredi que
« le seul hôpital [dans le nord de Gaza] opérationnel en partie seulement en raison du manque de capacités et de fournitures médicales était l’hôpital Kamal Adwan »,
après que l’armée israélienne avait détruit les deux autres hôpitaux publics de la région.
« L’hôpital de Beit Hanoun a été complètement détruit et l’Hôpital indonésien est complètement hors service après la destruction de toutes ses infrastructures. »
« Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que l’occupation a asséné un coup fatal au système de santé restant dans le nord de Gaza et c’est complètement conforme au ‘plan général’ visant à mettre un terme à la présence de la population dans le nord de la bande de Gaza »,
a déclaré le ministère de la santé.
Israël a attaqué trois autres hôpitaux dans le nord de Gaza, ce week-end, y compris l’hôpital baptiste al-Ahli, l’hôpital al-Wafaa à Gaza même et l’hôpital Al-Awda à Jabaliya.
L’attaque contre al-Mawasi ; cinq nouveau-nés meurent d’hypothermie
Israël continue d’attaquer régulièrement les tentes des Palestiniens déplacés dans les prétendues zones humanitaires de Gaza. Le 22 décembre, Israël a massacré au moins sept Palestiniens lors d’un bombardement d’al-Mawasi qui a mis le feu aux tentes.
Et, cette semaine, au moins cinq nouveau-nés sont morts d’hypothermie dans des camps de personnes déplacées, dont celui d’al-Mawasi. L’aîné de ces bébés, Jumaa Batran, avait à peine un mois.
Hani Mahmoud, d’Al Jazeera, a rapporté que
« des milliers de Palestiniens déplacés de chez eux vivaient à l’intérieur de tentes de nylon, de plastique ou montées de bric et de broc le long de la côte et dans la partie centrale de la zone d’évacuation d’al-Mawasi, où il fait réellement froid en cette période de l’année ».
« Il est à craindre que cela n’empire, car les prévisions météo mettent en garde contre un front froid qui va frapper la bande de Gaza au cours des prochains jours »,
a ajouté Mahmoud.
Le ministère palestinien de la santé à Gaza a annoncé qu’un médecin, le Dr Ahmed Al-Zaharna, qui travaillait à l’Hôpital européen de Gaza, était mort d’hypothermie lui aussi le 27 décembre. Son corps a été découvert à l’intérieur de sa tente à al-Mawasi.
Cinq journalistes brûlés vifs lors d’une frappe de l’aviation israélienne
Israël a également tué cinq journalistes, cette semaine, à Gaza.
Le bureau gouvernemental des médias de Gaza annonce que le nombre de journalistes et de travailleurs des médias qui ont été tués depuis octobre 2023 est actuellement de 201, après qu’Israël a bombardé une camionnette de la presse de la chaîne satellite Al-Quds Al-Yom vers 1 heure du matin le 26 décembre, brûlant vifs cinq journalistes qui travaillaient dans le camp de réfugiés de Nuseirat.
Ils s’appelaient Faisal Abu Al-Qumsan, Ibrahim Al-Sheikh Ali, Muhammad Al-Ladah, Fadi Hassouna et Ayman Al-Jadi.
La femme d’Al-Jadi était en train d’accoucher de leur premier enfant dans un hôpital tout proche quand il a été tué. Le bébé est né quelques heures plus tard et a reçu le prénom de son père.
Le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH) a qualifié cette frappe de missile contre les médias de
« pire crime contre des journalistes au cours du génocide israélien à Gaza ».
L’organisation a déclaré qu’
« en ciblant des journalistes, Israël cherche à monopoliser le discours et à orchestrer un black-out des médias afin d’empêcher le monde de voir les atrocités commises contre le peuple palestinien tout en refusant aux journalistes internationaux l’accès à Gaza et, partant, la couverture du génocide ».
Mise en exergue de la résilience
Finalement, comme à notre habitude, nous avons voulu partager des images de personnes qui expriment leur défi et leur résilience face à la campagne israélienne de destruction.
La célébration d’un enfant nouveau-né dans le camp Refaat Alareer pour familles déplacées à été filmée par le Sameer Project, une organisation locale d’entraide.
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Ce texte provient de la synthèse de l’actualité proposée au cours du livestream de l’Electronic Intifadah du 30 décembre 2024. Visionnez la totalité de l’épisode (en anglais) ci-dessous.
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Publié le 1er janvier 2025 sur The Electronic Intifadah
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine