Le droit inaliénable des Palestiniens de résister +
L’article « Le droit inaliénable des Palestiniens de résister » a déjà été publié sur ce site en juin 2021, lors de l’Infifada de l’Unité. Il a également été repris dans le magazine EBB, de janvier 2024 « For Palestine ».
Nous le republions vu l’actualité et la bonne compréhension de l’acte de la résistance du 7 octobre. Nous avons également ajouté des références qui ont été publiées dans le dernier numéro du magazine Ebb et nous vous informons des autres articles publiés dans cette revue (publiée en anglais). (*)
Louis Allday, 22 juin 2021
« Nous nous sommes souvenus de toutes les misères, de toutes les injustices, de notre peuple et des conditions dans lesquelles il vivait, de la froideur avec laquelle l’opinion mondiale considère notre cause et, ainsi donc, nous avons senti que nous ne leur permettrions pas de nous écraser. Nous nous défendrons, nous et notre révolution, de toutes les manières et par tous les moyens. »
Georges Habache (1926-2008)
« Un combattant de la liberté apprend à la dure que c’est l’oppresseur qui définit la nature du combat et, bien souvent, l’opprimé n’a d’autre recours que d’user des méthodes de son oppresseur. »
Nelson Mandela (1918-2013)
En décembre 1982, suite à l’invasion dévastatrice du Liban par Israël six mois plus tôt, l’Assemblée générale des Nations unies adoptait la Résolution A/RES/37/43 concernant
« l’importance de la réalisation universelle du droit des peuples à l’autodétermination ».
Elle soutenait, sans qualification,
« le droit inaliénable » du peuple palestinien à « l’autodétermination, l’indépendance nationale, l’intégrité territoriale, l’unité et la souveraineté nationales sans interférence extérieure » et réaffirmait la légitimité de sa lutte pour ces droits « par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée ».
Elle condamnait sévèrement aussi
les « activités expansionnistes [d’Israël] au Moyen-Orient » et ses « bombardements incessants des civils palestiniens », deux activités dont elle disait qu’elles « constitu[ai]ent un sérieux obstacle à la réalisation de l’autodétermination et de l’indépendance du peuple palestinien ».
Au cours des quatre décennies qui se sont écoulées depuis, la violence d’Israël à l’égard du peuple palestinien et la colonisation de sa terre n’ont pas cessé un instant. Jusqu’à ce jour, dans toute la Palestine historique, de la bande de Gaza à Sheikh Jarrah, les Palestiniens subissent toujours la même occupation, le même contrôle étouffant sur le moindre aspect de leur existence et la même violence sadique, exercée en toute impunité par l’État sioniste.
Outre qu’il est soutenu par l’ONU, le droit des Palestiniens de résister à leur occupation est également garanti par les lois internationales.
La Quatrième Convention de Genève exige d’une puissance occupante qu’elle protège
« le statu quo, les droits humains et les perspectives d’autodétermination »
des populations occupées et, comme l’a expliqué Richard Falk – un spécialiste des lois internationales qui, plus tard, allait être désigné au poste de rapporteur spécial de l’ONU sur les droits humains dans les Territoires palestiniens occupés –
« le refus affirmé, flagrant et non dissimulé [par Israël] de jamais accepter ce cadre d’obligations juridiques constitue une négation fondamentale du droit des Palestiniens à l’autodétermination et il engendre leur droit juridiquement protégé à la résistance. (1)
L’occupation par Israël du territoire palestinien et son flagrant mépris des lois internationales via la construction de colonies illégales et autres violations quotidiennes se sont poursuivis sans faiblir depuis que Falk a fait connaître son évaluation lors de l’Intifada al-Aqsa. En fait, l’occupation n’a fait que se renforcer depuis lors, avec la collaboration de l’Autorité palestinienne compradore.
De plus, quoi que prescrivent les lois internationales, les Palestiniens détiennent le droit moral fondamental de résister à leur colonisation et oppression en cours en recourant à la résistance armée et ce droit doit être reconnu et soutenu.
Les souffrances multigénérationnelles des Palestiniens, sans peut-être égaler celles de ceux qui vivent actuellement dans la bande de Gaza assiégée et bombardée, sont en permanence cruelles et elles ont une cause centrale : Israël et la belligérance, l’expansionnisme et le racisme incessants qui sont inhérents à son idéologie d’État, le sionisme.
