Les footballeurs palestiniens de Bnei Sakhnin FC victimes de racisme

Bnei Sakhnin FC est de loin le meilleur club de football principalement composé de Palestiniens vivant en Israël.

Il a remporté la Coupe d’Israël et a concouru dans la Coupe UEFA de la Ligue européenne. La ténacité de l’équipe lui a valu de nombreux admirateurs et a même inspiré un long métrage cinématographique.

Le triomphes occasionnels qu’il a connus n’effacent toutefois pas une triste réalité, pour l’équipe : Ses joueurs et ses supporters font régulièrement l’objet d’insultes racistes.

Bien qu'il ait mis un terme à sa carrière de footballeur professionnel, Khalid Khalaila (à l'avant-plan) reçoit toujours des messages racistes sur son GSM. (Photo : Ognen Teofilovski Reuters)

Bien qu’il ait mis un terme à sa carrière de footballeur professionnel, Khalid Khalaila (à l’avant-plan) reçoit toujours des messages racistes sur son GSM. (Photo : Ognen Teofilovski Reuters)

Amjad Ayman Yaghi, 23 octobre 2020

Khalid Khalaila a joué environ vingt ans comme milieu de terrain à Bnei Sakhnin et il a été le capitaine de l’équipe pendant une décennie. Il faisait également partie de l’équipe qui avait remporté la Coupe d’Israël en 2004.

Bien qu’il ait mis un terme à sa carrière de joueur professionnel, il reçoit toujours des messages hostiles sur son GSM.

Presque à coup sûr, ces messages émanent de supporters du Beitar Jerusalem. Typiquement, ils traitent Khalid de « sale Arabe » et adressent des malédictions à sa famille.

Sceptique

Les supporters du Beitar ont hurlé des insultés à l’adresse de Bnei Sakhnin chaque fois que les deux équipes se sont rencontrées.

Ces insultes ont été soutenues effectivement par des hommes politiques israéliens de haut niveau.

Miri Regev, à l’époque ministre israélienne des Sports et de la Culture, a posté une vidéo sur Facebook en 2018 sur laquelle on la voit qui assiste à un match entre le Beitar et Bnei Sakhnin. Sur la vidéo, on voit également Regev afficher un large sourire quand les supporters du Beitar chantent « Puisse votre village être incendié ».

Le Beitar a été réprimandé et pénalisé pour la conduite de ses supporters par les autorités footballistiques israéliennes. Pourtant, Khalid reste sceptique et se demande si les autorités ont vraiment l’intention d’éradiquer le racisme du football.

« Nous ne cessons d’entendre ‘mort aux Arabes’ et autres slogans »,

a-t-il dit.

« L’Israel Football Association impose des sanctions mais, malheureusement, elles n’empêchent pas les insultes. Ce ne sont que des formalités. »

Khalid fait toujours partie des joueurs les plus connus de l’histoire de Bnei Sakhnin, qui est installé dans la région de la Galilée.

« Je jouais un jeu musclé et physique »,

dit-il.

« Certains disaient que j’étais un joueur rude. J’attirais beaucoup l’attention et cela peut expliquer la raison pour laquelle j’ai dû entendre un tas d’insultes racistes. »

Alors que la plupart des joueurs de Bnei Sakhnin sont des citoyens palestiniens d’Israël, le club emploie également quelques joueurs juifs israéliens ainsi que des footballeurs venus de Colombie, du Nigeria et du Brésil.

« Plus de détermination »

Ali Othman, 33 ans, est l’actuel capitaine de l’équipe.

Les insultes racistes qu’il subit peuvent être si virulentes qu’il a entrepris des démarches pour protéger sa sécurité. Quand l’équipe joue contre le Beitar, il voyage dans un autocar en étant séparé du reste de l’équipe, tentant ainsi de passer plus inaperçu.

Selon son expérience, les joueurs de Bnei Sakhnin sont plus exposés au racisme que les Palestiniens sélectionnés par d’autres équipes en Israël.

Othman a rejoint les rangs de Bnei Sakhnin en 2006.

Trois ans plus tard, il a été transféré au Maccabi Haïfa. Ce transfert lui a permis de jouer contre certaines des meilleures équipes européennes.

Othman a déclaré qu’il n’avait jamais subi d’insultes racistes durant son passage au Maccabi Haïfa. Pourtant, quand il est retourné à Bnei Sakhnin, en 2012, il a pu se rendre compte à quel point l’équipe était détestée par certains Israéliens.

Il fait néanmoins tout ce qu’il peut pour s’élever au-dessus du racisme qui le vise.

« Je fais de mon mieux pour rester positif lorsque nous entendons scander des slogans racistes »,

a-t-il déclaré.

« Ils scandent de très vilaines choses sur les Arabes et sur le prophète Mahomet. Mais cette méchanceté m’encourage à persévérer plus encore. Cela accroît ma détermination de vaincre. »

Saeed Hasanein, a journaliste sportif du quotidien Kul al-Arab, a déclaré que

« chaque Palestinien en Israël est fier de Bnei Sakhnin, malgré tout le racisme auquel l’équipe est exposée ».

« J’ai assisté à de nombreux incidents racistes contre des joueurs arabes, depuis 1980 jusqu’à présent »,

a-t-il ajouté.

« La fédération israélienne de football n’a jamais entrepris d’action réelle contre ce racisme. Nous, les Arabes, sommes un peuple inférieur, en ce qui les concerne. Dès lors, elle se contente de fermer les yeux. »

Munther Khalaila, un porte-parole de Bnei Sakhnin, faisait remarquer que lorsque les supporters de l’équipe entendent « mot aux Arabes » lors des matches contre le Beitar, ils répondent en scandant « Allahu akbar. » Bien que cette expression soit largement incomprise en Occident, elle signifie tout simplement « Dieu est le plus grand » et elle est souvent utilisée par les Palestiniens lors de célébrations.

Bnei Sakhnin a poursuivi sa route malgré des difficultés financières récentes. Le soutien et le sponsoring reçus de certaines entreprises se sont avérés inadéquats.

Les joueurs ont accepté des réductions salariales et une partie du travail de gestion est effectuée sur base bénévole. Relégué l’an dernier, le club est de retour cette année en première division israélienne, bien que, jusqu’à présent, sa saison n’ait pas été bonne.

Bien des citoyens palestiniens d’Israël s’identifient à Bnei Sakhnin, parce qu’ils respectent son esprit rebelle.

La ville de Sakhnin a assisté à des combats entre forces sionistes et arabes en 1948, l’année de la création d’Israël. Alors que nombre de ses résidents ont fui pendant la Nakba – le nettoyage ethnique de la Palestine – ils sont nombreux aussi à s’être incrustés opiniâtrement.

« Les jeunes générations sont nées en tant que citoyens d’Israël »,

a déclaré Munther Khalaila.

« Nous côtoyons le racisme depuis notre enfance. Un tas de supporters de foot israéliens ne veulent pas de nous ici. »


Publié le 23 octobre 2020 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal

Amjad Ayman Yaghi est un journaliste qui vit à Gaza.

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