L’AP durcit sa répression, la résistance ne faiblit pas

L’Autorité palestinienne (AP) n’a pas ralenti sa campagne d’arrestation des combattants de la résistance et, récemment, il s’en est suivi une multiplication des tensions et des confrontations armées à Jénine. Mais, en dépit des efforts de l’AP, les brigades de la résistance continuent de s’étendre.

16 septembre 2023, camp de réfugiés de Jénine. Des combattants de la résistance palestinienne, ciblés par la répression de l'AP lors d’une cérémonie commémorative en l’honneur de leurs martyrs.

16 septembre 2023, camp de réfugiés de Jénine. Des combattants de la résistance palestinienne lors d’une cérémonie commémorative en l’honneur de leurs martyrs. (Photo : Alaa Badarneh / EFE via ZUMA Press / APA Images)

 

Bureau Palestine (Mondoweiss), 18 septembre 2023

Principaux développements (15-18 septembre)

Le prisonnier et gréviste de la faim palestinien Khalil Awawdeh a été libéré de sa prison israélienne la semaine dernière, après près de deux ans de détention administrative, au cours de laquelle il a mené une grève de la faim de 172 jours.

 

Campagne de soutien à Khalil Awawdeh à Charleroi

Campagne de soutien à Khalil Awawdeh le 27 août à Charleroi

Awawdeh a été libéré le vendredi 15 septembre et a été emmené aussitôt dans un hôpital de Ramallah afin d’y recevoir un traitement médical.

Selon une déclaration d’Awawdeh à la suite de sa libération, il souffre toujours des effets de sa grève de la faim prolongée de 2022 : faiblesse musculaire, difficultés pour marcher, tremblements des mains et problèmes rénaux.

Awawdeh avait été arrêté en décembre 2021 par les forces israéliennes dans la ville où il vivait, Idhna, dans le gouvernorat d’Hébron, en Cisjordanie. Immédiatement, il s’était vu notifier une ordonnance d’arrestation administrative pour six mois, utilisée par les tribunaux militaires israéliens afin d’emprisonner des Palestiniens indéfiniment, sans accusation ni procès.

Après qu’il avait enduré une grève de la faim de plus de 170 jours afin de protester contre sa détention injuste, les Services carcéraux israéliens (IPS) avaient accepté de le relâcher en octobre 2022.

Toutefois, lors d’un changement de prison, les autorités israéliennes avaient prétendument trouvé un mobilophone de contrebande sur la personne d’Awawdeh, ce qui avait décidé les tribunaux à lui infliger 16 mois de prison supplémentaires.

En tout, Awawdeh a passé quelque 15 ans à entrer et sortir des prisons israéliennes. Selon les organisations de défense des droits des prisonniers, il y a actuellement 1 200 prisonniers palestiniens en détention administrative.

Maintes fois, cette politique a été décrite comme cruelle et inhumaine. Pour l’instant, il y a au moins deux détenus administratifs palestiniens en grève de la faim pour protester contre leur détention et ils en sont actuellement à 47 jours consécutifs de grève. Parmi les grévistes de la faim figure Kayed Fasfous, un mari de 34 ans, père d’une fille et qui, en 2021, a vécu une grève de la faim de 131 jours afin de protester contre sa détention administrative.


Ce week-end, l’Autorité palestinienne a arrêté au moins trois Palestiniens affiliés à diverses organisations de résistance armée en Cisjordanie et l’un de ces incidents a déclenché des confrontations armées à Jénine.

Vendredi 15 septembre, des rapports locaux ont dit que les forces de l’AP avaient arrêté une nouvelle fois Munther al-Nabulsi, le cousin du combattant de la résistance abattu, Ibrahim al-Nabulsi, deux jours à peine après qu’il avait été libéré des geôles de l’AP.