Qui plus est, contrairement au discours des médias occidentaux qui, sans faute, dépeignent Israël comme agissant en « représailles », ce sont les actions des Palestiniens qui sont fondamentalement de nature réactive, parce que la violence que leur inflige Israël est à la fois continuelle et structurelle et, de ce fait, elle précède automatiquement toute résistance qui s’y oppose.
« Avec la mise en place d’une relation d’oppression, la violence a déjà commencé », a dit Paolo Freire ; « jamais dans l’histoire la violence n’a été initiée par les opprimés ».
En Palestine, comme l’a écrit récemment Ali Abunimah, « la racine fondamentale de toute violence politique est la colonisation sioniste ». (2)
Étant donné l’évidence du droit juridique et moral des Palestiniens de poursuivre la résistance armée, le soutien de cette position devrait être, non pas controversé, mais communément accepté parmi les partisans de leur cause.
Pourtant, en Occident, une telle position est rarement exprimée – même par ceux qui proclament à haute voix leur solidarité avec la Palestine.
Au contraire, les actes de la résistance armée palestinienne, comme le tir de missiles à partir de Gaza, sont condamnés par ces prétendus partisans comme faisant partie du problème, rejetés avec condescendance comme « futiles » et « contreproductifs », voire qualifiés de « crimes de guerre » et d’« atrocités inconcevables » prétendument comparables aux habituelles pratiques d’Israël, comme les punitions collectives, la torture, l’incarcération, le bombardement et l’assassinat de Palestiniens.
Cette forme de solidarité, comme l’a prétendu Bikrum Gill, est essentiellement
« fondée sur la réinscription des Palestiniens en tant qu’êtres intrinsèquement non souverains ne pouvant être reconnus que comme des objets dépendants, impuissants et manipulables, soit par la violence coloniale israélienne, soit par des protecteurs impérialistes blancs ». (3)
Être assis dans le confort et la sécurité de l’Occident et condamner les actes de la résistance armée que les Palestiniens ont choisi d’exécuter – toujours au grand risque de leur vie – constitue une position extrêmement chauvine.
Disons les choses simplement : Il est malvenu que ceux qui choisissent d’afficher de loin leur solidarité avec les Palestiniens, tentent ensuite de leur dicter la façon dont ils devraient mener leur lutte anticoloniale, laquelle, comme le croyait Frantz Fanon, est nécessaire pour conserver leur humanité et leur dignité et, finalement, mener à bien leur libération.
Ceux qui ne sont pas soumis à une occupation militaire brutale ou qui ne sont pas les réfugiés d’un nettoyage ethnique n’ont pas le droit de juger la méthode choisie par ceux dont c’est au contraire le cas pour affronter leurs colonisateurs.
En effet, exprimer sa solidarité avec la cause palestinienne n’a en définitive aucun sens si ce soutien se dissipe au moment précis où les Palestiniens résistent à leur oppression en ne recourant à rien de plus que des pierres et ne peuvent plus être décrits comme des gens courageux, photogéniques, mais comme des victimes tout compte fait impuissantes.
« Le monde attend-il de nous que nous nous laissions immoler dans des sacrifices polis, volontaires et conciliants et que nous soyons mis à mort sans soulever une seule objection ? »,
a demandé récemment, de façon très rhétorique, Yahya al-Sinwar, le chef du Hamas à Gaza.
« Ce n’est pas possible. Non, nous avons décidé de défendre notre peuple de toute la force que nous avons reçue, quelle qu’elle soit. » (4)
Ce phénomène s’adresse à ce que Jones Manoel appelle le « fétiche de la défaite » de la gauche occidentale, lequel la prédispose à des situations « d’oppression, de souffrance et de martyre », et non à des actes menés à bien de résistance et de révolution. Manoel continue :
« Les gens deviennent extatiques quand ils regardent ces images – dont je ne pense pas qu’elles soient très fantastiques – d’un enfant ou adolescent [palestinien] se servant d’une fronde pour lancer un caillou en direction d’un char. Regardez, voilà un exemple manifeste d’héroïsme, mais c’est également un symbole de barbarie. Voilà un peuple qui n’a pas la capacité de se défendre en face d’une puissance coloniale impérialiste armée jusqu’aux dents. Il n’a pas une capacité égale de résistance, mais on romantise la chose. » (5)
Il en résulte que d’importantes sections de la gauche occidentale expriment leur solidarité avec la cause palestinienne d’une façon abstraite, généralisée, exagérant l’importance de leur propre rôle et rejetant en même temps les groupes mêmes qui luttent pour l’instant – et meurent – pour cette même cause.
