L’UE fustige les Juifs qui critiquent Israël

“Juifs européens pour une paix juste”, une organisation de Juifs qui critiquent Israël, a été exclu d’un groupe de travail sur l’antisémitisme de l’Union européenne (*)

L'UJFP en France, ainsi que L'UPJB en Belgique font partie du réseau "Juifs européens pour une paix juste"

L’UJFP en France, ainsi que L’UPJB en Belgique font partie du réseau “Juifs européens pour une paix juste”

David Cronin, 21 janvier 2021

Ne pas perturber le bonheur d’Israël a toujours été l’objectif tacite des efforts de l’Union européenne dans son « combat » contre l’antisémitisme. Ces efforts ont vraiment gagné en intensité après la révélation – apparemment non souhaitée par certains – des résultats d’un sondage d’opinion, fin 2003. Le sondage indiquait qu’Israël était perçu par près de 60 pour 100 des personnes interrogées comme la menace numéro un à l’encontre de la paix mondiale.

La conclusion aurait pu mener à une sobre réflexion sur la raison pour laquelle les participants de ce sondage sponsorisé par l’UE avaient défendu ce point de vue. Plutôt que d’engager à cette réflexion, la bureaucratie de Bruxelles a admis les allégations des partisans d’Israël selon lesquelles le sondage était une preuve de l’intolérance très répandue à l’égard des Juifs.

Une conférence portant sur les questions annexes avait été prévue à la hâte pour le début 2004 par la Commission européenne, l’exécutif de l’UE.

Natan Sharansky, à l’époque ministre du gouvernement israélien, était au nombre des invités. Lors de son discours, il affirma qu’il y avait une « ligne de séparation ténue » entre les critiques acceptables à l’égard d’Israël et l’antisémitisme.

Par la suite, Israël et son réseau de lobbyistes ont cherché à rendre cette ligne de séparation plus ténue encore. L’arme principale de leur arsenal fut une définition de l’antisémitisme suggérant qu’une forte aversion envers la politique d’Israël dissimulait tout simplement une haine envers les Juifs.

Un prétexte

A des degrés divers, l’UE a permis à Israël et à ses lobbyistes de fixer son agenda sur l’antisémitisme.

Le nouveau prétexte proposé par la Commission européenne afin d’empêcher un examen minutieux de cet agenda n’est qu’une imposture.

En 2019, la Commission européenne a constitué un groupe de travail sur l’antisémitisme. Ce groupe réunit des lobbyistes pro-israéliens, des policiers et des fonctionnaires civils en provenance des 27 pays de l’Union européenne.

European Jews for a Just Peace (Juifs européens pour une paix juste), une organisation critique à l’égard d’Israël, a demandé de participer au groupe de travail, mais a été rejetée.

En juillet, Tanja Fajon, une députée slovène du Parlement européen, a soumis une requête officielle à propos de ce rejet. Plus de six mois plus tard, elle a enfin reçu une réponse de Margaritis Schinas, un vice-président de la Commission européenne.

Schinas « a défendu » la décision d’exclure Juifs européens pour une paix juste en prétendant que « le groupe de travail s’occupe d’antisémitisme et non de questions de politique étrangère ». Il a également pointé du doigt la façon dont Juifs européens pour une paix juste mène une campagne contre l’occupation par Israël de la Cisjordanie et de Gaza.

Alors que Schinas et ses collègues ont exclu les opposants à l’occupation, ils ne voient aucun problème dans le fait de consulter des partisans de l’occupation.

Les gens qui nient l’occupation sont tout aussi bienvenus.

B’nai B’rith fait partie des organisations pro-israéliennes admises au sein du groupe de travail de l’UE.

En novembre, B’nai B’rith a applaudi à l’annonce par les Etats-Unis qu’ils allaient étiqueter les marchandises en provenance des colonies israéliennes en Cisjordanie en tant que « made in Israel ». Précédemment, B’nai B’rith avait déjà décrit la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, comme un « territoire israélien ».

Des contradictions

La position adoptée par Schinas est profondément dérangeante. En ne voulant accepter que des organisations qui soutiennent l’occupation – ou la nient – il assimile tous les Juifs aux actes d’agression commis par Israël.

Cette approche est intrinsèquement antisémite. De plus, elle ne respecte pas la diversité d’opinions existant chez les Juifs et Europe et ailleurs.

La suggestion de Schinas disant que le groupe de travail ne traite pas des « questions de politique étrangère » est contredite par les documents que le groupe a déjà publiés sur ses activités.

En juin, par exemple, ses participants ont pu écouter un exposé du service diplomatique de l’UE – une institution entièrement concentrée sur les « questions de politique étrangère ». Vera Jourova, une autre vice-présidente de la Commission européenne, a tiré parti de la même rencontre pour émettre une mise en garde – qu’elle a laissée sans substance – contre les « mythes conspiratoires et autres interférences en ligne émanant de tiers pays, en particulier de la Russie et de la Chine ».

