Moshe Machover, suspendu dans le Labour Party
Moshe Machover, un mathématicien, philosophe, et militant de gauche, connu pour ses prises de position contre le sionisme, a été brièvement expulsé du Labour Party (LP) en automne 2017, sous l’ancien régime discrédité de Iain McNicol. Il vient d’être suspendu sous des réglementations et procédures qui sont tout aussi manifestement injustes aujourd’hui qu’elles ne l’étaient à l’époque.
Machover a décidé d’ignorer les règles de confidentialité auxquelles on recourt pour réduire au silence des personnes accusées et il a également décidé de faire entrer dans le domaine public toutes les informations concernant sa suspension.
Ci-dessous sa réponse publique.
Cher Ami,
En annexe à la présente, vous trouverez une lettre en format PDF : « Avis de suspension administrative de l’affiliation au Labour Party ». En annexe également se trouve une « Lettre de couverture » émanant de la direction et de l’unité juridique du LP. Les auteurs des deux documents se dissimulent derrière l’anonymat.
La lettre de couverture dit ceci : « La procédure d’investigation du LP opère dans la confidentialité. C’est d’une importance vitale pour assurer toute loyauté envers vous et envers la partie civile, et pour protéger les droits de toutes les personnes concernées, conformément à la Loi de 2018 sur la protection des données. Nous devons par conséquent vous demander de faire en sorte de garder dans le domaine privé toutes les informations et la correspondance en rapport avec cette investigation, et de ne pas les partager avec de tierces parties ou avec les médias (y compris les médias sociaux). »
Je désobéis aux instructions émanant d’inquisiteurs anonymes, parce que je crois qu’il est nettement préférable de discuter de ces questions en public, dans un espace non clos et non pas dans la confidentialité qu’ils prônent. Je publie donc l’affaire et qu’ils en soient damnés. Je n’honorerai pas leur lettre d’une réponse directe, mais permettrai aux lecteurs de la présente de se faire leur propre opinion.
Je me contenterai ici de faire quelques brèves remarques concernant les documents annexés.
1.Les documents ne révèlent aucun détail de (des) plaignant(s), et je renonce à mon droit à l’anonymat. Toutefois, j’ai légèrement récrit l’Avis de suspension afin de protéger le caractère privé de quelques noms de personnes et de quelques détails susceptibles de les identifier. La plupart des noms qui apparaissent dans ce document sont mentionnés dans des textes qui sont dans le domaine public et qui, partant, sont déjà connus publiquement. Cependant, il y a deux personnes citées nommément en page 3 de ce document et qui ne sont mentionnées dans aucun de ces textes. Ce sont des personnes avec lesquelles les inquisiteurs, apparemment, désirent insinuer que je suis associé et donc coupable en vertu de cette association. L’une d’elles, dont le nom est mentionné comme xxxx, est connue de moi comme adversaire, et j’ai déjà polémiqué publiquement contre ses points de vue. L’autre personne, dont le nom est mentionné comme yyyy, m’est totalement inconnue ; jamais je n’avais entendu parler d’elle avant la lecture de ce document. Je récuse toute association avec l’une et l’autre de ces personnes.
2.La longue liste des 48 questions et insinuations de l’enquête, qui occupent les pages 3 à 7 de l’Avis de suspension, ne continennent spécifiquement aucune accusation directe explicite. Elles sont rédigées de façon à m’encourager à m’incriminer personnellement ou à essayer de me défendre contre ce dont j’apparais être implicitement accusé. Je refuse de jouer ce jeu. Je n’ai littéralement aucune raison de répondre à cela.
3.Cette liste est suivie de dix éléments de prétendues « preuves ». Les deux premiers éléments visent à suggérer une association avec xxxx et yyyy. Cette suggestion est fausse. Les huit éléments restants sont des textes que j’ai publiés ou cosignés, ou des citations de ce que j’ai dit en public. Je maintiens ces propos. En fait, je vous prie de les lire attentivement et de juger par vous-même si l’un ou l’autre est faux ou simplement injustifié. Vous pouvez n’être pas d’accord avec certains des points de vue que j’ai exprimés, mais je prétends qu’en les prononçant, j’ai fait un usage légitime de ma liberté d’expression, qui comprend le droit d’exprimer des opinions susceptibles d’être controversées.
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J’ai rallié le Labour Party en 2016, quand il a ouvert ses portes aux socialistes – qui sont, par définition, anti-impérialistes. Je regrette de faire partie aujourd’hui des victimes d’une purge menée par les chasseurs d’hérésie de l’aile droite, ces ennemis bureaucratiques de la liberté d’expression. Mais, au moins, je puis profiter de cette occasion pour promouvoir les points de vue que je prône depuis de nombreuses années ; en particulier, l’opposition socialiste au projet sioniste de colonisation et au régime suprémaciste juif de l’État collonial israélien. Pour commencer, je vous invite instamment à lire mes trois articles dont il est fait référence dans l’Élément n°7 de l’Avis de suspension. Deux d’entre eux sont disponibles en ligne :
* ‘Messianic Zionism: The ass and the red heifer’ (Le sionisme messianique : l’âne et la génisse rouge) (Monthly Review, février 2020).
* ‘Weaponising “anti-Semitism”’ (L’antisémitisme en tant qu’arme) (Weekly Worker, 23 avril 2020).
Le troisième article, ‘An immoral dilemma: The trap of Zionist propaganda’ (Un dilemme immoral : le piège de la propagende sioniste) (Journal of Palestine Studies, Vol. XLVII, n° 4, été 2018 ) peut être déchargé à parti du lien repris ici.
Si vous désirez approfondir encore ces idées, vous pouvez trouver nombre de mes articles archivés dans The Israeli Occupation Archive et dans archive of the Weekly Worker.
J’ose espérer que, puisqu’un nombre croissant de personnes ont accès aux points de vue défiant les mensonges des médias traditionnels et de la hasbarah israélienne, la résistance à l’oppression et le soutien aux opprimés gagneront en force.
En toute solidarité,
Moshe Machover
Publié le 3 décembre sur Jewish Voice for Labour
Traduction : Jean-Marie Flémal
Moshé Machover, né en 1936, est un mathématicien, philosophe, et militant de gauche, connu pour ses prises de position contre le sionisme. Né dans une famille juive de Tel Aviv (à l’époque du mandat britannique sur la Palestine), il s’est établi en Grande-Bretagne en 1968. Il était l’un des fondateurs de l’organisation socialiste israélienne Matzpen, en 1962.
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Concernant les purges dans le Labour Party, lisez : Le lobby pro-israélien massacre une seconde fois Jeremy Corbyn