Al-Nabulsi était détenu en garde à vue par l’AP, dit-on, depuis son arrestation fin juillet cette année. Le lendemain, on rapporte que les forces de l’AP ont arrêté un combattant de la résistance blessé originaire du camp de réfugiés de Tulkarem, le site d’un nombre de plus en plus élevé de raids d’arrestation suite à l’ampleur croissante des groupes locaux de résistance dans cette ville.

Suite à l’arrestation de cet homme, les combattants du camp de réfugiés de Tulkarem ont sorti une déclaration condamnant l’arrestation mais disant également qu’ils allaient s’abstenir d’entreprendre des actions au moment même où les activistes du camp négociaient la libération du combattant avec les forces sécuritaires de l’AP.

« Au lieu de poursuivre des personnes honorables, nous proposons de diriger notre attention sur les corrompus et les traîtres »,

a déclaré l’organisation. Dimanche 17 septembre, il a été rapporté que des combattants palestiniens ont ouvert le feu sur le QG de l’AP à Jénine après qu’un combattant local de la résistance, Ahmed al-Jadoun, aurait prétendument été kidnappé dans un café de la ville par les forces sécuritaires de l’AP.

Ces derniers mois, l’AP a incarcéré des douzaines de combattants palestiniens, ainsi que des dissidents politiques, des activistes, des journalistes et des étudiants universitaires. Ces quelques dernières semaines, le ciblage par l’AP des combattants de la résistance s’est concentré sur les districts du nord comme Jénine, Tulkarem et Naplouse, où les organisations de résistance gardent une position plus dominante.

Malgré les campagnes d’arrestation de l’AP et d’Israël, l’activité de la résistance palestinienne a continué de proliférer un peu partout en Cisjordanie.

Ce week-end, nombre d’opérations de moindre envergure, tels la pose ou le lancement d’explosifs contre des cibles militaires israéliennes, ont été rapportées en de nombreux endroits de Cisjordanie.

Plusieurs de ces opérations ont eu lieu dans la ville proche d’Hébron de Beit Ummar, où l’on a rapporté un accroissement des activités de résistance ces quinze derniers jours, suite à la création de la « Brigade Bani Naim », nommée d’après la ville du même nom et opérant apparemment à partir de cette même ville.

Lundi matin, paraît-il, des tireurs palestiniens ont effectué trois opérations de tir contre des postes militaires israéliens dans le nord de la Cisjordanie. Suite à des rapports affirmant que des coups de feu ont été tirés en direction d’un check-point militaire près de la ville de Deir Sharaf, dans la région de Naplouse, les forces israéliennes ont fermé au moins trois importants check-points dans la zone et se sont mises à arrêter et fouiller les véhicules palestiniens dans cette même zone.

Outre les opérations revendiquées par les milices et organisations de résistance locales, des opérations de type « loup solitaire » se poursuivent également.

Lundi, un adulte palestinien non identifié a été abattu et grièvement blessé par des soldats israéliens au check-point de Mazmouria, au sud de Jérusalem, après qu’il avait prétendument sorti un couteau et tenté de poignarder des soldats stationnés au check-point. L’homme blessé a été arrêté et, prétend-on, emmené dans un hôpital israélien pour y être soigné. On n’a rapporté aucun blessé du côté israélien.

En profondeur

Lundi 18 septembre, à 9 h du matin, les factions de résistance du camp de réfugiés de Jénine ont tenu une conférence de presse pour s’en prendre à la récente vague d’arrestations et d’enlèvements de combattants de la résistance menée par l’AP à Jénine, Turkarem et maints autres endroits du nord de la Cisjordanie.

