A l’instar de Willem-Alexander, le nouveau roi des Pays-Bas, le roi Philippe Ier aura bientôt l’occasion d’avoir un endroit à son nom en Israël. Là où naguère des paysans palestiniens cultivaient les champs, doit venir un bois qui lui sera dédié.
Lucas Catherine repense aux habitants originaux du Néguev.
Avant même d’être installé sur le trône, le roi Philippe reçoit déjà un bois en Israël. Son frère Laurent va être jaloux, lui qui a dû se contenter d’un seul petit arbre. La chose ne figurait pas encore dans les journaux, mais bien sur le site internet du Forum des organisations juives, le 11 juillet 2013.
« Après les déplorables commentaires et les critiques très acerbes à l’égard du prince Laurent du fait qu’il avait planté un arbre en Israël, le Forum désire réagir au moyen d’une action positive. Les tentatives de certains de présenter sous un mauvais jour aussi bien Israël que le Fonds national juif (FNJ) se sont d’ailleurs caractérisées par une motivation négative nettement prononcée. Même les importantes préoccupations environnementales n’ont plus joué le moindre rôle significatif. C’est pourquoi le Forum entend y opposer la sympathie des citoyens belges via la plantation d’un nouveau bois en Israël (…) ».
Belgica
« Au début on avait pensé appeler le nouveau bois « Belgica » mais, entre-temps, nous est parvenu la suggestion de lui donner le nom du nouveau roi. Le Forum accueillera toutefois toute autre suggestion que vous nous transmettrez. Nous comptons sur votre collaboration pour assurer le succès à ce projet. Un bois consiste en au moins 1.000 arbres, nous espérons que vous nous montrerez généreux au point de rendre ce bois aussi grand que possible. Répondez-nous avant le 21 juillet. »
Et où ce bois doit-il être installé ?
« Joods Actueel » (15 juillet) suggère d’aménager le bois dans les environs dur réservoir Willem-Alexander, dans le Néguev, réservoir qui y a été installé cette année par le Fonds national juif à l’occasion du couronnement du nouveau souverain néerlandais Willem-Alexander. Ce projet se situe dans le Néguev, près de Mitspe Ramon, un village de quelques 4.000 habitants.
Mitse Ramon a été fondé en 1954 dans le Néguev, sur des terres qui appartenaient aux Bédouins palestiniens d’Azazmehstam. A l’époque, l’endroit s’appelait encore Tel Ruman. Il est situé sur le Wadi Ramun (aujourd’hui Makhtesh Ramon), un cours d’eau saisonnier (il n’y a de l’eau qu’au moment des périodes de pluie) qui amène l’eau des précipitations du Tel (la montagne) vers Ain Wehbeh (hébraïsé aujourd’hui sous le nom de Ain Yahav), dans la vallée du Jourdain. Wadi Ramon est une curiosité géologique à l’origine un plissement constitué par la rencontre de deux plaques tectoniques qui a ensuite été érodée par l’eau et a ainsi formé le « Wadi » (étang, bassin d’eau, réservoir).
Il se situera donc dans le Néguev et s’il y a bien une région de Palestine qui parle à l’imaginaire européenne, c’est bien cette région désertique. Sa superficie couvre environ la moitié de la superficie totale de la Palestine. La région évoque l’image d’un des endroits les plus arides du monde mais, en fait, ce n’est pas le cas, car la partie du Néguev autour d‘Ashdod et de Beersheba est plutôt une savane, et non un désert.
Les paysans palestiniens...
Les Bédouins palestiniens se livraient à l’agriculture à grande échelle ou, comme le décrivait le « Survey of Palestine » (par les Britanniques en 1946) : « Cette zone comprend environ 1.640.000 dunums (1 dunum = 0,1 ha), soit 1640 km carrés de terre cultivable et chaque dunum qui peut être ensemencé de façon rentable est donc cultivé par les Bédouins. Ce sont des agriculteurs tenaces, très conscients des possibilités offertes par l’amélioration des méthodes agricoles. Ces dernières années, on a beaucoup utilisé des équipes avec des tracteurs et la superficie arborée d’arbres fruitiers augmente chaque année. »
Un peu plus d’un million de dunums sont encore cultivés dans le reste du Néguev. La superficie cultivée totale s’élevait à 4 millions de dunums. Soit un tiers du Néguev. Sur place vivaient sept grandes tribus de Bédouins, dont les Arab Al Azazmeh, qui avaient en propriété les terres du Néguev central (et donc Tel Ruman aussi). En 1935, ces Bédouins du Néguev cultivaient presque tout le seigle et une grande partie des céréales produits à l’époque par la Palestine.
Quand le Fonds national juif, qui cherchait toujours des terres fertiles, demanda en 1930, au colonisateur britannique d’acheter 100.000 dunums dans le Néguev, il lui fut répondu qu’il n’y avait plus de terres cultivables disponibles et qu’il devait dont s’adresser aux propriétaires, les Bédouins. En 1945, d’après les statistiques britanniques, la propriété de terres par les Juifs ne représentait par conséquent qu’un petit 0,52 % du Néguev. En tout, il n’y vivait guère que 150 colons juifs.
… sont chassés de leurs terres
Les Bédouins palestiniens pratiquaient également l’irrigation. Pour ce faire, ils recouraient aux techniques qu’ils avaient apprises de leurs ancêtres, les Nabatéens. Ceux-ci sont connus pour leur grande ville taillée dans la roche, Pétra (aujourd’hui en Jordanie), mais ils vivaient aussi dans le Néguev. C’étaient des Arabes du Nord et ils avaient inventé l’écriture arabe. Leur système consistait à cloisonner les « wadis » par des barrages afin de pouvoir de la sorte utiliser l’eau de pluie toute l’année. On trouve d’ailleurs toujours aujourd’hui encore, ce genre de barrages dans le Néguev (on en voit un exemple sur la photo en tête de l’article).
Après l’indépendance israélienne, la plupart des Bédouins ont été chassés. Beersheba a été hébraïsée en Beersheva, et la plupart des Bédouins chassés vers la Jordanie. En 1960, officiellement, 15.934 Palestiniens seulement vivaient encore dans le Néguev. A la fin des années 1950, 90 % du Néguev a été exproprié des Bédouins palestiniens et tous ceux qui sont restés ont été concentrés dans la région située à l’est de Beerseba, dans une sorte de réserve. Aujourd’hui, ils sont à nouveau 60.000. Ils vivent pour la plupart dans des villages « illégaux », sans eau, sans électricité et sans écoles.
Publié sur De Wereld Morgen le 16 juillet 2013.
Traduction : Jean-Marie Flémal.
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