Le changement climatique constitue un désastre pour les producteurs d’olives de Gaza

La récolte des olives à Gaza est normalement une époque festive.
L’olive n’est pas seulement une denrée de base de la cuisine palestinienne, elle constitue également une source de revenu pour de nombreuses familles et fermiers. Ainsi donc, la récolte est une occasion pour les membres d’une même famille de travailler ensemble.

Cette année, toutefois, comme l’an dernier, il est prévu que la récolte sera particulièrement médiocre.

Une femme cueille des olives à Gaza, en octobre. Les experts accusent le réchauffement planétaire de la récolte désastreuse des olives prévue cette année à Gaza. (Photo : Ashraf Amra / APA images)

Une femme cueille des olives à Gaza, en octobre. Les experts accusent le réchauffement planétaire de la récolte désastreuse des olives prévue cette année à Gaza. (Photo : Ashraf Amra / APA images)

Rami Almeghari, 2 novembre 2021

Si médiocre, en fait, que les fermiers de Gaza s’attendent à ce que sa saison qui, normalement, s’étend sur tout l’automne jusque décembre, prenne fin dans les quelques semaines à venir.

Les experts disent que c’est au changement climatique, qui se traduit par des températures hivernales plus élevées, qu’il convient de reprocher ce que le ministère gazaoui de l’agriculture prévoit comme une réduction de 65 pour 100 de la récolte par rapport aux années précédentes.

Muhammad Abu Mustafa, un entrepreneur agricole, emploie normalement 10 personnes, lors de la cueillette des olives. À la mi-octobre, il était pleinement occupé à la récolte des olives à Abasan al-Kabira, dans le sud de la bande de Gaza.

Ce jour-là, toutefois, il ne travaillait qu’en compagnie de ses deux fils, Ahmad et Mustafa.

« L’an dernier, j’ai pu produire 180 litres d’huile d’olive. Cette saison, j’en espère 25 à peine »,

explique Abu Mustafa à The Electronic Intifada.

Abu Mustafa travaille la même terre – qui appartient à la famille Abu Hammad – chaque année, lors de la saison des olives, moyennant un tiers de la récolte, de sorte qu’il connaît très bien le terrain.

Ses lamentations à propos de la faible récolte sont répétées par d’autres, dans cette petite ville rurale pas très éloignée de la frontière avec Israël.

Selon le ministère gazaoui de l’agriculture, les oliviers à Abasan al-Kabira couvrent quelque 10 kilomètres carrés, constituant ainsi un tiers environ de la superficie totale des oliveraies de la bande de Gaza.

Les olives constituent une source importante de revenu dans la région, où les familles s’inquiètent désormais de ce que leur rareté va faire grimper les prix hors de portée des consommateurs.

« L’an dernier, trois tonnes d’olives produisaient environ 130 litres d’huile. Mais, cette saison, mon verger n’a produit que 150 kilos »,

déclare Ibrahim al-Shawaf, un ingénieur de la municipalité locale dont la famille travaille ici dans l’olive depuis des générations.

Al-Shawaf craint qu’en raison de la faible récolte, les prix ne grimpent considérablement.

L’an dernier, dit-il, un gallon (4,5 litres) se vendait à plus ou moins 85 dollars. Mais, cette année, il craint que le prix ne grimpe à 140 dollars, voire plus encore, ce qui fait qu’il sera impossible de vendre l’huile sur le marché local, où la majeure partie des gens vivent dans la pauvreté.

Père de 13 enfants, il est passablement préoccupé.

« J’ai la charge d’une grande famille, dont trois fils mariés et sans emploi. Certains de mes enfants sont inscrits dans les universités locales. »

 

Pas la foule

Au site d’extraction d’huile d’olive d’Abassan al-Kabira, en ville même, un groupe de fermiers font la file avec leur récolte.

Chez tous, il est question de diminution de la production et de crainte de perte d’un revenu très nécessaire.

« J’ai 30 oliviers. L’an dernier, ils ont produit plus de 25 litres d’huile »,

déclare Anas Abu Salah, un fermier local.

