Recommencer à vivre dans les ruines de Gaza
Mustafa al-Ashqar explique on ne peut plus simplement pourquoi lui et sa famille sont retournés dans le quartier de Shujaiya, à Gaza :
« Notre maison nous manquait et nous en avions plus qu’assez de vivre dans des tentes. »

5 février 2025, Jabaliya, dans le nord de Gaza. Un Palestinien construit un abri au milieu des ruines d’un bâtiment détruit. (Photo : Yousef Zaanoun / ActiveStills)
Taghreed Ali, 24 février 2025
Al-Ashqar, 47 ans, a fui Shujaiya en décembre 2023, accompagné de sa femme et de ses cinq enfants.
Ils se sont rendus à al-Tuffah, un autre quartier de Gaza. La famille a survécu tant bien que mal, bien qu’elle ait dû vivre sans nourriture pendant de longues périodes, boire de l’eau non potable et même subir le siège d’al-Tuffah par l’armée israélienne.
Mustafa Al-Ashqar et sa famille ne sont revenus à Shujaiya qu’après le cessez-le-feu entré en vigueur en janvier. Du fait qu’une partie du plafond s’était écroulée et que les murs avaient été détruits ou fortement endommagés, il a estimé que sa maison n’était plus habitable.
Néanmoins, il a entrepris de réparer une pièce, il a dégagé une partie des décombres et utilisé du tissu pour monter des murs de bric et de broc.
« Les conditions sont difficiles mais, maintenant, je me sens en sécurité dans ma maison »,
dit-il.
Quitter une tente pour un bâtiment en dur était vital.
« Je voulais protéger ma famille du froid intense »,
ajoute-t-il.
Mustafa Al-Ashqar est toutefois très conscient que tout le monde est toujours exposé à des risques.
Israël a continué de commettre des actes de violence à Gaza, en rompant l’accord de cessez-le-feu. Le souvenir de la façon dont la maison était secouée lors de chaque frappe aérienne toute proche est resté vivace lui aussi.
Mais al-Ashqar est catégorique : Il entend bien rester dans sa maison.
« Il n’y a pas d’alternative »,
dit-il.
Environ 92 pour 100 de l’habitat a été détruit ou endommagé, à Gaza.
La dévastation n’a pas brisé la détermination très répandue à tenter de recommencer à vivre.
« Un cauchemar »
Les scènes récentes montrant des personnes déplacées vers le sud refluer vers le nord ont été dramatiques. On a moins fait attention, ces dernières semaines, au sort des personnes qui ont été déracinées dans le sud de l’enclave.
Sidqi al-Najjar, 43 ans, est un charpentier originaire de Khuzaa, une petite ville proche de Khan Younis, dans le sud de Gaza.
Avant la guerre génocidaire, il vivait dans un immeuble de trois étages. Après le bombardement de celui-ci par Israël, en janvier 2024, lui et sa famille ont été déplacés vers al-Mawasi, une autre zone dans le sud de la bande, où ils ont monté une tente.
Il ne reste que deux pièces, aujourd’hui, du logement occupé naguère par la famille à Khuzaa, et elle y est retournée.
Al-Najjar explique qu’il a « eu un sentiment de désespoir » en découvrant son ancienne maison. Mais avec l’aide de proches, il n’a pas tardé à dégager les débris des deux pièces qui étaient restées debout.
« Les deux pièces sont dangereuses »,
dit-il.
« Des choses nous tombent dessus quand nous dormons. J’ai peur en permanence de voir le plafond s’écrouler sur nous. »
Les prix du ciment et autres matériaux de construction ont monté en flèche depuis octobre 2023 : d’après certaines sources, jusqu’à 400 pour 100 de plus.
Sidqi Al-Najjar n’a pas les moyens de reconstruire sa maison convenablement. Du fait que ce qu’il reste du bâtiment a été exposé aux éléments, il a entrepris un travail de rafistolage rudimentaire à l’aide d’éléments en métal et de tissu.
« Vivre dans une maison au bord de l’effondrement vaut toujours mieux que de vivre dans des tentes »,
dit-il.
« Le froid glacial est devenu un cauchemar auquel nous n’avons pas pu nous adapter. »
La tente familiale avait été installée sur une plage d’al-Mawasi. La situation de la famille est devenue particulièrement désespérée quand la tente a été inondée par les fortes marées, en septembre dernier.
« L’occupation nous a laissés sans rien »,
dit-il.
« Tous nos biens ont été détruits – nos maisons, nos terres agricoles, nos souvenirs. »
« Une catastrophe »
Said al-Shurfa, 36 ans, a grandi au camp de réfugiés d’al-Bureij, dans le centre de Gaza. Sa maison a été attaquée par Israël en juin dernier.
Même si elle est en ruine, al-Shurfa estime que sa maison est préférable à la tente délabrée dans laquelle lui et sa famille ont été obligés de vivre.
« Ma maison a été presque complètement détruite »,
dit-il.
Comme ses portes et fenêtres ont été arrachées, il les a recouvertes de pièces de tissu. Il est parvenu à dégager l’un ou l’autre vieux lit de la famille et des couvertures de sous les décombres, de sorte qu’ils ne doivent pas dormir à même le sol.
« Quand nous entrons ou sortons de la maison, nous devons escalader des tas de décombres »,
dit-il.
« Mais c’est mieux que de vivre dans des tentes. »
Un cessez-le-feu permanent est vital pour pouvoir entreprendre le long et difficile processus de la reconstruction.
« Il nous faut mettre fin au cauchemar de la guerre »,
dit Said al-Shurfa.
« Ce qui est arrivé a été une véritable catastrophe. »
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Taghreed Ali est une journaliste qui vit et travaille à Gaza.
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Publié le 24 février 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine