Condamnez-vous le 7 octobre ? « Non », dit la Chine

La Chine n’a jamais condamné explicitement les attaques du 7 octobre. Selon son point de vue, le 7 octobre ne peut être séparé des sept décennies et plus de violence, d’apartheid et d’occupation par Israël.

 

Ma Xinmin, représentant de la Chine auprès de la CIJ. (Photo : via le site web de la CIJ)

Ma Xinmin, représentant de la Chine auprès de la CIJ. (Photo : via le site web de la CIJ)

 

Mike Whitney, 25 mai 2025

 

Naturellement, la chose a attiré des critiques véhémentes de la part de l’État juif qui a exprimé sa « profonde déception » à l’égard du refus de la Chine de répudier le Hamas. Et même alors, la Chine n’a ni cédé à la pression israélienne ni adouci sa rhétorique. Au contraire. Le 22 février 2024, Ma Xinmin – un conseiller juridique du ministère chinois des Affaires étrangères et membre de la Commission du droit international – a résumé la perception par la Chine des activités du Hamas lors d’un exposé à la Cour internationale de Justice à La Haye. Voici une partie de ce qu’il a déclaré :

« Le conflit palestino-israélien vient de l’occupation prolongée par Israël du territoire palestinien et de la longue oppression par Israël du peuple palestinien. Que les Palestiniens luttent contre l’oppression israélienne et qu’ils se battent pour obtenir la mise en place d’un État indépendant sur le territoire occupé constituent essentiellement des actions qui tendent à restaurer leurs droits légitimes. Le droit à l’autodétermination a été la base légale précise de cette lutte. » (MEMRI)

Le fait que la Chine a choisi un spécialiste du droit – membre de surcroît de la Commission du droit international – pour défendre la cause palestinienne, met en évidence l’importance que la Chine accorde à la question juridique élargie de savoir si l’attaque du Hamas était justifiable aux yeux du droit international. Ma conclut que l’attaque était non seulement justifiable, mais que les militants impliqués dans l’attaque avaient un « droit inaliénable » de mener des opérations visant à mettre un terme à l’occupation israélienne. Voici ce que dit Ma :

« Le recours du peuple palestinien à la force pour résister à l’oppression étrangère et concrétiser l’établissement d’un État indépendant est un droit inaliénable (…) La lutte menée par les peuples pour leur libération, le droit à l’autodétermination, y compris la lutte armée contre le colonialisme, l’occupation, l’agression, la domination par des forces étrangères ne devrait pas être considérée comme du terrorisme. » (MEMRI)

La déclaration de Ma ne devrait pas être interprétée comme un soutien à des meurtres et mutilations de civils innocents. Elle constitue toutefois une défense énergique du droit des peuples persécutés à participer à une lutte armée contre leurs oppresseurs.

 

 

La plupart des lecteurs ne savent pas que la Chine a résisté à des coercitions de la part d’Israël et qu’elle a défendu le droit international quand il se rapporte aux attaques du 7 octobre. Ils ne savent pas que la Chine a adopté une position de principe et qu’elle ne s’en est jamais écartée. Bien sûr, la plupart des gens ne comprennent pas que, parmi les 195 pays qui constituent le monde, 13 seulement désignent officiellement le Hamas comme une « organisation terroriste ». Beaucoup croient que le qualificatif « terroriste » est appliqué universellement et que le reste de l’humanité voit le monde à travers la même lentille déformante que celle des Américains. Mais ce n’est pas le cas. Elle perçoit le Hamas comme un mouvement de libération nationale qui a été légalement élu en 2006 pour gouverner Gaza à la suite d’élections « libres et régulières » imposées aux Palestiniens par l’administration Bush. Aujourd’hui, le Hamas est utilisé comme prétexte pour massacrer des femmes et des enfants à Gaza à une échelle industrielle. La plupart des dirigeants occidentaux ont exprimé leur soutien au bain de sang perpétré pendant 18 mois par Israël, alors que la Chine s’y est non seulement opposée mais a également défendu le droit palestinien à la lutte armée. Voici ce que dit le professeur Richard Falk, un très éminent spécialiste du droit international et ancien rapporteur spécial de l’ONU pour la Palestine :

« Le droit à la résistance a été affirmé au cours du processus de décolonisation dans les années 1980 et 1990, et cela incluait le droit à la résistance armée. Toutefois, cette résistance est censée se soumettre aux lois internationales de la guerre. »

Même le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme dit ceci :

« Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’Homme soient protégés par l’exercice des lois, à condition que l’homme ne soit pas obligé d’avoir recours, en dernier ressort, à la rébellion pour lutter contre la tyrannie et l’oppression. »

Israël ne se soumet pas aux lois internationales de la guerre. Par exemple, l’intégralité de la situation à Gaza constitue l’une des violations les plus flagrantes par Israël non seulement des lois de la guerre, mais aussi de tout l’appareil des lois internationales et humanitaires.

