Le dossier secret israélien ne contient pas une seule preuve de « terrorisme » de la part d’organisations palestiniennes

Plusieurs pays européens ont conclu que le dossier ne contenait pas de « preuve concrète » et ont continué à financer les six organisations désignées.

Maureen Clare Murphy, le 4 novembre 2021

On soupçonnait fortement que les « preuves secrètes » justifiant la désignation le mois dernier par Israël de six organisations palestiniennes comme « groupes terroristes » allaient se révéler sans valeur.

Un exposé du contenu d’un document gouvernemental classifié indique qu’Israël n’a pas de preuve et s’appuie sur le témoignage de deux détenus palestiniens très susceptibles d’avoir été torturés.

Israël prétend que les six organisations – Al-Haq, Addameer, Defense for Children International Palestine, l’Union des comités du travail agricole, l’Union des comités des femmes palestiniennes et le Centre Bisan de recherche et de développement – font office de bras au service du Front populaire pour la libération de la Palestine.

Tel-Aviv, de même que les EU et l’UE, répertorie en tant qu’« organisations terroristes » le FPLP et d’autres partis politiques palestiniens dont les ailes armées résistent à l’occupation et à la colonisation par Israël.

Israël et ses groupes de pression tentent depuis longtemps de discréditer, priver de financement et saboter le travail des organisations palestiniennes des droits humains telles celles qui ont été déclarées illégales le mois dernier.

Mais cette désignation comme « organisations terroristes » était extrême, même pour Israël.

Le contenu d’un dossier classifié de 74 pages préparé par le Shin Bet (le police secrète d’Israël) a été révélé par la publication +972 Magazine ce jeudi.

Israël a distribué le dossier aux diplomates européens en mai dans une tentative infructueuse en vue de les persuader de cesser de financer les six organisations.

Selon +972 Magazine, le contenu du dossier est quasi identique aux allégations avancées par le ministère israélien de la Défense lorsqu’il avait qualifié les organisations de « terroristes » le mois dernier.

Il s’appuie sur un témoignage de deux Palestiniens qui ne travaillaient pour aucune des six organisations.

Ces deux hommes – Saïd Abdat et Amro Hamouda – travaillaient comme comptables pour les Health Work Committees (Comité du secteur des soins), une septième organisation palestinienne qui avait été déclarée « terroriste » par Israël voici quelques mois.

L’organisation avait été qualifiée comme telle après que son directeur adjoint, Walid Hanatshah, avait été arrêté sur des soupçons d’implication dans la mort d’un jeune Israélien de 17 ans en Cisjordanie, en 2019.

Plusieurs autres employés des Health Work Committees ont été arrêtés cette année, dont leur directrice générale, Shatha Odeh, détenue ensuite par Israël sans accusation ni procès et ce, depuis juillet.

Les deux hommes dont les témoignages constituent la base du dossier avaient été licenciés « après avoir été soupçonnés de malversations financières », a rapporté +972 Magazine, en citant le document israélien.

 

Torture

L’avocat de l’un des deux hommes prétend que son client peut avoir été soumis à des mauvais traitements ou à la torture durant ses interrogatoires.

Les autorités israéliennes ont menacé d’arrêter les membres de la famille d’Abdat lors de séances d’interrogatoire qui « pouvaient durer jusqu’à 22 heures sans interruption », a rapporté +972 Magazine.

« Abdat s’est évanoui à plusieurs reprises mais, au lieu de recevoir des soins médicaux, on l’aspergeait d’eau froide et on reprenait l’interrogatoire »,

ajoutait la publication.

Abdat a également été placé dans des positions de stress qui provoquent « d’intenses douleurs physiques, au point d’être assimilées à de la torture », a expliqué à +972 Magazine Tal Steiner, directeur du Comité public contre la torture en Israël.

Les deux hommes

« ont fait reposer la plupart de leurs accusations sur des hypothèses générales qu’ils supposaient ‘connues de tout le monde’ ou sur des informations qu’ils prétendaient largement ‘connues’ »,

écrivait encore +972 Magazine.

 

Pas la moindre « preuve concrète »

Le dossier préparé pour les diplomates européens comprend le témoignage d’Abdat affirmant qu’il « a vu des reçus utilisés pour diverses activités du FPLP ». Mais, dans le compte rendu de l’interrogatoire complet, Abdat dit que ces activités comportaient des cours de danse folklorique.

Les « centaines de pages des comptes rendus d’interrogatoire » ne contiennent pas d’allégations spécifiques concernant des détournements de fonds au profit d’activités militantes.

En fait, plusieurs pays européens ont conclu que le dossier ne contenait pas de « preuve concrète » et ont continué à financer les six organisations, a ajouté la publication.

Cette semaine, le ministre irlandais des Affaires étrangères, Simon Coveney, a affirmé que son gouvernement – qui finance deux des organisations désormais interdites – n’a pas reçu de « preuves dignes de foi » pour appuyer les allégations d’Israël.

L’étiquette de « terrorisme » s’appuie sur le témoignage de deux hommes dont le dossier du Shin Bet révèle qu’ils n’avaient aucune familiarité avec les organisations ciblées.

+972 Magazine rapporte que l’un des hommes détenus a déclaré que Khalida Jarrar, une députée membre du FPLP, était directrice d’Addameer.

Jarrar n’est plus directrice d’Addameer depuis 2006.

Israël espère que les hauts responsables américains seront plus souples à l’égard de ses allégations que leurs homologues européens.

Trois des six organisations ciblées travaillent en étroite collaboration avec l’enquête de la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes de guerre commis en Cisjordanie et à Gaza.

Benny Gantz, le ministre israélien de la Défense qui a ratifié les désignations des organisations comme « terroristes », va très probablement faire l’objet d’une enquête sur son rôle dans les crimes de guerre susceptibles d’avoir été commis au cours des offensives israéliennes contre Gaza en été 2014 et en mai 2021.

Addameer, l’une des organisations visées, soutient les Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes et palestiniennes et elle représente également devant la CPI les cas du transfert forcé de trois enfants prisonniers.

Le Shin Bet israélien

« recourt à la torture et aux mauvais traitements en tant que procédure standard dans son approche systématique, à grande échelle des détenus palestiniens »,

affirme Addameer.

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Publié le 4 novembre sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Lisez également : Israël a informé l’UE au préalable de son intention de cataloguer les organisations des droits comme “terroristes”.

Le qualicatif de “terroristes” vise à réprimer les organisations palestiniennes

 

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