Sur base de quels critères, en fait, le statut de réfugié de Mohammed Khatib peut-il être remis en question et lui être retiré ?

De nombreuses personnes et associations se sont prononcées contre le retrait du statut de réfugié de Mohammed Khatib, qui avait été annoncé le mercredi 6 août par la CGRA . Parmi ces personnes, Koen Bogaert, professeur à l’Université de Gand et à la VUB. 

 

De nombreuses personnes et associations se sont prononcées contre le retrait du statut de réfugié de Mohammed Khatib, qui avait été annoncé par la CGRA  mercredi 6 août. Photo : Mohammed Khatib prenant la parole à la Bourse le 9 août.

Mohammed Khatib prenant la parole à la Bourse le 9 août.

 

Parce qu’il remet en question le droit à l’existence d’un régime d’apartheid qui, en ce moment, est jugé pour génocide devant la Cour internationale de Justice ? Une accusation qui est d’ailleurs étayée par une documentation accablante et soutenue par de très nombreuses institutions (internationales) et individus à la réputation solide et fiable.

D’ailleurs, aucun État n’a intrinsèquement le droit d’exister. Ce genre de droit à l’existence n’est repris nulle part dans le droit international. Les gens, par contre, ont le droit à l’autodétermination, au retour et à la liberté. Ces droits sont bel et bien inscrits dans notre système juridique international.

En outre, n’est-ce pas une bonne chose que le régime d’apartheid sud-africain ait été démantelé ? Ou que les nombreux États coloniaux européens l’aient été également ?

Si Mohammed Khatib s’oppose à la solution à deux États, c’est son bon droit. La solution à un seul État représente un avenir préconisé par de nombreux militants et hommes de science comme une solution bien plus réaliste. Pour nombre d’entre eux, la solution à deux États est condamnée à mort depuis longtemps et sert principalement aujourd’hui de paratonnerre.

Ou est-ce parce que Khatib défend le droit à la résistance contre un régime génocidaire qui opprime son peuple depuis plus de 77 ans déjà, le soumet à une épuration ethnique, l’assassine et qui, aujourd’hui encore – une fois de plus – comparaît pour génocide devant la CIJ ? Le même régime dont le principal dirigeant politique est également poursuivi par la CPI.

Ou est-ce parce qu’il défend le droit à la résistance armée du Hamas ? Le Hamas a beau être désigné comme organisation terroriste par la plupart des pays occidentaux, le monde scientifique est un peu plus nuancé à propos de ce mouvement politique : sur la question, lisez entre autres les travaux de personnes comme Joas Wagemakers, Tareq Baconi, Mouin Rabbani, Jeroen Gunning, Aziz Tamimi, Anja Meulenbelt et bien d’autres encore.

Le droit à la résistance armée est d’ailleurs légitimé dans le droit international dans des situations d’occupation et d’oppression coloniale. Bien sûr, avec des limitations claires (ainsi, cela reste un crime de guerre que de viser des civils).

Néanmoins, l’histoire démontre également que les mouvements (souvent de guérilla) anticoloniaux et leur résistance armée ont dû très souvent lutter contre un occupant et des moyens et armes très inégaux. Ils ne disposaient pas d’armes de précision leur permettant de n’atteindre que des cibles militaires ni de la possibilité de prévenir au préalable les civils d’une attaque, et encore moins de pouvoir émettre des ordonnances d’évacuation. Attendre ce genre de chose de la part de mouvements de résistance, c’est ne pas comprendre dans quelles circonstances cette sorte de mouvements doivent opérer dans l’histoire (voir également à ce propos les travaux et les interviews de scientifiques comme Noura Erakat).

Plus encore, nous avons tous pu voir en direct ce qu’une puissance militaire de très loin supérieure a été à même de faire ces deux dernières années malgré toutes les « armes de précision » dont elle disposait.

Enfin, quelle autorité les gouvernements occidentaux ont-ils vraiment pour retirer à des apatrides leur statut de réfugié sur base de leurs convictions politiques après que ces mêmes gouvernements, depuis deux ans déjà, laissent se produire un génocide de la population palestinienne diffusé en direct et, pire même, le soutiennent ?

Il vaudrait mieux que nous rappelions à l’ordre ces politiciens et faiseurs d’opinion qui s’obstinent à cautionner et légitimer ce génocide que de viser les personnes qui luttent pour leur droit à l’autodétermination et au retour. Les propos et les actes des premiers sont bien plus en contradiction avec le droit international que les opinions et le militantisme de personnes comme Mohammed Khatib.

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Publié le 8 août 2025, sur le compte FB de Koen Bogaert.
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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