Börmann, un haut fonctionnaire a enfreint les règles en diffamant Asa Winstanley, admet l’UE

Alors que le fait que l’UE se distancie des calomnies de Börmann contre Asa Winstanley est une bonne chose, elle ne va pas assez loin. Bruxelles doit cesser de permettre à ses fonctionnaires de se servir de leurs plates-formes pour se comporter comme des volontaires dans la guerre d’Israël contre la vérité.

 

Johannes Börmann (Photo via Twitter)

Johannes Börmann (Photo via Twitter)

 

Ali Abunimah, 14 juin 2023

L’Union européenne a pris ses distances vis-à-vis d’une attaque calomnieuse de l’un de ses hauts fonctionnaires contre Asa Winstanley, de The Electronic Intifada.

Johannes Börmann « a exprimé ses propres points de vue, que la Commission [européenne] ne partage pas », a expliqué mercredi à The Electronic Intifada un porte-parole du corps exécutif de l’UE.

Le 8 juin, Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU pour les droits humains en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza, a partagé sur Twitter un récent article de Winstanley qui éreintait la campagne de pression d’Israël en vue de calomnier Roger Waters comme antisémite et ce, en raison du soutien de haut niveau de la légende du rock aux droits palestiniens.

Winstanley est rédacteur en chef adjoint à The Electronic Intifada et l’auteur d’un nouvel ouvrage, Weaponising Anti-Semitism : How the Israel Lobby Brought Down Jeremy Corbyn (L’instrumentalisation de l’antisémitisme ou comment le lobby pro-israélien a renversé Jeremy Corbyn).

En partageant l’article de Winstanley, Albanese y est allée du commentaire suivant :

« La férocité déchaînée contre Roger Waters, un immense artiste et une véritable icône de notre époque, un champion des droits humains et de la justice, est absolument choquante. »

Apparemment, cela a mis Börmann en rage et il a répondu à Albanese :

« Retweeter Asa Winstaly [sic], qui s’est fait éjecter du @UKLabour (Parti travailliste britannique) pour antisémitisme, afin de défendre @rogerwaters, qui fait voler des cochons avec une étoile de David, ce n’est pas ce qu’il y a de plus malin comme démarche. C’est qui le prochain ? David Duke ? [militant américain de la suprématie blanche et ancien grand sorcier du KKK – NdT] »

 

 

En fait, Asa Winstanley n’a jamais été « éjecté du Parti travailliste britannique pour antisémitisme ».

Winstanley a démissionné du Labour Party en février 2020 dans des circonstances qu’il a d’ailleurs décrites à l’époque dans un article publié par The Electronic Intifada.

Winstanley a expliqué qu’il avait quitté le Labour

« afin de protester contre le traitement illégal de mes données privées et parce qu’il utilise son système de doléances pour organiser une purge politique de ses membres qui soutiennent les droits palestiniens ».

En tant que principal journaliste écrivant sur la chasse aux sorcières du parti contre les membres de gauche et les partisans des droits palestiniens au beau milieu d’une « fausse crise de l’antisémitisme », Winstanley a fait l’objet d’une enquête pendant un an, avant de démissionner.

Dans sa lettre de démission, Winstanley a dit de l’enquête qu’il s’agissait d’une

« inquisition politiquement motivée dont le but manifeste est de se venger de mon journalisme sur le parti en raison d’une publication concentrée sur la Palestine ».

Cette enquête n’a jamais dégagé la moindre conclusion sur aucune des accusations contre Winstanley, et surtout pas sur l’antisémitisme.

Outre le fait de prétendre faussement que Winstanley a été expulsé du Labour « pour antisémitisme », Börmann assimilait implicitement le journaliste à David Duke, le tristement célèbre suprémaciste blanc américain, un néonazi et antisémite notoire.

 

L’histoire des violations

Dans sa réponse à The Electronic Intifada, le porte-parole de la Commission européenne a fait remarquer que

« les membres du personnel peuvent utiliser les médias sociaux à titre personnel, y compris pour partager ou commenter des contenus et sujets ayant trait à l’UE ».

Mais il a ajouté qu’alors que les employés

« bénéficient de la liberté d’expression, ils sont tenus de respecter les limites résultant du Règlement du personnel et, entre autres, des principes de loyauté et d’impartialité ».

Ceci équivaut à admettre – même tacitement – que Börmann a violé ces règles.

La Commission a ajouté que les nouvelles recrues comme les vétérans du personnel reçoivent une formation en vue de veiller à ce qu’ils sachent comment respecter ces règles.

Cette formation s’avère toutefois d’une efficience douteuse, puisque Börmann a précédemment enfreint les règles de l’impartialité et qu’il se sent pourtant suffisamment en sécurité pour continuer de le faire.

En 2021, par exemple, Börmann a applaudi publiquement la chasse aux sorcières orchestrée par le gouvernement israélien et son lobby, laquelle s’était traduite par la perte de son emploi pour le professeur David Miller, à l’Université de Bristol.

Et, en 2019, Börmann avait accusé publiquement Jean-Luc Mélenchon, un éminent député de gauche, en France, d’« antisémitisme méprisable ».

C’était une autre rupture manifeste avec le règlement du service civil qui requiert des bureaucrates non élus qu’ils restent impartiaux à l’égard des responsables élus.

L’UE requiert explicitement de la part de son personnel qu’il se plie aux règles de ses médias sociaux s’ils ont l’intention d’utiliser ces médias sociaux en leur nom propre ou de façon officielle.

 Alors que Börmann prétend dans son profil Twitter qu’il représente ses propres opinions, il utilise manifestement ses médias sociaux pour faire progresser ce qu’il conçoit comme étant ses responsabilités personnelles au nom de l’UE.

Börmann est actuellement responsable de la gestion d’un programme de financement de l’UE « sur la mémoire européenne, le combat contre le racisme, l’antisémitisme et la discrimination ».

Avant cela, Börmann a été l’adjoint de Katharina von Schnurbein, la coordinatrice de l’UE contre l’antisémitisme, qui a consacré des années à diriger les efforts en vue de réprimer le mouvement de solidarité avec la Palestine en Europe, sous le prétexte de combattre le sectarisme antijuif.

À l’instar de Börmann, von Schnurbein elle-même a très régulièrement recouru au mensonge dans la poursuite de cet objectif.

Ensemble, le couple a été à même de bafouer les réglementations de l’UE en toute impunité.

Von Schnurbein elle-même est allée en Israël cette semaine, pour y prodiguer ses louanges aux dirigeants sionistes et recevoir une récompense de la part d’un important groupe de pression américano-israélien.

Très récemment, Börmann s’est déchaîné sur d’autres personnes aussi, en accusant entre autres un usager de Twitter d’être un « stupide antisémite » pour avoir émis une plaisanterie assimilant son ancienne patronne von Schnurbein au personnage cinématographique bien aimé des Américains, Madame Doubtfire, interprété par feu Robin Williams.

 

Le temps des demandes de comptes

Le tout dernier accès de rage de Börmann a été provoqué par le récent rapport du Centre européen d’assistance juridique (CEAJ) sur la façon dont la définition officielle de l’antisémitisme promue par Israël et soutenue par l’UE a été utilisée systématiquement pour réprimer les droits à la liberté d’expression.

Le rapport montre que « l’écrasante majorité » des douzaines d’allégations d’antisémitisme utilisant la prétendue définition de l’IHRA étaient fausses et il s’avère au demeurant que les calomnies de Börmann en sont un autre exemple.

Les partisans de la liberté d’expression et des droits palestiniens accusent depuis longtemps l’UE de promouvoir de fausses calomnies d’antisémitisme dans un effort en vue de réduire au silence les partisans des droits palestiniens.

Le recours de Börmann au mensonge et à la diffamation contre les journalistes et les personnes critiques envers les crimes d’Israël contre le peuple palestiniens fournit d’autres preuves qui justifient ces inquiétudes.

Loin de chercher solennellement à éradiquer le sectarisme antijuif, les hauts fonctionnaires européens de « l’antisémitisme » utilisent l’accusation pas seulement en guise de représailles contre les personnes critiques envers Israël mais aussi, apparemment, contre toutes les personnes qu’ils n’aiment pas.

Et, alors que le fait que l’UE se distancie des calomnies de Börmann contre Asa Winstanley est une bonne chose, elle ne va pas assez loin.

Bruxelles doit cesser de permettre à ses fonctionnaires de se servir de leurs plates-formes pour se comporter comme des volontaires dans la guerre d’Israël contre la vérité.

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

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Publié le 8 juin 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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