Cisjordanie : Israël assassine des enfants et détruit des infrastructures

Selon un avertissement daté du 4 juin et émanant du commissaire de l’ONU pour les droits humains, le « bain de sang sans précédent » qui frappe la Cisjordanie occupée doit cesser et non plus rester ignoré, comme cela a été le cas jusqu’à présent.

 

Mercredi 12 juin 2024, à Kafr Dan, un village situé à proximité de Jénine, en Cisjordanie, une foule en deuil porte le corps de Saqr Abed, un militant du Djihad islamique tué dans un raid de l'armée israélienne.

Mercredi 12 juin 2024, à Kafr Dan, un village situé à proximité de Jénine, en Cisjordanie, une foule en deuil porte le corps de Saqr Abed, un militant du Djihad islamique tué dans un raid de l’armée israélienne. (Photo : Mohammed Nasser / APA images)

 

Tamara Nassar, 16 juin 2024

L’armée israélienne qui, régulièrement, opère en collaboration avec la Police israélienne des frontières et la police secrète israélienne du Shin Bet, n’a cessé de lancer des raids meurtriers en Cisjordanie occupée, semant par la même occasion la dévastation dans les biens privés et les infrastructures civiles des Palestiniens.

En début de semaine, l’un de ces raids effectués dans le village de Kafr Dan, à l’ouest de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, a tué six Palestiniens.

Les forces israéliennes ont utilisé des grenades antichar Energa contre une maison appartenant à la famille Abed, tuant trois personnes : Saqr Aref Abed, Mustafa Allam Mirie et Ahmad Muhammad Abu Obeid.

Parmi les autres tués lors de cette attaque israélienne et des affrontements dans le village, figurent Ayman Abu Fadalah, Muhammad Hazza Mirie et Ahmad Muhammad Samoudi, 17 ans.

Le 11 juin, Ahmad était en compagnie d’un autre adolescent et tous deux, suppose-t-on, transportaient des engins explosifs artisanaux en attendant le passage de véhicules blindés israéliens dans une rue du centre de Kafr Dan.

Un sniper israélien a tiré six balles vers les deux adolescents à une distance de 100 à 150 mètres, a fait savoir Defense for Children International – Palestine (DCI-P).

Une balle a touché Ahmad à la jambe et il s’est effondré tout en se mettant à crier à l’aide. L’autre adolescent est parvenu à s’enfuir malgré une blessure à la cuisse.

Le sniper israélien a de nouveau tiré sur Ahmad, le touchant cette fois à la poitrine et à la tête.

Un véhicule de l’armée israélienne s’est alors approché d’Ahmad et le conducteur israélien en est descendu pour tirer trois balles de plus sur l’adolescent.

Le conducteur du véhicule militaire est resté près d’Ahmad pendant quelques minutes au cours desquelles les forces israéliennes ont empêché une ambulance palestinienne d’approcher de l’adolescent gisant au sol.

« Les forces israéliennes ont abattu Ahmad, ont attendu qu’il s’écroule, puis lui ont encore tiré dessus à plusieurs reprises et ont ensuite empêché les paramédicaux de l’atteindre alors qu’ils savaient bien qu’il se vidait de tout son sang »,

a déclaré Ayed Abu Eqtaish, directeur du programme de responsabilisation de DCI-P.

« Les États-Unis doivent cesser d’envoyer des armes à l’armée israélienne, lesquelles sont utilisées pour tuer des enfants palestiniens sans restriction, que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie. »

Ahmad est le frère aîné d’un garçon de 12 ans qui avait déjà été abattu, avant de succomber à ses blessures, lors d’un raid israélien à Jénine, en septembre 2022.

Mahmoud Muhammad Samoudi avait prétendument jeté des pierres vers des véhicules israéliens quand les forces israéliennes avaient ouvert le feu sur le groupe d’enfants dont il faisait partie.

En un autre endroit, le 10 juin, les forces d’occupation israéliennes ont effectué un raid dans le village de Kafr Nimeh, à l’ouest de Ramallah, et ont tué quatre Palestiniens et en ont blessé plusieurs autres.

Les véhicules blindés israéliens ont envahi le village de Kafr Nimeh, ont fait irruption dans des maisons et des magasins, ont confisqué des caméras de surveillance et installé un checkpoint à l’entrée du village.

Les autorités israéliennes ont poursuivi deux Palestiniens soupçonnés d’avoir bouté le feu à un véhicule et à sa remorque au « poste avancé » de la colonie de Sde Ephraïm, en Cisjordanie occupée, le soir du 9 juin.

L’avant-poste de Sde Ephraïm a été installé au sommet d’une colline faisant partie du village tout proche de Ras Karkar.

Alors que toutes les colonies israéliennes en Cisjordanie occupée sont illégales aux yeux des lois internationales et qu’en construire constitue un crime de guerre, ce qu’Israël désigne par « poste avancé » est souvent établi sans même l’autorisation d’Israël et est de ce fait considéré comme illégal selon les lois israéliennes aussi.

Les hommes tués ont été identifiés sous les noms de Muhammad Raslan Abdo, Muhammad Jaber Abdo et Rashdi Samih Ataya, selon le département des affaires civiles de l’Autorité palestinienne, qui n’a pas donné le nom du quatrième Palestinien abattu.

Les sources d’information locales ont dit qu’il s’agissait de Wasim Bisam Zidan.

Avant cela, les forces israéliennes avaient arrêté et emprisonné pendant deux décennies Muhammad Jaber Abdo, et il avait été libéré en 2022. Il était membre de l’aile armée du Hamas opérant en Cisjordanie occupée.

