Le président chilien Boric a gâché une occasion pour la Palestine au sein de l’AG de l’ONU
Le président chilien Gabriel Boric a beau être actuellement le dirigeant latino-américain le plus affirmatif sur les droits palestiniens et les violations israéliennes, sa rhétorique, toutefois, laisse beaucoup à désirer.
Ramona Wadi, 24 septembre 2022
Elle soulève à son tour des questions sur la façon dont le Chili – la pays à la plus large communauté palestinienne de la région – peut se différencier d’autres pays pour devenir un modèle à suivre, plutôt que de suivre le consensus international sur le compromis à deux États et le discours sécuritaire israélien.
Dans son premier discours à l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU), Boric a parlé du droit de la Palestine à la liberté et à la souveraineté tout en estropiant son message en y insérant une fausse équivalence avec Israël qui élimine le contexte colonial.
« [Les Palestiniens devraient donner la priorité à leur droit inaliénable d’établir leur propre État libre et souverain. De la même façon, garantissons à Israël le droit légitime de vivre dans des frontières sûres et reconnues internationalement »,
a affirmé Boric.
Le discours de Boric a été déclaré « politiquement correct », dans le même temps qu’il a été remarqué que la position du Chili a toujours été favorable à la reconnaissance des droits du peuple palestinien et des droits d’Israël tout en promouvant le compromis à deux États, à l’instar du reste de la communauté internationale.
Dans ce cas, les positions activistes de Boric en tant que président sont peu susceptibles de laisser quelque impact sur la diplomatie chilienne. Sous Boric, le gouvernement chilien a défendu la même position à laquelle avait adhéré son prédécesseur Sebastian Pinera, une position qui constituait un bonus pour Israël, en dépit des doléances exprimées par les médias israéliens sur la victoire électorale de Boric.
Quelques jours avant son discours à l’AGNU, Boric avait reporté l’acceptation des créances du nouvel ambassadeur d’Israël au Chili, Gil Artzyeli, en réponse à l’assassinat par les forces israéliennes du jeune Palestinien de 17 ans, Odai Trad Salah, à Kufr Dan, à proximité de Jénine.
Toutefois, sa position, qui faisait les gros titres dans les principaux médias du monde entier, était affectée par son discours à l’AGNU qui tentait d’établir une équivalence entre le colonisateur et le colonisé en simplifiant, au point de l’oblitérer, la raison pour laquelle les Palestiniens sont privés d’un État, et peut-être bien pour de bon.
Boric n’est pas inconscient de la situation dramatique des Palestiniens suite à la colonisation sioniste. Pas plus qu’il n’a oublié le fait que les Palestiniens et le peuple autochtone du Chili – les Mapuche – ont subi des formes similaires d’agression à cause de gouvernements qui criminalisaient leur lutte de revendication de terres et d’autonomie politique.
Il est toutefois possible que, du fait qu’il est président, les positions activistes de Boric soient édulcorées par des exigences diplomatiques, comme se plier au compromis à deux États, qui a échoué pour les Palestiniens et qui est d’ailleurs totalement défunt en dehors de la rhétorique internationale.
Avant d’accéder à la présidence, Boric était l’un des activistes les plus en voix du Chili. En tant que président, il navigue au milieu d’une réalité complexe qui inclut l’héritage de la dictature d’Augusto Pinochet et les liens avec Israël durant cette période, ainsi que la dépendance du pays pour s’assurer des équipements militaires et de surveillance de la part des oppresseurs de la Palestine.
Associer Israël et légitimité est une aberration, particulièrement quand on utilise ce genre de descriptions pour mettre dans la balance le plaidoyer pour les droits palestiniens.
Dans son premier discours à l’AGNU, Boric a gâché une occasion de dénoncer la violence coloniale d’Israël et la façon dont cela rend sa légitimité caduque. Ce n’est pas à la communauté internationale qu’il incombe de garantir l’existence d’Israël, mais Boric sait que le Chili peut jouer un rôle central pour faire en sorte que la communauté internationale gravitera vers la légitimité des exigences politiques du peuple palestinien.
°°°°°
Publié le 24 septembre 2022 sur Middle East Monitor
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine