Le lobby pro-israélien massacre une seconde fois Jeremy Corbyn

Jeudi, après une campagne de calomnies longue de cinq ans, l’ancien chef du Labour, Jeremy Corbyn, a été suspendu par les dirigeants du parti.

Asa Winstanley, 30 octobre 2020

Jeremy Corbyn arrivant chez lui le soir de son expulsion du Labour. (Photo : Victoria Jones ZUMA Press)

Jeremy Corbyn arrivant chez lui le soir de son expulsion du Labour. (Photo : Victoria Jones ZUMA Press)

Cette mesure draconienne, sanctionnée par l’actuel chef du parti, Keir Starmer, a provoqué une onde de choc parmi les militants aux abois.

Il n’est « nul besoin d’une guerre civile », a insisté Starmer sur les ondes le lendemain matin.

Mais ses actes prouvent absolument le contraire.

Une suspension signifie que Corbyn – élu pour la première fois en 1983 – ne représente plus le Labour Party au Parlement. Il siègera en tant que député indépendant jusqu’aux nouvelles élections ou jusqu’au moment où il sera réadmis par les officiels du parti.

Cette dernière perspective semble hautement improbable.

Starmer a été élu par les membres du Labour sur une plate-forme unissant les factions rivales du parti.

Mais il semble désormais qu’il ait délibérément déclenché cette même guerre civile qu’il prétend vouloir éviter, et ce, afin de purger ce qui reste de la gauche.

En fait, sa campagne a été financée en partie par un lobbyiste multimillionnaire pro-israélien qui a versé en secret 62 000 livres.

Depuis qu’il est devenu chef du parti, Starmer n’a plus cessé de purger le parti de sa gauche et de ses éléments critiques à l’égard d’Israël.

Le prétexte à la suspension de Corbyn a été une déclaration anodinement factuelle qu’il a faite, expliquant que la portée de l’antisémitisme au sein du Labour avait été exagérée par ses ennemis politiques.

Mais certains signes montrent que la purge de Starmer était déjà prévue depuis plusieurs mois.

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La déclaration de Corbyn constituait une réponse, jeudi matin, au rapport longtemps attendu de la Commission sur l’Égalité et les Droits de l’Homme (EHRC).

La commission a été incapable de déclarer le Labour coupable d’« antisémitisme institutionnel », comme l’avaient demandé les organisations pro-israéliennes – la Campagne contre l’antisémitisme et le Mouvement travailliste juif –, dont les plaintes avaient déclenché l’enquête.

Après 17 mois d’enquête – et des années de calomnies de la part des médias et du lobby pro-israélien concernant l’« antisémitisme du Labour » – la commission n’a découvert que deux cas dont elle a prétendu qu’ils constituaient un « harcèlement illégal » antisémite de la part d’agents du Labour.

L’un concernait l’ancien maire de Londres, Ken Livingstone. La commission a prétendu qu’en insistant sur le fait qu’il y avait une

« campagne de calomnie de la part du ”lobby pro-israélien” en vue de stigmatiser comme antisémites les gens critiques à l’égard d’Israël – dont Corbyn –, Livingstone et le Labour s’étaient « livrés à un harcèlement illégal ».

Répondant au rapport, Corbyn avait fait une déclaration prudente, dans laquelle il ne faisait même pas état des années de calomnies délibérées contre sa personne, son mouvement et contre le parti prétendument « antisémite ».

« Un antisémite, c’est un antisémite de trop »,

écrivait-il,

« mais la dimension du problème a également été considérablement amplifiée pour des raisons politiques par nos opposants à l’intérieur et à l’extérieur du parti, ainsi que par de nombreux médias. »

Cette déclaration factuelle semble avoir déclenché la suspension de Corbyn par le nouveau secrétaire général (de droite) du Labour, David Evans.

« Ils se sont assuré le scalp du numéro un »

Les réponses à la purge ne cessent d’affluer depuis jeudi.

L’influent dirigeant syndical et partisan de Corbyn, Len McCluskey, a déclaré que c’était

« une grave injustice qui, si elle n’était pas réparée, allait créer le chaos au sein du parti ».

L’homme de gauche et ancien député du Labour, victime lui aussi d’une purge, Chris Williamson, a expliqué que la suspension était « une farce » et il a appelé à riposter. Il a déclaré que le rapport, « en premier lieu, n’aurait jamais dû être commandité ».

« C’était une tentative manifeste des sionistes et autres racistes en vue de se servir de l’antisémitisme comme d’une arme »,

a-t-il déclaré dans une nouvelle vidéo.