« Mais, cette maison, ils n’en ont produit que quatre. Normalement, je peux gagner un peu d’argent et couvrir mes frais. Mais pas cette année. J’ai perdu cette saison. »

Ziyad Mosabeh, l’ingénieur responsable du site d’extraction, explique à The Electronic Intifada que la production n’a pas dépassé 20 pour 100 de la capacité, quand on la compare aux six années durant lesquelles le site a fonctionné jusqu’à présent.

« Ce n’est pas du tout normal. Cette saison ne peut être comparée aux six précédentes. »

Il pointe le doigt sur les grands récipients normalement utilisés par les fermiers quand ils extraient l’huile.

« Normalement, nous avons toute une bande de fermiers, ici, ils se battent pour ces récipients. Cette année, rien. Il n’y a pas foule. »

Les négociants se plaignent eux aussi de ce qu’ils décrivent comme la pire saison des olives de tous les temps dans tout le territoire.   

« Les consommateurs locaux ont été vilainement touchés, cette saison. Ils ne peuvent se permettre des prix qui vont jusqu’à 150 dollars le gallon (4,5 litres) »,

explique Khamis Dwedar, qui est dans le circuit de l’olive depuis 10 ans.

« C’est extrêmement difficile, pour les gens. »

Selon le ministère de l’agriculture, les oliveraies les plus affectées sont celles du sud, où la variété d’olive Shimali est largement représentée.

La bande de Gaza s’est surtout spécialisée dans trois types d’olives : la K18, la Souri et la Shimali.

L’hiver a tout simplement été trop chaud, explique Husam Abu Saada, du ministère de l’agriculture.

« Cette saison, l’hiver a été chaud et le printemps aussi. Cela a considérablement réduit le nombre de fleurs et, partant, le nombre d’olives »,

déclare Abu Seda, le fonctionnaire du ministère chargé de la région de Khan Younis, au sud.

Le changement climatique dans la bande de Gaza n’a pas impacté que la production des olives. Selon Ahmad Helles, un professeur en études environnementales à l’Université al-Azhar, les précipitations à Gaza ont considérablement diminué cette année par rapport à l’année dernière.

« Le changement a surtout été provoqué par le réchauffement planétaire, qui a affecté et les fleurs et les fruits dans la bande de Gaza »,

explique Helles à The Electronic Intifada.

« Il y a aussi le fait que le sol est devenu plus sec que jamais, vu qu’il a reçu moins d’eau, dans le même temps que les fermiers sont dans l’impossibilité d’importer les fertilisants et pesticides appropriés, et ce, à cause du blocus imposé par Israël. »

Helles suggère également que la teneur élevée de sel et de nitrates dans la distribution d’eau à Gaza constitue une partie du problème. Selon le Moniteur euro-méditerranéen des droits humains et l’Institut pour l’eau, l’environnement et la santé, qui siège en Suisse, 97 pour 100 de l’eau phréatique de Gaza est impropre à la consommation.

Une mauvaise révolte d’olives est la dernière chose dont Gaza a besoin. Sous le siège draconien imposé par Israël depuis une quinzaine d’années et qui a coûté près de 17 milliards de dollars à l’économie de Gaza, les taux de pauvreté sont montés en flèche, jusqu’à plus de 50 pour 100, et le taux de chômage est également l’un des pires au monde.

Plus de 80 pour 100 de la population dépend de l’aide alimentaire fournie par l’UNRWA, l’agence de l’ONU qui s’occupe des réfugiés palestiniens.

« Les olives et l’huile d’olive représentent 13 pour 100 des exportations agricoles de Gaza »,

déclare Muhammad Abu Jayab, un analyste économique.

« Elles contribuent à d’autres industries apparentées, comme le savon et les produits d’entretien. Le secteur de l’olive contribue directement aux revenus de près de 100 000 familles, dans l’ensemble des territoires palestiniens. »

« C’est un problème assez grave. »

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Rami Almeghari est journaliste et il vit et travaille à Gaza.

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Publié le 2 novembre 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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