Bien trop souvent, ceux qui ont refusé de céder et ont résisté opiniâtrement, en payant un prix énorme, sont condamnés par des gens qui, dans le même souffle, déclarent leur solidarité avec la cause.
De même, il est habituel, de la part de ces mêmes personnes, soit d’ignorer ou de diaboliser ces forces externes qui aident matériellement la résistance palestinienne davantage que toutes les autres – le cas le plus notoire est l’Iran.
Si cette assistance est reconnue, ce qui est rare, les organisations palestiniennes qui l’acceptent sont typiquement infantilisées comme de simples « dupes » ou « pions », s’ils se permettent d’être utilisés de façon cynique par les actes égoïstes d’autrui – un sentiment qui contredit directement les déclarations mêmes des dirigeants palestiniens.
Une critique spécifique fréquemment déployée à l’égard du Hamas, dans ce contexte, porte sur la nature « indiscriminée » de ses tirs de missiles à partir de Gaza, des actions qu’aussi bien Human Rights Watch qu’Amnesty International qualifient régulièrement de « crimes de guerre ».
Comme le font remarquer Perugini et Gordon, la fausse équivalence sur laquelle s’appuie cette désignation
« dit essentiellement qu’utiliser des missiles de fabrication artisanale – il n’y a pas grand-chose d’autre de disponible pour des gens qui vivent en état de siège permanent – est un crime de guerre. En d’autres termes, les organisations armées palestiniennes sont criminalisées pour leur infériorité technologique ». (6)
Après la dernière série de combats, en mai 2021, al-Sinwar faisait savoir clairement que, au contraire d’Israël,
« qui possède un arsenal d’armement complet, des équipements et une aviation de dernier cri » et « qui bombarde sciemment nos enfants et nos femmes », si le Hamas possédait « les capacités de lancer des missiles de précision qui cibleraient des objectifs militaires, nous n’utiliserions pas les roquettes que nous avons fabriquées. Nous sommes forcés de défendre notre peuple avec ce que nous avons, et voilà ce dont nous disposons ». (7)
Ce refus de soutien à la lutte armée légitime fait partie d’un problème plus large dans le cadrage utilisé par de nombreux partisans de la cause palestinienne en Occident et qui obscurcit sa nature fondamentale et la façon dont elle doit être résolue.
La Palestine n’est pas qu’une question de droits humains, ni même simplement une question d’apartheid, mais c’est plutôt un combat anticolonial pour la libération nationale mené par une résistance autochtone contre les forces d’une colonie de peuplement soutenue par l’impérialisme.
La décolonisation est un vocable fréquemment utilisé aujourd’hui en Occident dans un sens abstrait ou en relation avec les programmes universitaires, les institutions et l’art public, mais bien plus rarement en connexion avec ce qui importe le plus, en fait : la terre.
Et c’est là le nœud même du problème : La terre de Palestine doit être décolonisée, ses colonisateurs sionistes déposés, leurs structures et barrières racistes – tant physiques que politiques – démantelées et tous les réfugiés palestiniens doivent se voir accorder le droit au retour.
Il convient de remarquer que mettre l’accent sur l’importance de soutenir le droit des Palestiniens à mener la lutte armée en quête de leur liberté ne signifie pas que leurs partisans en Occident devraient sans arrêt appeler à la violence ou la fétichiser et la célébrer sans que cela soit nécessaire.
Cela ne veut pas dire non plus que les efforts non violents tel le Mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) sont sans conséquence ou sans importance. Il conviendrait plutôt de considérer BDS comme faisant partie intégrante d’un large spectre d’activités de résistance, dont la lutte armée est une composante à part entière.
Samah Idriss, membre fondateur de la Campagne en vue de boycotter les supporters d’Israël au Liban, a déclaré :
« Les deux formes de résistance, civile et armée, sont complémentaires et ne devraient pas être perçues comme mutuellement exclusives. » (8)
Ou, comme a insisté Khaled Barakat :
« Israël et ses alliés n’ont jamais accepté la moindre forme de résistance palestinienne, et les campagnes de boycott et les organisations populaires ne sont pas des alternatives à la résistance armée, mais des tactiques de lutte interdépendantes. » (9)
L’analyse de Nelson Mandela est pertinente, dans ce contexte, lorsqu’il écrivait :
« La résistance passive non violente est efficace tant que votre opposition adhère aux mêmes règles que les vôtres mais, si les protestations pacifiques sont traitées avec violence, son efficacité est terminée. » (10)
Pour Mandela,
« la non-violence n’était pas un principe moral, mais une stratégie », puisqu’« il n’y a pas de bonté morale à utiliser une arme inefficace ».