Durant la conférence, des membres masqués de la Brigade de Jénine ont condamné la poursuite par l’AP des combattants de la résistance dans le sillage de la bataille appelée « la Furie de Jénine », en faisant appel aux « gens honorables » des forces sécuritaires de l’AP afin qu’ils empruntent la voie de Ra’ed al-Karmi (le commandant du Fatah exécuté par Israël en 2002) et de Ziad al-Amer (le commandant de la Brigade des Martyrs d’al-Aqsa abattu au cours de l’opération « Bouclier défensif » alors qu’il dirigeait la défense du camp de réfugiés de Jénine, en 2002 également), tout en prévenant en même temps les commandants des Forces sécuritaires :

« Si vous pensez que l’arrestation des combattants de la résistance va nous faire mal, notre réponse consistera à vous frapper là où ça fait mal, c’est-à-dire contre l’occupation, avec laquelle vous êtes en coordination. »

La déclaration de la Brigade de Jénine ajoutait également que la campagne d’arrestations « ne représentait pas les gens honorables au sein du mouvement du Fatah, ni non plus ceux de la Brigade des Martyrs d’al-Aqsa », et que la Brigade « ne doutait pas du patriotisme des gens honorables » au sein des Forces sécuritaires, mais qu’elle n’avait « par contre aucune confiance en leur direction ».

La conférence de presse s’est alors terminée par un avertissement, quand le seul combattant non masqué a surgi de la foule des hommes en armes, a brandi son fusil et a déclaré :

« Je n’ai pas l’intention d’être long. Je voulais juste adresser un message aux Forces de sécurité. L’enlèvement sera combattu par l’enlèvement, le meurtre par le meurtre et le sang par le sang (…) Si vous voulez la guerre, dans ce cas, vous l’aurez, et elle sera très acharnée. »

Il a ensuite brandi son fusil au-dessus de sa tête et a ajouté :

« Si un membre de ma religion veut me tuer, dans ce cas, il n’est pas de ma religion ; si un fils de mon peuple veut me tuer, dans ce cas, il n’est pas de mon peuple. »

La conférence est le dernier événement d’une série de tensions à la hausse entre l’AP et la résistance armée en Cisjordanie.

Depuis l’opération de Jénine en juillet, l’AP a lancé une campagne concertée d’arrestations de combattants de la résistance. La campagne a assisté à l’engagement accru de l’AP et de ses Forces sécuritaires dans un effort en vue de mater la résistance armée palestinienne en Cisjordanie, effort qui, jusqu’alors, avait été du ressort d’Israël depuis le début de l’année 2022.

La période qui avait suivi la bataille de Jénine, toutefois, a marqué une nouvelle phase dans la campagne en vue de réprimer la résistance – et elle allait venir de l’intérieur.

Ceci vient également dans le sillage de la décision de l’actuel gouvernement israélien d’empêcher l’effondrement de l’AP, décision dont l’objectif était de faciliter le retour du contrôle de l’AP dans les zones où les combattants de la résistance ont jusqu’à présent eu les coudées franches, comme le camp de réfugiés de Jénine, et de permettre à l’AP de jouer un rôle actif en arrêtant les combattants de la résistance et en les empêchant de lancer des opérations de résistance contre des cibles israéliennes.

Jusqu’ici, le mouvement de résistance en pleine relance en Cisjordanie a tenu à souligner que ses fusils sont pointés sur l’occupant et non sur l’AP, et même les protestations furieuses contre l’AP dans le camp de réfugiés de Jénine demandent que les Forces sécuritaires de l’AP « se retirent du chemin » afin d’empêcher un bain de sang entre Palestiniens.

Mais, tôt ou tard, la campagne ininterrompue de répression menée par l’AP devait faire l’objet d’une riposte de la résistance. Même aujourd’hui, le récent ultimatum de la Brigade de Jénine est rédigé en des termes qui s’adressent « aux personnes honorables » au sein des Forces sécuritaires de l’AP.

Pourtant, puisque l’AP s’obstine dans ses tentatives en vue de rétablir son contrôle dans des zones comme Jénine, les deux mondes vont inévitablement entrer en collision, ce qui risque sans doute de préparer le terrain pour une confrontation à une échelle bien plus grande encore.

Les chiffres importants

Israël a tué au moins 234 Palestiniens depuis le début de l’année.

5.100 prisonniers politiques palestiniens sont actuellement détenus dans les prisons israéliennes, dont 1.200 détenus administratifs.

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Publié le 18 septembre 2023 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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