Israël appuie sur la détente et les EU laissent faire

Les violations israéliennes des droits palestiniens ont grimpé en flèche, cette année, avec l’accélération de l’installation de colonies par Israël et la consolidation de son régime de suprématie juive du fleuve à la mer.

 

5 juillet 2023. Une maison endommagée du camp de réfugiés de Jénine, après un raid israélien

5 juillet 2023. Une maison endommagée du camp de réfugiés de Jénine, après un raid israélien. (Photo : Wahaj Bani Moufleh / ActiveStills)

 

Maureen Clare Murphy, 24 juillet 2023

Mettre un terme à l’impunité constitue la première demande des organisations palestiniennes des droits humains qui recensent les crimes d’Israël.

L’une de ces organisations, Al-Haq, a réclamé

« des mesures urgentes, efficaces et de responsabilisation intelligente afin de garantir la fin de cette culture illégale de l’impunité dont profite Israël »

après que des colons ont complètement dévasté une localité palestinienne un peu plus tôt cette année .

Fin février et début mars – après une série de raids meurtriers dans des villes et camps de réfugiés palestiniens et d’attaques de colons contre des communautés palestiniennes – Al-Haq et d’autres organisations ont insisté auprès de la Cour pénale internationale pour qu’elle sorte une déclaration préventive dans le but de dissuader d’autres crimes.

Une déclaration préventive, ont prétendu les organisations, devrait spécifier que toutes les allégations de crimes israéliens en Cisjordanie occupée et à Gaza feront l’objet d’une enquête menée par la Cour.

Il n’y a eu aucune déclaration de ce genre. Et, depuis lors, Israël a uniquement intensifié son usage de la force, en recourant pour la première fois à des drones pour ses frappes en Cisjordanie et en larguant des missiles sur le camp de réfugiés de Jénine au cours de la plus vaste opération militaire menée dans le territoire depuis deux décennies.

Pendant ce temps, il s’avère que l’enquête de la CPI sur les crimes de guerre en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, lancée voici plus d’un an, est au point mort et sous-financée, et qu’elle est loin de figurer aux premiers rangs de la liste du nouveau procureur principal.

Financièrement et politiquement, c’est avec enthousiasme que les États tiers ont soutenu les activités de la Cour en Ukraine, un pays que le procureur principal a visité à plusieurs reprises. Il n’y a pas eu le moindre engouement de ce genre pour l’enquête sur la Palestine – bien qu’il s’agisse d’une des situations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dont on a parlé le plus.

Les puissants amis d’Israël – certains États, comme le Canada, faisant partie de la CPI, et d’autres non, comme les EU – sont même opposés à l’enquête en Palestine et font tout pour la saboter.

De façon plus positive, toutefois, le Parlement européen a adopté ce mois-ci une résolution réitérant le « solide soutien » de l’Union européenne à l’indépendance de la CPI, tout en faisant remarquer ses « progrès limités » dans l’enquête en Palestine.

Le Parlement européen a demandé que l’UE

« s’engage à aider la CPI et son procureur à aller de l’avant dans l’enquête et les poursuites ».

Et, aux Nations unies, la semaine dernière, Ronald Lamola, le ministre sud-africain de la Justice, a mis le doigt sur l’absence de progrès dans l’enquête de la CPI en Palestine et il a réclamé une égalité d’accès à la justice.

 

« Toute perception de partialité de la part du procureur ou de la cour entravera nos efforts en vue de réaliser la paix, la sécurité et le bien-être du monde »,

a-t-il dit.

« La CPI doit de toute urgence progresser dans son enquête »,

a ajouté Lamola.

 

La visite de Herzog à Washington

La justice pour les Palestiniens ne figurait nulle part à l’ordre du jour de la récente visite du président israélien Isaac Herzog à Washington, qui octroie chaque année un tapis de 3,8 milliards de USD sous forme d’aide militaire à Israël.

Le discours de Herzog au cours d’une session jointe du Congrès, la semaine dernière, n’a été boycotté que par une poignée de démocrates progressistes. Il a reçu diverses standing ovations de la part de l’audience nombreuse alors qu’il proclamait que c’était le « terrorisme » palestinien, plutôt que la colonisation israélienne, qui détruisait les perspectives de paix.

De même, à la veille du discours de Herzog, seuls 10 démocrates de la Chambre des Représentants

« ont refusé de voter en faveur d’une résolution largement soutenue disant qu’Israël n’était ni un État raciste ni un État d’apartheid, et accompagnée de déclarations de soutien ferme à Israël »,

a rapporté The New York Times.

Parmi les représentants américains, il reste un consensus bipartisan pour protéger l’impunité israélienne, quelle que puisse être la gravité de ses crimes envers les Palestiniens ou celle du racisme dominant au sein de sa coalition dirigeante.

