Les lobbys poussent à la criminalisation des détracteurs d’Israël
En mettant en avant la définition de l’IHRA, l’objectif des lobbys est de museler le mouvement de solidarité avec la Palestine.
David Cronin, 21 mai 2025
Ces derniers jours, une fois de plus, le gouvernement israélien s’est lui-même incriminé.
Benjamin Netanyahou, le Premier ministre, a déclaré qu’Israël avait l’intention de prendre en charge le contrôle de Gaza. Son partenaire de coalition, Bezalel Smotrich, promet la poursuite des destructions à une échelle de masse ainsi que le « nettoyage » – autrement dit le déplacement et l’expulsion potentielle des Palestiniens.
Tout ce qu’ils font et ont menacé de faire est illégal, selon le droit international. Toutefois, pour un réseau de lobbyistes professionnels, les « méchants » ne sont pas ceux qui commettent un génocide, mais ceux qui s’y opposent.
Cette semaine, l’European Leadership Network (Elnet – Réseau du leadership européen), un groupe de défense pro-israélien, a tenu une conférence à Paris, au cours de laquelle il a été suggéré qu’une « intifada mondiale » était responsable de « la montrée de l’antisémitisme » depuis le 7 octobre 2023.
L’expression « intifada mondiale » fait allusion presque à coup sûr aux innombrables protestations qui ont eu lieu contre la brutalité israélienne au cours des 19 derniers mois. Le choix des mots d’Elnet salit toutes les personnes ordinaires qui ont rallié ces protestations en insinuant qu’elles sont antisémites.
La conférence de Paris succédait à une « analyse » publiée par l’antenne française d’Elnet un peu plus tôt ce mois-ci.
Ce document prétend qu’en convoitant la liberté entre le Jourdain et la Méditerranée, les militants de la « cause palestinienne » poussent réellement au massacre des juifs et à leur expulsion d’Israël par la violence. Il décrit la gauche radicale comme un « terrain fertile pour la haine contre les juifs en Europe » et prétend que les immigrés musulmans sont particulièrement réceptifs à la « cause palestinienne ».
En qualifiant les immigrés de violents et de fanatiques – un stéréotype xénophobe – Elnet trahit son propre sectarisme. Ce sectarisme était universellement partagé par les participants à la conférence de Paris.
Claudia Plakolm, ministre de l’Europe en Autriche, a profité de l’occasion pour promouvoir « le nouveau programme d’intégration obligatoire » de son pays. Celui-ci stipule que
« toute personne ayant droit à l’asile et à la protection subsidiaire devra signer – et se conformer à – une déclaration contre l’antisémitisme »,
a déclaré Plakolm.

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L’Autriche a adopté la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (AIMH ou IHRA), qui confond opposition aux crimes d’Israël et hostilité. Par conséquent, Plakolm promet essentiellement que les réfugiés seront punis s’ils défendent les droits palestiniens.
Il conviendrait d’ajouter que l’Autriche envoie des messages contradictoires.
L’Autriche fait partie des 17 gouvernements de l’UE qui, mardi, ont voté en faveur d’un examen de l’accord associatif avec Israël – accord qui, en théorie, fait dépendre la coopération du respect des droits humains. Pourtant – comme l’a prouvé Plakolm – le monde politique autrichien continue de ménager le lobby pro-israélien.
Le compatriote de Plakolm, Magnus Brunner, siège à la table des dirigeants de l’exécutif de l’UE. Il a été chargé et de combattre l’antisémitisme et d’adopter une attitude agressive envers l’immigration.
Lors de la conférence de Paris, Brunner a déclaré :
« Le combat contre l’antisémitisme est une composante importante du renforcement de nos liens avec Israël. Et, de même, nos liens avec Israël sont une composante importante de la victoire dans ce combat. »
Ce qu’il n’a pas dit, c’est qu’en mettant en avant la définition de l’IHRA, l’objectif d’Israël était de museler le mouvement de solidarité avec la Palestine.
Dans l’état actuel des choses, cette définition est officiellement classée comme juridiquement non contraignante. L’Association juive européenne (EJA) – une autre organisation pro-israélienne – insiste néanmoins en faveur d’une « définition juridique contraignante » assortie de sanctions pénales.
L’EJA s’est adjoint les services de David Lega, anciennement membre suédois du Parlement européen, en tant que conseiller principal. L’homme recommande que l’antisémitisme soit combattu via un recours accru aux procédures judiciaires.
À l’instar d’autres organisations pro-israéliennes, l’EJA prétend que l’opposition au sionisme – l’idéologie suprémaciste qui a sous-tendu la colonisation de la Palestine – équivaut à de l’antisémitisme.
« À cause de l’anti-sionisme, l’antisémitisme est à son niveau le plus élevé depuis le Seconde Guerre mondiale »,
déclarait récemment Menachem Margolin, le fondateur de l’organisation. Il n’y a donc guère de doute que l’EJA prône une stratégie de guerre juridique contre les détracteurs d’Israël.
Jusqu’où cet agenda ira-t-il ?
Itamar Ben-Gvir, le ministre israélien de la sécurité intérieure, prétend que même accorder une aide minimale aux habitants de Gaza constitue une « grave erreur ». Son argumentation consiste entièrement à s’en tenir à la version extrême du sionisme à laquelle lui-même adhère.
Toutefois, Ben-Gvir ne détient pas le monopole de la cruauté. Tous les partis qui ont été au gouvernement depuis la création d’Israël ont opprimé les Palestiniens – y compris ces sionistes prétendument libéraux et perçus comme acceptables, voire admirables, par le courant politique dominant en Europe.
Le sionisme est un ennemi des droits humains fondamentaux. C’est une idéologie toxique qui devrait être jetée à la poubelle de toute urgence.
Mettre le doigt sur ce genre de chose est un devoir pour toute personne qui croit en la dignité et en l’égalité. Si le lobby israélien obtient ce qu’il cherche, vous pourriez bien vous retrouver devant un tribunal, pour avoir exercé ce devoir.
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Publié le 21 mai 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal,