Israël arrête le père d’un enfant palestinien souffrant d’un cancer

La femme de Hijazi al-Qawasmi et son enfant malade du cancer s’entretiennent avec MEE après que les autorités israéliennes ont fait irruption sans leur maison et ont procédé à l’arrestation du père.

Ahmed al-Qawasmi montre une photo largement partagée de son père qui l’embrasse avant d’être arrêté par les autorités israéliennes. (Photo : MEE / Mosab Shawer)

Rayhan Uddin, Mosab Shawer, 14 septembre 2021

Mardi, les forces israéliennes ont arrêté des dizaines de Palestiniens dans les territoires occupés, dont le père d’un enfant atteint d’un cancer – son image alors qu’il fait ses adieux à son fils a fait le tour des médias sociaux.

Juste avant minuit, Hijazi al-Qawasmi, un père de quatre enfants, a été arrêté à Hébron lors d’un raid de la police israélienne armée jusqu’aux dents à son domicile, a déclaré la famille à Middle East Eye.

« Aujourd’hui, à 11 heures du soir, les forces sionistes ont fait irruption chez nous et ont ordonné l’arrestation de Hijazi sans nous fournir la moindre explication ou le moindre motif »,

a expliqué à MEE Bayan al-Natshe, la femme de Hijazi al-Qawasmi.

« Je leur ai demandé ce qu’il avait fait de mal et si c’était une ordonnance du tribunal ou quelque chose de répréhensible qu’il avait fait et ils ont dit qu’ils ne savaient pas. En fait, ils ne m’ont même pas répondu. Ils l’ont arrêté et sont partis. » 

Un magasin, ouvert depuis 38 ans, a également été saccagé par des soldats israéliens à al-Azariya, près de Jérusalem.

Une photo de Qawasmi baisant le front de son fils Ahmed, 11 ans, qui souffre d’un cancer des os, a été largement partagée sur les plates-formes de divers médias sociaux.

« J’étais endormi tout à l’heure quand j’ai entendu un gros bruit sourd qui m’a fait sursauter. Quand mon père a ouvert la porte, nous avons vu la police. Au bout d’une heure, ils l’ont pris et sont partis. C’était une impression si triste et je ne pouvais plus me contrôler si bien que je me suis mis à pleurer »,

a expliqué Ahmed à MEE. 

« Puisse Dieu le libérer des fers de cette occupation. »

 

L’enfant de 11 ans n’a pas eu sa séance de chimio

Ahmed subit un traitement depuis sept mois et il était censé recevoir une chimiothérapie à Jérusalem ce mardi. Toutefois, sa séance a été reportée.

Sa mère a expliqué qu’alors qu’il recevait normalement de la chimiothérapie six jours par semaine, sa santé mentale s’était détériorée suite à l’arrestation de son père.

Et d’ajouter qu’alors qu’elle aussi jouait un rôle important, la présence de son mari était cruciale pour aider Ahmed avec sa maladie.

« Mon mari était toujours le premier à s’assurer de la sécurité et du bien-être d’Ahmed, au point qu’il s’était rasé la tête pour soutenir Ahmed dont les cheveux étaient tombés suite à la chimio. »

« Chaque fois que ses cheveux repoussaient, il les faisait couper de nouveau rien que montrer à Ahmed qu’il était à ses côtés et qu’Ahmed pouvait venir à bout de cette maladie avec la volonté de Dieu. »

Ahmed a expliqué que son père l’avait encouragé à « faire front » à la maladie et « à se défendre face au cancer ». 

« Quand mon père m’a embrassé avant de partir, j’ai senti quelque chose comme si je le perdais. Tout de suite, il a commencé à me manquer. Je ne cesse de prier pour qu’ils le relâchent demain »,

a-t-il ajouté.

« Les derniers mots que je lui ai dits, c’est : ‘Puisses-tu revenir sain et sauf’ … Je sais que tu ne seras pas parti pour longtemps.’ »

 

« Aucune humanité, aucun respect »

Qawasmi a précédemment passé huit ans en prison, y compris en détention administrative – une politique hautement controversée qui permet la détention sans inculpation ni procès pendant des périodes renouvelables de trois à six mois.

Les détenus se voient refuser la possibilité d’aller en appel ou de savoir quelles sont les accusations qui pèsent sur eux.  

Bayan al-Natshe a confirmé que c’était la cinquième fois que son mari avait été arrêté, mais que c’était différent désormais depuis que la famille s’était élargie, surtout que l’un des enfants est malade.

«Ils n’ont pas du tout tenu compte de l’enfant malade à la maison, ni de l’heure tardive, vers minuit, ni du fait qu’ils allaient effrayer les enfants. Aucune humanité, aucun respect, aucune éducation, ce n’est rien d’autre que de la discrimination et de l’injustice »,

dit-elle.  

Deux des frères Qawasmi, Ahmed et Murad, ont déjà été tués par les autorités israéliennes. 

Murad a été tué en 2004, après avoir été traqué pendant 45 jours pour son implication dans l’attentat contre les bus de Beersheba, qui avait tué 15 Israéliens et en avait blessé 80 autres. L’attentat avait eu lieu en guise de représailles pour l’assassinat de l’ancien dirigeant du Hamas, Ahmed Yassin. 

Son frère Ahmed, qui n’avait que 14 ans, a été tué il y a sept ans, sous le nez de Hijazi, alors qu’il se tenait à proximité de la boutique de son grand-père à Bab Al-Zawiya, dans le centre de Hébron

Bayan al-Natshe a déclaré qu’elle avait un message à adresser aux autorités israéliennes.

« À tous ceux qui agissent de cette façon tout en sachant qu’Ahmed est malade et dans quelles conditions il vit et qu’il est privé de traitement, qu’espérez-vous que je leur dise ? »,

a-t-elle déclaré.

En lieu et place, elle a lancé un appel aux organisations des droits des enfants et au monde arabe afin qu’ils interviennent et qu’ils imaginent qu’Ahmed est leur propre enfant.

Qawasmi faisait partie des 23 Palestiniens – au moins – arrêtés ce mardi, selon l’agence de presse nationale palestinienne Wafa. Neuf Palestiniens ont été arrêtés à Hébron, alors que d’autres l’étaient à Bethléem, Jérusalem-Est, Ramallah et Salfit. 

Ces arrestations ont eu lieu au moment où la chasse à l’homme battait son plein pour deux des six évadés de la prison à sécurité maximale de Gilboa, lesquels avaient un tunnel sous l’évier de leur cellule.

Quatre des six fugitifs ont été repris par les forces israéliennes ce week-end, alors qu’Ayham Kamanji et Munadil Nfeiat, 26 ans, courent toujours.


Publié le 14 septembre 2021 sur Middle East Eye
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Lisez également : #PrisonniersPalestiniens : l’heure n’est pas au désespoir

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