« Ils se sont assuré le scalp du numéro un qu’ils poursuivaient. »

Comme je l’ai expliqué à BreakThrough News dans la vidéo ci-dessous, il existe une fenêtre d’opportunité pour que Corbyn s’en aille en protestant et qu’il crée un nouveau parti politique de gauche qui bénéficierait d’un important attrait populaire et qui pourrait apporter à la Grande-Bretagne un changement particulièrement nécessaire :

Mais, jusqu’à présent, Corbyn ne montre aucun signe de volonté politique en ce sens.

On rapporte que le département des affiliations au Labour est « inondé » par les démissions.

Les camarades parlementaires de Corbyn à la gauche du Labour ont condamné la suspension, mais la plupart de leurs déclarations ont été très modérées – voire totalement absentes.

Tout député s’exprimant en faveur de Corbyn sait qu’il pourrait être la prochaine cible du processus « disciplinaire » arbritraire, hautement politisé et libre de toute demande de justification du Labour.

La réponse de Corbyn même était également docile, demandant aux officiels du parti de « repenser gentiment l’affaire ».

Plus tard, dans une déclaration, il a déclaré qu’il 

contesterait fortement l’intervention politique en vue de me suspendre ».

Mais le lobby pro-israélien, lui, était en extase.

« C’est le début, et non la fin »

« Nous accueillons favorablement la décision du Labour Party de suspendre Jeremy Corbyn »,

a déclaré le groupe pro-israélien du Board of Deputies of Britics Jews (Bureau des députés des Juifs britanniques).

« Ses commentaires honteux d’aujourd’hui ont montré qu’il continuait à être une partie du problème ».

De son côté, le Mouvement travailliste juif, un groupe sioniste de lobbying ayant des liens étroits avec l’ambassade d’Israël et ses agents, a lui aussi accueilli favorablement la purge.

Starmer «  a pris ses responsabilités et le Labour Party a agi », a déclaré le groupe.

Mais tous les espoirs des militants du Labour de voir la suspension de Corbyn marquer la fin de la « crise » ont été anéantis une fois de plus.

Le rapport de l’EHRC « ne marque pas une fin, mais un commencement », insistait un article de fond du Jewish Chronicle, ce jeudi.

« Il n’y a plus d’excuses pour le Labour. La minuterie est désormais enclenchée. Les antisémites doivent être exclus – maintenant »,

exigeait-il.

L’hebdomadaire antipalestinien et antimusulman constitue essentiellement le journal à demeure en Grande-Bretagne du lobby pro-israélien.

Il a un long passé de calomnies contre des gens de gauche, des Palestiniens et leurs partisans en les taxant d’« antisémitisme » et il débourse des sommes importantes en dommages et intérêts pour les mensonges qu’il débite.

Une purge de députés

Le lobby lui-même est entré vivement en action afin de faire en sorte que ces menaces deviennent réalité.

La Campagne contre l’antisémitisme a immédiatement écrit au Labour afin de réclamer la purge, non seulement de Corbyn, mais aussi d’une liste de 32 autres députés et candidats députés du Labour.

La quasi-totalité d’entre eux sont de la gauche du parti, y compris les proches alliés de Corbyn et les membres de l’ancien cabinet fantôme Diane Abbott, Richard Burgon et Barry Gardiner.

La lettre compte 72 pages et a été manifestement préparée bien avant jeudi. Elle conclut en demandant que les 33 plaintes qu’elle formule soient traités dans les six mois à venir.

La lettre est cosignée par le « chef des enquêtes politiques et gouvernementales » du groupe, Joe Glasman.

Le jour de Noël, l’an dernier, Glasman avait posté une diatribe sur vidéo se vantant de ce que son organisation, avec « nos espions et nos intellectuels », avait « abattu » Corbyn, « la bête ».

La vidéo s’était avérée si gênante pour Glasman – qui, évidemment, avait pensé qu’elle ne serait vue que par ses amis et alliés – qu’il avait tenté d’en supprimer chaque copie sur internet.

YouTube avait supprimé la copie postée par The Electronic Intifada, mais l’avait réinstallée quinze jours plus tard, quand nous étions allés en appel au nom de la loi américaine sur le copyright.

Il semble que, pour le lobby israélien, abattre Corbyn une fois ne suffisait pas.

Vous pouvez toujours regarder la vidéo ici :


Publié le 30 octobre 2020 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

asa winstanleyAsa Winstanley est un journaliste freelance installé à Londres et qui a vécu en Palestine occupée, où il a réalisé des reportages. Son premier ouvrage : Corporate Complicity in Israel’s Occupation (La complicité des sociétés dans l’occupation israélienne) a été publié chez Pluto Press. Sa rubrique Palestine is Still the Issue (La Palestine constitue toujours la question) est publiée chaque mois. Son site Internet est le suivant : www.winstanleys.org

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