Clarifiant la raison sous-tendant la décision du Congrès national africaine (ANC) d’adopter la résistance armée, Mandela expliquait qu’il ne restait pas de voie alternative disponible :
« Encore et toujours, nous avons utilisé toutes les armes non violentes de notre arsenal – discours, députations, menaces, marches, grèves, maintien des distances, emprisonnement volontaire – aucune n’a servi car tout ce que nous faisions était traité avec une main de fer. »
Ce point de vue se reflète dans les propos d’al-Sinwar qui avait dit, en faisant allusion aux protestations de la Grande Marche du Retour en 2018-2019, au cours de laquelle les snipers israéliens avaient tué des centaines de manifestants gazaouis et en avaient blessé grièvement des milliers d’autres :
« Nous avons essayé la résistance pacifique et la résistance populaire » mais, plutôt que de faire cesser les massacres israéliens, « le monde était là à regarder alors que la machine de guerre de l’occupation tuait nos jeunes gens ». (11)
La référence de Mandela à l’efficience est cruciale. Malgré ce que bien des partisans occidentaux semblent vouloir impliquer, bien que son coût soit énorme, la résistance palestinienne à Gaza n’a rien de « futile » et elle a gagné énormément en efficience et en capacité dissuasive.
C’était déjà évident après l’incapacité d’Israël à gagner la guerre de 2014 contre Gaza et ç’a été souligné par le récent succès de la résistance en mai 2021, lorsqu’elle a lancé un nombre sans précédent de missiles qui, désormais, peuvent frapper très loin à l’intérieur de la Palestine historique.
En dépit de ses bombardements aériens dévastateurs sur Gaza, Israël a été incapable de faire cesser le lancement de ces missiles et, après les pertes qu’il a subies en 2014, il a trop peur désormais de lancer une autre invasion terrestre de l’enclave – d’autant que la résistance est aujourd’hui équipée de grands nombres de missiles Cornet précédemment utilisés avec des effets très meurtriers contre les chars israéliens au Sud-Liban.
Le cessez-le-feu déclaré le 21 mai avait été largement perçu en Israël comme une défaite et il avait été célébré comme une victoire par les Palestiniens dans toute la Palestine historique.
L’équilibre militaire a changé et, bien qu’Israël soit toujours grandement plus puissant, selon toutes les normes conventionnelles, la résistance est dans une position plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’a été depuis des années.
Elle a thésaurisé sur les succès du Hezbollah contre Israël en 2000 et en 2006 et avec le soutien, la formation et l’aide accrue de l’organisation libanaise et d’autres dans l’Axe de la résistance, elle a porté ses capacités à un niveau supérieur.
Ce changement se reflète dans le fait que, depuis 2014, les ventes d’armes d’Israël ont stagné et ses agressions contre Gazas ne débouchent plus sur une hausse immédiate du cours des actions de ses sociétés d’armement qui utilisent Gaza comme terrain et scène d’entraînement pour ses technologies les plus récentes.
Shir Hever a fait remarquer qu’après que les échecs d’Israël à Gaza, qui ont débuté en 2014, les clients de ses sociétés d’armement se sont mis à poser la question :
« Quel est vraiment le but de toute cette technologie ? Si on ne peut pacifier les Palestiniens avec ces missiles, pourquoi devrions-nous les acheter ? » (12)
Outre son impact pratique, la lutte armée a une importante valeur de propagande.
La réalité est que la Palestine n’aurait pas dominé les gros titres des infos mondiales en mai 2021 de la façon dont elle l’a fait s’il n’y avait eu la résistance armée à Gaza qui – contrairement à la focalisation singulière des médias occidentaux sur le Hamas – est composée d’un front uni de diverses factions, dont le Djihad islamique palestinien (DIP) et le Front populaire (marxiste-léniniste) pour la libération de la Palestine (FPLP).