Le groupe de travail s’inspire de la définition de l’antisémitisme utilisée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA ou AIMH). Le texte explicatif accompagnant la définition de l’AIMH fait allusion à Israël à plusieurs reprises.

Alors qu’Israël est impliqué dans de nombreuses activités de l’UE, il n’est même pas un Etat membre de l’UE. Tout ce qui concerne Israël, par conséquent, est une question de politique étrangère au sens strict du terme.

Au contraire des organisations participant au groupe de travail, Juifs européens pour une paix juste a contesté la définition de l’AIMH et les efforts en vue de censurer les prises de parole concernant Israël. Il est quasiment certain que c’est la raison pour laquelle Juifs européens pour une paix juste a été exclue du groupe de travail.

Katharina von Schnurbein, la coordinatrice de l’UE contre l’antisémitisme, préside un grand nombre de discussions du groupe de travail.

Bien que la description officielle de sa fonction ne fasse pas état d’Israël, elle a souvent outrepassé son mandat sans toutefois se faire pénaliser par la hiérarchie de l’UE.

Une requête concernant la liberté d’accès à l’information a révélé que von Schnurbein avait eu des discussions avec 17 personnes considérées par l’UE comme des représentants de haut niveau d’Israël, et ce, depuis son entrée en fonction en décembre 2015.

La liste de ces 17 personnes – publiée ci-dessous – comprend entre autres Reuven Rivlin, le président israélien ; Gilad Erdan, un homme politique (désormais diplomate) qui a dirigé ces dernières années une campagne de diffamation contre les activistes de la solidarité avec la Palestine ; et Naftali Bennett, un provocateur d’extrême droite qui soutient la colonisation intensive de la Cisjordanie.

Selon la Commission européenne, les discussions de von Schnurbein avec les 17 ont porté « exclusivement sur la lutte contre l’antisémitisme en Europe et sur une possibilité de coopération avec l’Etat d’Israël, à cet égard ».

Une « possibilité de coopération » avec un gouvernement étranger est à coup sûr une question de politique étrangère, dans le sens strict du terme.

Sous surveillance

Dernièrement, von Schnurbein a fait la promotion d’un nouveau « manuel » concernant la définition de l’AIMH.

Le « manuel » fait remarquer avec approbation que plusieurs pays européens appliquent la définition en « la mentionnant dans leur législation portant sur les délits de haine » et en « instaurant un département de surveillance d’Internet au sein de la police ».

Quand on lit entre les lignes, il devient manifeste que les commentaires sur Israël vont faire l’objet d’une surveillance plus étroite.

Bien que publié par la Commission européenne, le « manuel » a été rédigé par l’Association fédérale des départements de recherche et d’information sur l’antisémitisme en Allemagne. Cette association considère que boycotter Israël constitue une manifestation d’antisémitisme. 

Par bonheur, le lobby pro-israélien n’obtient pas tout comme il l’entend.

L’an dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a décidé que les appels à boycotter Israël étaient en phase avec la liberté d’expression et qu’ils devaient donc être protégés, à ce titre. Ce verdict a été suivi ces deux dernières semaines par un tribunal de Valence, en Espagne, qui a infirmé des allégations d’antisémitisme contre des activistes qui avaient conspué un chanteur américain parce qu’il applaudissait aux crimes de guerre d’Israël.

Tenter en permanence de faire plaisir à Israël constitue un exercice inutile. Qu’importe jusqu’où l’UE peut aller dans cet exercice, il y aura toujours des citoyens ordinaires qui élèveront la voix.

Trouvez ici la lettre émanant de l’UE avec liste des 17 personnalités israéliennes


Publié le 21 janvier 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

Lisez également : À l’UE, flics et lobbyistes dominent le groupe de travail sur l’antisémitisme

(*) NDLR. Juifs européens pour une paix juste est un réseau européen de 11 organisations juives de 10 pays militant pour la paix dans le conflit israélo-palestinien, née en septembre 2002 à Amsterdam.

Ce réseau soutient la campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions et réclame « la fin immédiate de l’occupation des territoires occupés : Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est avec reconnaissance des frontières du 4 juin 1967 »

Elle est composée de :

l’Union juive française pour la paix, en France, qui est son membre fondateur ;
l’Union des progressistes juifs de Belgique, en Belgique, depuis 2003.
Jüdische Stimme fur einen gerechten Frieden zwischen Israël und Palästina (Suisse)
Jewish Socialists’ Group (section britannique du Bund)
Jews for Justice for Palestinians (Royaume-Uni)
Judar för Israelisk-Palestinsk Fred (Suède)
Een Ander Joods Geluid (Pays-Bas)
Rete ‘Ebrei contro l’occupazione (Italie)
Jüdische Stimme für gerechten Frieden in Nahost (Allemagne)
European Jews for a Just Peace – Denmark
Jüdische Stimme für einen gerechten Frieden in Nahost (Autriche)

Source : Wikipedia

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