Israël a commis une « erreur catastrophique » en attaquant l’Iran

La guerre d’agression d’Israël, soutenue par les EU, contre l’Iran semblait prête pour une nouvelle escalade, ce jeudi, avec les frappes de missiles iraniens semant la dévastation à Tel-Aviv et dans d’autres villes israéliennes.

 

15 juin 2025. Israël continue de frapper des immeubles résidentiels à Téhéran

15 juin 2025. Israël continue de frapper des immeubles résidentiels à Téhéran. 

 


Ali Abunimah
, 19 juin 2025

L’auteur du présent article a entendu les sirènes d’alarme de la défense civile jordanienne retentir à Amman juste après 7 heures du matin, heure locale.

Quelques minutes plus tard, un barrage de missiles iraniens pouvaient être nettement aperçus depuis la Jordanie alors qu’ils retombaient vers la zone de Tel-Aviv.

L’attaque surprise féroce d’Israël qui a débuté le 13 juin a ciblé des quartiers résidentiels iraniens, des journalistes, des hommes de science, des bâtiments du gouvernement et de l’armée ainsi que des éléments du programme nucléaire de l’Iran dont Israël prétend, sans la moindre preuve, qu’ils ont pour objectif la fabrication d’une bombe nucléaire.

Les frappes israéliennes ont tué plusieurs membres du haut commandement militaire de l’Iran.

Jeudi matin, Israël a dit qu’il avait attaqué deux autres sites iraniens impliqués dans le nucléaire.

Alors que la poursuite de l’escalade semble inévitable, la question de savoir s’il y aurait une implication américaine plus directe était la question clé que j’ai débattue avec l’analyste iranien le Dr Mohammad Marandi et les journalistes Lowkey et Danny Haiphong, lors de l’émission de ce dernier sur YouTube, mercredi soir.

« Nous ne perdrons pas. Nous vaincrons définitivement le régime [israélien] »,

a affirmé Marandi.

« Nous sommes bien décidés à ne pas permettre aux agresseurs d’obtenir ce qu’ils veulent. »

Marandi a ajouté qu’Israël serait

« forcé de reconnaître qu’il s’agissait d’une erreur catastrophique ».

« Je ne doute pas que si les États-Unis entrent dans ce combat, Trump sera soit démis de ses fonctions, soit qu’il va lui falloir trouver l’un ou l’autre façon de se retirer, parce que l’Iran ne cédera pas »,

a déclaré Marandi.

 

Une autre guerre de changement de régime

Commentateur de haut profil et professeur de littérature à l’Université de Téhéran, Marandi a révélé qu’il avait dû se séparer de sa famille, après avoir été prévenu par les responsables de la sécurité iranienne qu’il pourrait devenir une cible israélienne – de la même façon que des centaines de journalistes et universitaires palestiniens ont été assassinés au cours du génocide perpétré par Israël.

Nous avons également discuté de la couverture médiatique occidentale, ouvertement partiale et déformée, et de la façon dont les pays occidentaux s’alignent les uns sur les autres pour justifier l’attaque israélienne contre l’Iran.

Nous avons discuté du fait que le but réel de l’attaque israélienne a peu de chose à voir avec le programme nucléaire de l’Iran. Au contraire, ce qu’Israël et ses partisans cherchent, c’est un changement de régime et la soumission de l’Iran avant tout en raison de son soutien à la lutte de libération palestinienne.

Tous nous avons insisté sur la nécessité de rester concentrés sur l’escalade du génocide perpétré par Israël à Gaza, où les massacres israéliens commis à travers le territoire ont tué au moins 144 Palestiniens au cours des précédentes 24 heures, comme l’ont rapporté mercredi les responsables palestiniens de la santé.

Vous pouvez voir toute l’émission dans la vidéo (en anglais) en bas de l’article.

 

Israël cible des civils iraniens

Le 16 juin, les bombardements israéliens ont tué au moins 224 personnes en Iran et en ont blessé près de 1 300.

Quelque 90 pour 100 des victimes sont des civils, selon les responsables iraniens de la santé.

Lundi, une frappe israélienne a touché l’hôpital Farabi à Kermanshah, une ville dans l’ouest de l’Iran, provoquant de graves dégâts dans l’USI et blessant des patients.

