Oui, mais le Hamas… !

« Oui, mais le Hamas ? »  est une réponse courante quand on menace de parler un peu trop du massacre par Israël de dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants.

 

« Oui, mais le Hamas ? » C'est une réponse courante quand on menace de parler un peu trop du massacre par Israël de dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants. Photo : Rudi Vranckx (capture d'écran VRT/NWS)

 

Johan Depoortere (*), 29 mai 2025

Un changement timide est perceptible dans la façon dont les médias en place considèrent le génocide à Gaza. Le mot G est toujours tabou mais les critiques à l’encontre de la boucherie perpétrée par Israël augmentent, même si elles s’expriment encore généralement en termes prudents.

Ç’a été par exemple le cas dans l’émission De Afspraak (**) du 27 mai (à la VRT), lorsque Rudi Vranckx a posé des questions sur « l’action humanitaire » d’Israël : la distribution de nourriture par une organisation américaine et contrôlée par la même armée israélienne qui, en première instance, avait organisé la famine. Cette critique mitigée devait en même temps être neutralisée par un auteur de travaux populaires-historiques dont on n’a pas pu surprendre plus tôt l’intérêt et surtout pas l’expertise au sujet du Moyen-Orient. « Oui, mais le Hamas… ! » est le nouveau shibboleth quand il n’y a plus moyen autrement de dire du bien de l’attitude d’Israël.

« Pourquoi devoir utiliser ici une organisation louche alors qu’il existe des organisations expérimentées pour le faire ? »

se demande Rudi Vranckx à propos de l’« action humanitaire » d’Israël à Gaza. Rudi connaît parfaitement la réponse à cette question : Parce que l’opération montée par Israël est tout sauf une « action humanitaire », mais bien son contraire. C’est une nouvelle façon d’utiliser la faim comme arme sous l’appellation perverse d’« aide alimentaire ». C’est un moyen de confiner la population de Gaza dans un ghetto de plus en plus exigu, de la contrôler et, finalement, de l’expédier de l’autre côté de la frontière. C’est le prolongement de la politique qu’on nomme cyniquement « mettre Gaza au régime » et qui était d’application bien avant déjà le 7 octobre 2023. À cette époque aussi, les spécialistes calculaient le nombre de calories qu’on pouvait laisser entrer dans l’enclave (le camp de concentration) : juste assez pour éviter une mortalité massive, mais trop peu pour une vie humaine normale.

Aujourd’hui aussi, le gouvernement Netanyahou d’extrême droite veut éviter qu’un excès d’images d’enfants en train de mourir n’aillent perturber les petites âmes sensibles des sénateurs et députés américains, ce qui pourrait compromettre le soutien à son entreprise génocidaire. C’est pourquoi, aujourd’hui, la « mise au régime » connaît une nette accélération. Le but est et reste l’épuration ethnique de Gaza par les bombardements et une famine déguisée en « aide alimentaire ». Cela, Rudi le sait très bien. Pourquoi, dans ce cas, ne le dit-il pas ?

La rédaction de De Afspraak avait encore invité un autre éminent spécialiste du Moyen-Orient : le « journaliste » et « écrivain » Johan Op de Beeck. Il faut quand même bien trouver quelqu’un pour répéter servilement la propagande israélienne et ce ne peut pas toujours être l’ambassadrice d’Israël. Op de Beeck l’a fait avec brio et a répété le mème de la hasbara absolument dénué de fondement disant que « le Hamas vole l’aide alimentaire ».

« Oui, mais le Hamas ? ». C’est une réponse courante quand on menace de parler un peu trop du massacre par Israël de dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Là où l’affaire devient absolument comique, c’est quand, sur ce plan, Op de Beeck nous met en garde contre « la haine et l’incompréhension ».

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Publié le 29 mai 2025 sur Het Salon van Sisyphus
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

(*)Johan Depoortere a travaillé comme journaliste pour la BRT/VRT de 1973 à 2009.
(**) De Afspraak : Un talk-show quotidien de la VRT (Canvas).

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