Les forces israéliennes ont prétendu avoir trouvé une mitraillette de fabrication artisanale et d’autres armes, dans son véhicule.

Les forces israéliennes ont ensuite barré l’accès aux blessés des paramédicaux de la Société du Croissant-Rouge de Palestine, retardant l’évacuation de deux heures au moins.

Quand une ambulance a essayé de passer, les forces israéliennes lui ont tiré dessus à balles réelles, lui crevant ses pneus.

Les forces israéliennes ont également ouvert le feu sur des Palestiniens rassemblés dans la zone, blessant ainsi huit personnes à balles réelles,

Cette fois, Israël retient les corps des quatre Palestiniens que ses forces ont abattus à Kafr Nimeh, a déclaré l’organisation de surveillance de l’ONU, l’OCHA. Israël retient les restes des Palestiniens tués au cours de ce qu’il prétend avoir été des agressions, et ce, afin de pouvoir les utiliser comme monnaie d’échange lors de négociations.

À Ramallah et à al-Bireh, une grève étendue à tout le gouvernorat a éclaté le lendemain 11 juin, en guise de deuil, rapporte-t-on.

 

Semer la dévastation dans un camp de réfugiés

Dans la soirée du 9 juin, les forces israéliennes ont envahi le camp de réfugiés d’al-Faraa dans les contreforts de la vallée du Jourdain, en Palestine occupée. Des bulldozers les accompagnaient. À l’aube, les forces israéliennes se sont retirées brièvement avant de repasser à l’attaque de plus belle, cette fois avec d’importants renforts.

Les forces israéliennes ont également envahi plusieurs autres quartiers de la ville proche de Tubas, avant de se retirer définitivement dans l’après-midi du 10 juin, à l’issue d’une opération de 16 heures, qui a vu les Palestiniens armés défendre le camp contre les envahisseurs israéliens.

Des soldats ont fait irruption dans des maisons du camp de réfugiés et les ont utilisées comme planques pour leurs snipers et comme postes d’observation. Des bulldozers ont partiellement détruit des maisons.

Une jeune Palestinien de 16 ans, Mahmoud Ibrahim Nabrisi, circulait dans une allée menant à la place principale du camp de réfugiés quand il a vu des soldats israéliens stationnés dans un centre communautaire pour les personnes handicapées du camp, a révélé une enquête de terrain du DCI-P.

Mahmoud a tenté de prévenir les gens du quartier de la présence des forces israéliennes. C’est à ce moment qu’un sniper israélien dissimulé derrière un petit trou dans le mur d’un bâtiment et que le soldat avait percé afin de pouvoir observer et tirer, a fait feu sur Mahmoud à une distance de 120 à 150 mètres. Trois balles ont touché Mahmoud, l’une près de l’œil, une autre derrière l’oreille et la troisième dans la jambe.

Des jeunes Palestiniens ont transporté Mahmoud vers une ambulance, qui l’a emmené dans un hôpital tout proche, où on l’a déclaré mort.

Comme ça a souvent été le cas avec les raids de l’armée israélienne en Cisjordanie occupée, lesquels comprennent des attaques particulièrement destructrices contre les infrastructures, les bulldozers israéliens ont endommagé l’égouttage et les réseaux d’électricité et d’eau au cours de leur invasion du camp de réfugiés d’al-Faraa. Les forces israéliennes ont également détruit à l’aide de leurs bulldozers la place principale et la grand-rue du camp de réfugiés.

 

Destructions dans le camp de réfugiés d'al-Faraa en Cisjordanie

 

Les forces israéliennes ont également encerclé le camp, empêchant les résidents palestiniens d’entrer ou de sortir.

Les soldats ont incendié trois maisons, en ont partiellement détruit deux autres et ont incendié quatre véhicules et détruit un cinquième, lors de leur invasion du camp.

Les médias locaux ont diffusé des photos d’une maison du camp après qu’elle avait été bombardée par l’armée israélienne, ainsi que de véhicules endommagés ou détruits.

 

Destruction d'une maison dans le camp de réfugiés d'Al Fara en Cisjordanie

 

La destruction généralisée par l’armée israélienne des infrastructures civiles et publiques donne à croire aux habitants que l’armée israélienne se venge sur le camp en le détruisant, a rapporté l’agence d’information Wafa.

L’armée israélienne a effectué quatre raids d’envergure contre le camp de réfugiés d’al-Faraa depuis le 7 octobre, tuant 17 Palestiniens, a encore dit l’agence d’information.

 

Un « bain de sang sans précédent »

En début de mois, le haut-commissaire de l’ONU pour les droits humains, Volker Türk, a déclaré que les Palestiniens de Cisjordanie occupée étaient « soumis jour après jour à un bain de sang sans précédent ».

Plus de 520 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre, dont au moins 504 par les forces israéliennes, estime l’OCHA.

Les colons israéliens ont tué au moins 10 Palestiniens, et sept autres ont été tués soit par l’armée israélienne, soit par des tirs de colons.

Parmi tous les morts de Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre, 132 étaient des enfants.

Les soldats et les colons israéliens ont blessé plus de 5 200 Palestiniens en Cisjordanie depuis le 7 octobre, dont au moins 800 enfants. Un tiers de tous les blessés l’ont été par balle réelle.

Les forces israéliennes et les colons ont tué 51 enfants palestiniens depuis le début de l’année, dont deux citoyens américains, selon DCI-P.

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Publié le 16 juin 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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