Par ailleurs, les Palestiniens, qui sont en état permanent de légitime défense, sont motivés par un ensemble de valeurs différentes de celles d’Israël. La première, c’est qu’ils sont pleinement conscients de la nécessité de préserver la légitimité morale dans leurs méthodes de résistance (…)

« Dans la mesure où il existe des preuves réelles d’atrocités accompagnant l’attaque du 7 octobre, elles constitueraient des violations mais l’attaque en soi est quelque chose qui, dans son contexte, apparaît tout à fait justifiable et d’ailleurs attendue depuis longtemps »,

avait ajouté Falk. (The Palestine Chronicle)

C’est la raison pour laquelle Israël a inventé de toutes pièces tant d’histoires de bébés décapités, de viols de masse et de massacres de civils innocents. L’intention est de persuader le public que le 7 octobre n’était pas l’expression légitime d’une résistance politique mais un acte délibéré, gratuit de terrorisme à l’encontre de personnes ordinaires. Les analystes occidentaux font typiquement leurs choux gras des atrocités destinées à noyer toute discussion raisonnable autour de l’oppression historique ou des réalités politiques. Une fois de plus, voici ce que dit Richard Falk :

« L’une des tactiques utilisées par l’Occident et Israël a consisté à tenter – et ça a failli réussir – de décontextualiser le 7 octobre de façon à faire croire qu’il était sorti de nulle part… Le secrétaire général de l’ONU s’est même fait incendier comme antisémite simplement pour avoir fait remarquer un fait on ne peut plus évident – il y avait un lourd passé de violence contre le peuple israélien pour en arriver là », avait-il ajouté, faisant allusion à la simple déclaration d’Antonio Guterres disant que le 7 octobre ‘n’était pas sorti de rien’. » (The Palestine Chronicle)

 

 

Précisément. Les arguments en faveur du génocide s’appuient sur le fait qu’il est possible d’écarter le 7 octobre de son « contexte » historique élargi et de le percevoir comme un événement « isolé » nécessitant une réponse particulièrement violente. Mais le 7 octobre n’est pas un événement isolé, c’est l’explosion inévitable d’une résistance collective à des décennies de haine ethnique et de brutalité envers un peuple particulier qui a été dépouillé de ses droits civiques et qu’on a laissé dépérir dans un État d’apartheid. Voici ce qu’ajoute Ma :

« Notre État est obligé de promouvoir la réalisation du droit à l’autodétermination et à s’abstenir de toute réaction énergique qui priverait le peuple de ce droit. En poursuivant son droit à l’autodétermination, ce peuple a le droit de s’engager dans des luttes, de chercher et de recevoir du soutien en s’appuyant sur ce droit…

« De nombreuses résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU reconnaissent la légitimité de la lutte par tous les moyens possibles, y compris la lutte armée, pour les peuples sous domination coloniale ou sous occupation étrangère afin de réaliser leur droit à l’autodétermination. » (MEMRI)

 

Naturellement, le discours de Ma a été largement occulté dans les médias occidentaux où rien de ce qui ne s’accorde pas avec le discours israélien (affirmant que le 7 octobre était un acte de terrorisme) n’apparaît « dans la salle de montage ». Nous pouvons affirmer avec confiance que, si la position morale forte de Ma avait circulé bien davantage, le soutien d’Israël aux États-Unis se serait écroulé.

 

La Chine propose de reconstruire Gaza

La Chine a soutenu chaque résolution de l’ONU visant à fournir de l’aide humanitaire à la population de Gaza. Les Chinois ont été de fidèles supporters d’un État palestinien et de la solution à deux États depuis le début. À de maintes reprises, ils ont réclamé la fin des combats et un cessez-le-feu immédiat. Ils ont même rencontré les dirigeants du Hamas et du Fatah (en avril et juin 2024) pour voir si la réconciliation entre les deux organisations était possible afin de promouvoir l’unité palestinienne. Finalement, la Chine a plusieurs fois proposé de « reconstruire Gaza » dès la fin des hostilités, ce qui souligne l’engagement de Beijing envers un État palestinien indépendant vivant côte à côte avec Israël.

À chaque occasion, la Chine a soutenu des mesures visant la désescalade, la réconciliation et la paix. Elle a fait montre du genre de « lucidité morale » et de leadership moral qu’on aimerait voir de la part des États-Unis et qu’on ne verra jamais. C’est la lucidité morale de la Chine qui  guide ses décisions, même dans des situations complexes ou ambiguës, sans qu’elle soit influencée par des intérêts concurrents ou par le relativisme. Il s’agit d’aligner des actions en fonction d’un cadre moral constant, souvent enraciné dans des valeurs universelles comme l’honnêteté, l’équité ou la compassion ».

La sauvagerie d’Israël à Gaza suggère que l’Occident se trouve dans un état d’effondrement moral irréversible. Nous devrions être reconnaissants de voir la Chine intervenir pour combler un vide et diriger le monde vers le prochain siècle.

À propos de l’un des problèmes les plus lourds de conséquences de notre époque, la Chine s’est rangée du côté de la décence et de l’humanité.

*****

Publié le 25 mai 2024 sur The Unz Review
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

Vous aimerez aussi...