Israël bombarde les enfants et les infrastructures en Cisjordanie

Israël applique en Cisjordanie occupée ce qu’il n’a cessé de faire dans toute la Palestine historique depuis la création de son État : éloigner de force les Palestiniens de leurs foyers et les empêcher d’y retourner.

 

19 février 2025. Les forces armées israéliennes barrent l'entrée du camp de réfugiés de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée

19 février 2025. Les forces armées israéliennes barrent l’entrée du camp de réfugiés de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée. (Photo : Mohammed Nasser / APA images)

 


Tamara Nassar, 27 février 2025

Quelque 40 000 Palestiniens ont été déplacés de force des camps de réfugiés de la Cisjordanie occupée, au cours de l’offensive militaire baptisée « Muraille de fer », qui est entrée dans son deuxième mois. De toutes les personnes déplacées, seules 3 000 sont revenues chez elles.

Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz vient d’indiquer que leur déplacement sera définitif, puisqu’il a instruit l’armée israélienne « de ne pas autoriser le retour des habitants ».

La crainte des Palestiniens que leur déplacement ne soit le but sous-jacent de l’opération semble se rapprocher plus encore de la réalité, même si l’armée israélienne n’a cessé de prétendre qu’il ne s’agissait pas d’une politique officielle d’évacuation.

Depuis le début de l’opération, le 21 janvier, plus de 50 Palestiniens, dont sept enfants au moins, ont été tués par les forces israéliennes dans les gouvernorats de Jénine, Tulkarem et Tubas, dans le nord de la Cisjordanie.

L’offensive militaire s’est concentrée sur les camps de Jénine, de Tulkarem et de Nur Shams, près de Tulkarem, ainsi que sur le camp de Tubas, et elle consiste en un effort coordonné qui implique l’armée d’Israël, son agence d’espionnage intérieur le Shin Bet et sa police des frontières.

Les soldats israéliens ont envahi les camps de réfugiés et les zones avoisinantes, ils ont déployé des snipers, opéré des descentes dans des maisons, arrêté des jeunes et effectué des frappes aériennes contre les Palestiniens au cours desquelles des enfants ont également perdu la vie.

Les bulldozers israéliens ont détruit de long tronçons de la voirie sous prétexte de dégager des engins explosifs qu’on y aurait plantés. En réalité, ils détruisent les importantes infrastructures et les Palestiniens ont interprété ces pratiques comme des mesures vindicatives de châtiment collectif. De plus, il n’est pas évident du tout que cette tactique soit efficace en vue de réduire la menace des engins explosifs improvisés.

Les forces israéliennes ont sévèrement endommagé les infrastructures de l’eau et de son assainissement, empêchant ainsi leur accès à des dizaines de milliers de Palestiniens, a déclaré l’agence de contrôle de l’ONU, l’OCHA.

À Jénine, plus de trois kilomètres du réseau d’égouttage et plus de vingt kilomètres de conduites d’eau ont été sévèrement endommagés, a rapporté l’OCHA. À Tulkarem, plus de huit kilomètres d’égouts et de réseaux d’eaux pluviales ainsi que quinze kilomètres de canalisations d’eau ont subi le même sort. Quelque 27 000 personnes n’ont plus accès à l’eau potable, à la suite des dégâts infligés par l’armée israélienne.

 

Similitude avec Gaza

Le camp de réfugiés de Jénine, l’un des points de concentration de l’opération, est « virtuellement vide, désormais », a rapporté Reuters, et les forces israéliennes

« semblent y tracer de larges routes à travers son dédale de ruelles naguère si animées ».

Ceci ressemble à une tactique utilisée par Israël à Gaza : élargir les routes pour faciliter le mouvement des troupes d’invasion dans le secteur et pour surveiller et frapper les combattants palestiniens qui peuvent utiliser les ruelles du camp afin d’échapper à la reconnaissance israélienne.

En ce moment, l’armée israélienne se prépare

« à un long séjour dans les camps qui ont été évacués, en prévision de l’an prochain »,

a annoncé Katz.

Ces préparatifs se matérialisent déjà sur le terrain.

Les équipes du génie de l’armée israélienne acheminent des réservoirs d’eau et des générateurs vers un endroit spécifique de Jénine, d’une superficie d’environ un acre (0,4 hectare), selon Basheer Matahen, porte-parole de la municipalité de Jénine.

« Jénine est un remake de ce qui s’est passé à Jabaliya »,

a expliqué Matahen à Reuters, faisant allusion à la ville dévastée et quasiment détruite du nord de Gaza et à son camp de réfugiés, que l’armée israélienne avait envahis à plusieurs reprises au cours du génocide avant de les soumettre à un siège total durant de longs mois.

Pour la première fois depuis une vingtaine d’années, des chars israéliens ont été déployés en Cisjordanie. Il s’agit d’un autre signe de l’escalade israélienne.

L’opération militaire en Cisjordanie a été lancée quelques jours après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Elle a été mise en chantier en tant que continuation de la guerre afin de tempérer l’opposition de l’extrême droite israélienne à l’accord de cessez-le-feu.

 

Les tueries

Entre-temps, au moins 16 enfants palestiniens ont été tués en Cisjordanie occupée depuis le début de l’année.

La moitié d’entre eux ont été tués par des frappes de drone.

Le 21 février, un soldat israélien à bord d’un véhicule lourdement blindé a ouvert le feu à une distance d’une cinquantaine de mètres sur une adolescente de 13 ans qui se trouvait dans la cour de sa maison familiale et il l’a touchée au dos, a établi une enquête de terrain de Defense for Children International – Palestine (DCI-P).

Des membres de la famille de Rimas Omar Ammouri ont tenté de s’approcher d’elle pour lui porter secours, mais les soldats leur ont tiré dessus aussi.

La mère de la fille est parvenue à la ramener à l’intérieur de la maison. La famille a tenté de panser sa blessure tout en attendant l’arrivée d’une ambulance. En raison des restrictions de mouvement imposées par l’armée israélienne, celle-ci a mis au moins 20 minutes pour arriver sur les lieux.

Rimas a été déclarée morte 10 minutes après son arrivée à l’hôpital.

Depuis fin janvier, Rimas est le troisième enfant palestinien visé à balles réelles par les forces israéliennes alors qu’il se trouve à l’intérieur de chez lui.

Le 25 janvier, les forces israéliennes ont également abattu et tué Laila Ayman Khatib, une fillette de deux ans, alors qu’elle dînait avec sa famille.

Aujourd’hui, Jannat Faisal Mutawar, huit ans, a perdu la vue après que les forces israéliennes lui ont tiré une balle dans la tête le 11 février, alors qu’elle se trouvait elle aussi à l’intérieur de sa maison.

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Publié le 27 février 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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