Le FPLP est un exemple typique, à cet égard, car ce sont ses actions à la fin des années 1960 et au début des années – les plus connues étant des détournements d’avions (dont les passagers furent relâchés sans avoir subi de préjudice) – qui implantèrent pour la première fois la cause palestinienne dans la conscience de millions de gens et marquèrent un important tournant dans la conscientisation, au niveau mondial, autour du sort des Palestiniens.
En effet, l’écrivain palestinien et porte-parole du FPLP, Ghassan Kanafani, croyait que la lutte armée était
« la meilleure forme de propagande » et qu’en dépit du « gigantesque système de propagande des États-Unis », c’est via les gens qui combattent pour se libérer par la lutte armée « que les choses se décident, en fin de compte ». (13)
En 1970, en Jordanie, après que le régime soutenu par l’Occident avait utilisé son artillerie contre les camps de réfugiés palestiniens du pays, le FPLP – sous la direction du camarade (et recruteur) de Kanafani, Georges Habache – avait pris en otage un groupe de ressortissants des EU, de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne (les principaux partisans d’Israël) dans deux hôtels d’Amman. En échange de leur libération, sains et saufs, le FPLP demandait
« que cesse tout tir contre les camps et qu’il soit répondu à toutes les revendications du mouvement de résistance palestinien ».
Peu avant la libération finale des otages, Habache leur adressa ses excuses, en disant :
« Je sens qu’il est de mon devoir de vous expliquer pourquoi nous avons agi comme nous l’avons fait. Bien sûr, selon un mode libéral de pensée, je suis désolé de ce qui s’est passé et je suis désolé que nous vous ayons causé quelques ennuis au cours des deux ou trois derniers jours. Mais, si nous laissons cela de côté, j’espère que vous comprendrez, ou du moins essaierez de comprendre, pourquoi nous avons agi comme nous l’avons fait.
« Il vous sera peut-être difficile de comprendre notre point de vue. Les gens qui vivent dans des circonstances différentes pensent selon des lignes différentes. Ils ne peuvent penser de la même façon et nous, les Palestiniens, et les conditions sous lesquelles nous vivons depuis bon nombre d’années, toutes ces conditions ont modelé notre façon de penser. Nous n’y pouvons rien. Vous pouvez comprendre notre façon de penser. Nous, les Palestiniens (…), depuis ces 22 dernières années, vivons dans des camps et des tentes. Nous avons été chassés de notre pays, de nos maisons et de nos terres, chassés comme des moutons et laissés ici dans des camps de réfugiés, sous des conditions particulièrement inhumaines.
« Depuis 22 ans, notre peuple attend qu’on lui restitue ses droits, mais rien ne n’est produit (…) Après 22 années d’injustice, d’inhumanité, de vie dans des camps sans que personne ne se soucie de nous, nous sentons que nous avons le plein droit de protéger notre révolution. Nous avons le droit entier de protéger notre révolution…
« Nous ne nous éveillons pas le matin pour prendre une tasse de lait avec du Nescafé et ensuite passer une demi-heure devant le miroir en pensant à prendre un avion pour la Suisse ou à passer un mois dans ce pays ou un mois dans celui-là (…) Nous vivons dans des camps, jour après jour (…) Nous ne pouvons être aussi calmes que vous. Nous ne pouvons penser de la même façon que vous. Nous ne vivons pas dans ces conditions depuis une journée, ni depuis deux jours, ni depuis trois jours. Ni depuis une semaine, ni depuis deux semaines, ni depuis trois semaines. Ni depuis un an, ni depuis deux ans, mais depuis vingt-deux ans. Si l’un ou l’autre d’entre vous vient dans ces camps et y reste pour une ou deux semaines, il en sera affecté.
« Vous devez excuser mon anglais. D’un point de vue personnel, permettez-moi de le dire, je vous présente mes excuses. Je suis désolé pour vos ennuis durant ces trois ou quatre jours. Mais, d’un point de vue révolutionnaire, nous avons le sentiment, nous continuerons d’avoir le sentiment d’avoir on ne peut plus pleinement le droit de faire ce que nous avons fait. »
Il conviendrait d’écouter attentivement les propos de Georges Habache. L’urgence que souligne son message est même plus palpable encore un demi-siècle plus tard, car les Palestiniens – en refusant systématiquement d’être des victimes passives – vivent dans les conditions misérables décrites par Habache, non plus depuis 22 ans, mais depuis 73 longues années.