Et, alors que Herzog sert de faire-valoir modéré du gouvernement d’extrême droite dirigé par Benjamin Netanyahou, il représente un État qui pratique l’apartheid – « un crime si haineux qu’il tombe sous la définition d’un crime contre l’humanité », comme le fait remarquer l’écrivain Miko Peled.

En préambule à la visite de Herzog, l’organisme de contrôle des droits humains, DAWN, a demandé au département d’État de sortir une interdiction de visa et de refuser l’entrée aux EU à sa secrétaire militaire, Naama Rosen-Herzog.

Dans son précédent rôle en tant qu’officière des renseignements au service du commandement central de l’armée israélienne, Naama Rosen-Herzog avait ordonné l’arrestation par erreur – et sans accusation ni procès – de Jamal Niser, un citoyen américain.

Niser, qui avait 74 ans la première fois qu’il avait été arrêté suite à une ordonnance d’arrestation administrative en 2021, est né en Palestine avant la création de l’État d’Israël et il a fondé une famille aux États-Unis, après quoi il est retourné en Cisjordanie occupée.

À plusieurs reprises, il a été libéré puis arrêté de nouveau

« en s’appuyant sur des preuves secrètes non confirmées à propos de son engagement pacifique dans les élections locales de l’Autorité palestinienne »,

affirme DAWN, et il fait actuellement l’objet d’une interdiction de déplacement qui l’empêche de quitter le territoire.

« La moindre des choses que peut faire l’administration Biden est de cesser de fermer ses propres yeux quand Israël trompe aussi grossièrement les citoyens américains »,

a déclaré Michael Schaeffer Omer-Man, un directeur de la recherche au sein de DAWN.

 

Justice pour la Loi Shireen

Pendant ce temps, des douzaines d’organisations aux EU, dont DAWN, invitent le Congrès à soutenir Justice pour la Loi Shireen, une proposition de loi qui requerrait du FBI et du département d’État de publier un rapport public sur les circonstances de la mort de la citoyenne américaine dont cette même proposition de loi porte le nom.

Shireen Abu Akleh, une correspondante iconique d’Al Jazeera, avait été tuée l’an dernier alors qu’elle effectuait un reportage au cours d’un raid de l’armée israélienne dans le camp de réfugiés de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie.

De nombreuses enquêtes indépendantes mettent le doigt sur la responsabilité israélienne dans la mort de la journaliste. Alors que l’armée israélienne a reconnu qu’il existait une « grande possibilité » qu’Abu Akleh ait été tuée par un tir israélien et a exprimé en fin de compte des regrets pour sa mort, il n’y a pas eu la moindre demande de comptes à ce propos.

Dans l’intervalle, les soldats israéliens continuent délibérément d’ouvrir le feu sur des journalistes, entre autres au cours des raids contre Jénine.

La proposition de loi, introduite par le représentant de l’Indiana Andre Carson,

« requiert une identification des individus et entités qui ont perpétré le meurtre de Shireen Abu Akleh, qui y ont participé, ou qui en ont été les complices de quelque autre façon, ou qui en ont été responsables ; ainsi que de tous les matériaux ou services de défense américains qui ont été impliqués »

dans sa mort.

L’administration Biden a été complice des manœuvres de dissimulation par Israël du meurtre d’Abu Akleh et elle s’oppose à une enquête de la CPI sur sa mort.

Alors qu’elle répondait aux questions des journalistes à propos d’Abu Akleh, l’administration de Washington s’en est remise aux mécanismes d’auto-investigation d’Israël, discrédités depuis très longtemps déjà.

Durant son passage en tant que porte-parole du département d’État américain, Ned Price avait mis en exergue l’affaire d’Iyad Hallaq en tant qu’exemple de la capacité d’Israël à se livrer à

« une enquête complète, transparente et impartiale ».

Hallaq, un Palestinien de 31 ans, avait été abattu et tué à Jérusalem, en mai 2020, par un agent de la police paramilitaire frontalière israélienne. Il se rendait à pied, accompagné de son gardien, à un centre de jour pour jeunes et adultes handicapés quand il avait été poursuivi et abattu alors qu’il s’était recroquevillé par crainte pour sa vie.

Al-Haq avait qualifié l’homicide de Hallaq d’

« exécution extrajudiciaire apparente et de meurtre délibéré pouvant équivaloir à un crime international débouchant sur une responsabilisation criminelle individuelle ».

Un peu plus tôt, ce mois-ci, un tribunal israélien a acquitté l’homme qui avait été accusé du meurtre délibéré de Hallaq.

Une ordonnance israélienne de censure interdit aux médias israéliens d’identifier l’assassin de Hallaq, mais le blogger Richard Silverstein a cité son nom : Elior Yakov.

Dès son acquittement, Yakov retournera à la police des frontières et il aura droit à une formation en vue d’exercer un commandement.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 24 juillet 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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