 

L’Iran dit que la frappe qui a endommagé un hôpital visait une base militaire

La dernière salve de missiles iraniens était la 14e depuis que Téhéran a entamé ses représailles à l’agression israélienne. Il s’est avéré qu’elle était également l’une des plus puissantes.

Au moins 24 Israéliens ont été tués et plus de 800 blessés par les attaques de représailles iraniennes depuis qu’Israël a déclenché la guerre.

Au moins 76 personnes ont été blessées jeudi matin par un barrage de missiles qui a provoqué

« des dégâts significatifs dans deux faubourgs de Tel-Aviv, Holon et Ramat Gan, ainsi qu’à Jaffa »,

a rapporté le journal israélien Haaretz.

Mardi, le chef d’état-major de l’armée iranienne, le major général Sayyid Abdolrahim Mousavi, avait prévenu les Israéliens que ce qu’ils avaient subi jusqu’alors était censé n’être qu’une dissuasion et que les « opérations punitives » n’avaient pas encore débuté.

Avec relativement peu de missiles – Israël estime qu’il y en a eu une trentaine de lancés jeudi matin – l’Iran a été en mesure d’éviter les systèmes de défense aérienne de moins en moins performants d’Israël et de porter des coups directs.

Vidéos.

Une vidéo a été publiée montrant une puissante frappe de missile qui a causé des dégâts importants et semé le chaos au Centre médical Soroka, un grand hôpital civil et militaire à Beersheba, que ses sponsors américains ont surnommé le « Dôme de fer médical d’Israël ».

« Le bâtiment a été gravement endommagé et les dégâts provoqués par l’explosion sont considérables »,

a expliqué aux médias Shlomi Kodesh, le directeur de l’hôpital.

« Tous les patients et le personnel étaient dans des zones protégées et toutes les blessures que nous avons traitées étaient bénignes. »

Le gouvernement et l’armée d’Israël, qui ont systématiquement ciblé ou détruit chaque hôpital de Gaza, n’ont pas tardé à faire de la propagande avec les dégâts infligés à Soroka.

L’armée israélienne a même publié une vidéo affirmant que « le régime iranien cible les hôpitaux ».

Toutefois, le corps des Gardiens de la révolution islamique de l’Iran a déclaré que la « cible principale » de l’attaque près de Soroka

« était l’important quartier général du commandement et des renseignements [de l’armée israélienne] – IDF C41 – ainsi que le camp des renseignements militaires dans le parc technologique de Gav-Yam ».

Un article publié en mars 2025 dans The Jerusalem Post confirme la proximité, à « distance de marche », du directorat IDF C41 vis-à-vis du Centre médical Soroka.

L’article révèle également que le quartier comprend des logements ou des projets de logements pour des milliers de membres du personnel de l’armée israélienne.

Les EU vont-ils bombarder l’Iran ?

Le président américain Donald Trump a transmis à Israël son soutien explicite à son agression contre l’Iran et, bien sûr, Israël serait incapable d’agir sans les quantités massives d’armement et de soutien logistique qu’il reçoit des États-Unis et des autres pays occidentaux.

Mais Trump dit qu’il n’a pas encore décidé s’il devait se joindre directement à l’attaque israélienne en déployant ses bombardiers lourds en une tentative en vue de détruire le site nucléaire iranien de Fordo, qui est lourdement fortifié.

Seule l’armée américaine possède et peut fournir les énormes bombes conventionnelles qu’on estime capables d’endommager le site installé dans une région montagneuse à quelque 200 kilomètres au sud de Téhéran.

Mais un analyste expérimenté au moins doute que même ces bombes américaines puissent y arriver.

De même que Marandi insistait là-dessus lors de l’émission de Haiphong, il annonce non seulement que les EU ne parviendraient pas à réaliser leur objectif mais que le fait de s’impliquer directement aurait des conséquences catastrophiques pour eux-mêmes et pour le monde, particulièrement dans la région du Golfe, riche en pétrole, où les EU ont de nombreuses bases militaires.

L’Iran pourrait par exemple fermer le détroit d’Ormuz, une voie de navigation qu’emprunte un cinquième de la consommation quotidienne mondiale de pétrole.

Marandi a fait remarquer que l’Iran possédait des milliers de missiles à portée courte qui pouvaient facilement traverser le golfe Persique et frapper les possessions ou bases américaines situées dans les monarchies du Golfe alliées à Washington.

 

L’imprévisible Trump

L’auteur du présent article a fait remarquer que Trump semblait avoir décidé d’aller de l’avant et d’attaquer l’Iran en rentrant prématurément lundi soir du sommet du G7 qui se tenait au Canada.

S’adressant aux journalistes à bord de l’Air Force One, le président avait rejeté sommairement les conclusions de Tulsi Gabbard, sa propre directrice des renseignements nationaux qui, en mars, avait dit au Congrès que la communauté des renseignements américains ne croyait pas que l’Iran développait une arme nucléaire.

Rafael Grossi, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEI) qui contrôle les sites nucléaires de l’Iran, a réaffirmé cette semaine que son agence n’avait trouvé aucune preuve d’effort iranien en vue de développer une arme nucléaire.

Cependant, Trump était occupé à émettre des menaces de guerre qui semblaient exclure les négociations mêmes avec l’Iran qu’il avait prétendu vouloir – exigeant une « reddition inconditionnelle » et allant jusqu’à menacer de mort le dirigeant du pays, l’ayatollah Ami Khamenei.

Mais, après avoir rencontré son équipe de la sécurité nationale dans la salle de situation de la Maison-Blanche, Trump semblait avoir abandonné sa course effrénée à la guerre – peut-être après avoir entendu des conseils plus inquiétants à propos des risques et coûts potentiels.

« Je peux le faire, comme je peux ne pas le faire. Je veux dire, personne ne sait ce que je vais faire »,

avait déclaré Trump mercredi.

L’Iran a laissé entendre clairement qu’il n’avait nullement l’intention de se rendre, mais qu’il cesserait ses représailles si Israël mettait un terme à son agression.

Israël se trouve dans une situation désespérée, et c’est entièrement de sa faute. Alors qu’il peut semer la mort et la destruction en Iran, il est peu susceptible d’être en mesure de porter un coup fatal à l’Iran, un pays infiniment plus vaste, ou de provoquer le changement de régime auquel il aspire désespérément.

Cesser son offensive maintenant reviendrait à admettre que son pari dangereux a échoué, mais la poursuivre signifie que le front intérieur israélien sera exposé à des réponses iraniennes encore plus dévastatrices.

 

Le public américain s’oppose avec force à toute implication dans la guerre 

Israël a besoin des États-Unis pour entrer directement dans la guerre et, au vu de ses performances passées, il obtient habituellement tout ce qu’il veut de la part de Washington.

Mais il y a des risques énormes, pour Trump, qui s’est lui-même vanté d’être un « président de la paix », en promettant de se concentrer sur « l’Amérique d’abord » et de se détourner des aventures étrangères et d’une guerre de changement de régime.

D’après un nouveau sondage YouGov organisé aux États-Unis, à peine 16 % des personnes interrogées estiment que les EU devraient s’impliquer directement dans la guerre, alors que 60 % disent qu’ils ne le devraient pas.

Même parmi les partisans de Trump au sein de son propre Parti républicain, 53 % s’opposent à une implication directe des EU dans la guerre, et 23 % à peine la soutiennent.

 

 

Un plus grand nombre d’Américains (37 %) estiment que la guerre est plus susceptible de rendre les EU moins sûrs, alors que 14 % à peine pensent qu’elle rendra les EU plus sûrs, toujours d’après ce sondage.

La moitié des Américains disent que la guerre d’Israël contre l’Iran va rendre le monde entier moins sûr.

Au moment où l’auteur écrit ces lignes, il ne semble pas y avoir d’issue claire.

Après la frappe de missiles iraniens de jeudi matin, le ministre israélien de la Défense, Israel Katz, a qualifié Khamenei de « Hitler moderne » et déclaré que le dirigeant iranien « ne pouvait continuer d’exister ».

Katz a indiqué qu’il avait transmis à l’armée israélienne des instructions en vue d’assassiner le dirigeant iranien.

Étant donné que les États-Unis et Israël sont sous le commandement de dirigeants instables qui n’ont pas de limites et qui – au contraire de l’Iran – possèdent des bombes nucléaires, les perspectives sont véritablement terrifiantes.

 

Vidéo : État d’urgence

 

 

*****

Ali Abunimah

Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

*****

Publié le 19 juin 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

Vous aimerez aussi...