Comme l’a fait remarquer un jour Mao Zedong,
« la révolution n’est point un dîner de gala, ce n’est pas comme si on écrivait un essai, peignait un tableau ou faisait de la broderie. Elle ne peut s’accomplir avec autant de raffinement, de tranquillité et de douceur. »
La même chose est vraie de la décolonisation, dans laquelle, en dépit des facettes multiples des luttes passées, une résistance armée d’un genre ou d’un autre était presque invariablement une composante intégrale de la lutte. La Palestine n’est pas une exception.
Au-delà du soutien à BDS et à d’autres campagnes civiles, le droit incontestable des Palestiniens à poursuivre la lutte armée doit être soutenu par ceux qui choisissent d’être solidaires avec eux et leur cause légitime.
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Notes
1-Richard Falk, « International Law and the al-Aqsa Intifada » (La législation internationale et l’Intifada al-Aqsa), MERIP, hiver 2000.
2-Ali Abunimah, « It’s time to change liberal discourse about Hamas » (Il est temps de modifier le discours libéral sur le Hamas), The Electronic Intifada, 2021.
3-Bikrum Gill (@bikrumsinghghill), Twitter/X, 20 mai 2021.
4-Yahya al-Sinwar, interview pour Vice News, mai 2021.
5-Jones Manoel, « Western Marxism loves Purity and Martyrdom, But Not Real Revolution » (Le marxisme occidental aime la pureté et le martyre, mais pas la vraie révolution), Black Agenda Report, 2020.
6-Nicola Perugini et Neve Gordon, « How Amnesty International Criminalises Palestinians for Their Inferior Weapons » (Comment AI criminalise les Palestiniens en raison de l’infériorité de leurs armes), Counterpunch, 2015.
7-Yahya al-Sinwar, interview pour Vice News, mai 2021.
8-Tel que cité dans Khaled Barakat, « Uphold Palestinian struggle in all its forms » (Maintenez la lutte palestinienne sous toutes ses formes), The Electronic Intifada, 2020. Vidéo en français : ici.
9-Khaled Barakat, « Uphold Palestinian struggle in all its forms » (Soutenir la lutte palestinienne sous toutes ses formes), The Electronic Intifada, 2020.
10-Cette citation et celles qui suivent de Mandela sont toutes extraites de son autobiographie de 1994, Le long chemin vers la liberté.
11-Yahya al-Sinwar, interview pour Vice News, mai 2021.
12-« Who Rules Israel – Shir Hever Part 2 » (Qui dirige Israël – Shir Hever 2e partie), theAnalysis-News (YouTube), 3 juin 2021.
13-Tel que cité dans le film de 1971, Armée rouge / FPLP – Déclaration de guerre mondiale, dirigé par Masao Adachi & Kôji Wakamatsu.
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Louis Allday est un écrivain et historien qui vit à Londres. Il est l’éditeur fondateur de Liberated Texts.
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Publié le 22 juin 2024 sur Ebb Magazine
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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(*) Table des matières de la revue Ebb « For Palestine », janvier 2024
-Editorial : Dedicated to the martyrs of Gaza, all victims of Zionist-imperialist barbarism, and the memory of those killed in the fight against it
-Misreading Palestine.Max Ajl
-An interview with Abdaljawad Omar on Oktober 7 th and the Palestinian Resistance.
-Al-Aqsa Flood, Imperialism, Zionism and Reactionisme int he 21 th Century. Hassan Harb.
-Oktober 7 th : The permanent Death of the Oslo-Accords. Ammed Faleh.
-Two logics of War : Liberation against Genocide. Bikrum Gill.
-Israel’s War on Palestinian Culture. Mahmoud Darwish.
-‘Sides Not Solutions’ : Zionist Propaganda in UK schools. Alex Turrall.
-An interview with Amal Saad on Hizbullah and the Nothern Front.
-The Palestinian’s inalienable Right to Exist. Louis All day.
-Morality and the Palestinian Revolution. Georges Habbach.
-Direct Action and the Global Fight Against Israel’s Arm Industry. Liam Doherty.
-What I Have to Do. Dáithí Bowen.
-‘A Bond of the Same Nature’ : Cartographies of Affiliation in the Global South. Suleiman Hodali.
-The Cause of Anti-Colonialism and Liberation is One : Fayez Sayegh’s Zionist Colonialism in Palestine. Louis Allday.
-Good night, Gaza. Heba Abu Nada.
-Anti-Zionism as Decolonisation. Leila Shumali & Lara Kilani