Une vidéo montre le tir israélien qui a tué Muhammad Abou Sara, un garçon de 11 ans

La photo de la caméra de sécurité publiée ce mardi montre que, le 28 juillet, les forces israéliennes d’occupation ont tiré sur la voiture d’une famille palestinienne sans la moindre justification concevable, tuant ainsi Muhammad Abou Sara, un garçon de 11 ans. Le garçon se trouvait dans la voiture avec son père, Muayyad Abou Sara, qui conduisait, et deux autres de ses enfants. Ils étaient allés faire des courses et retournaient chez eux, dans la ville de Beit Ummar, près de Hébron, en Cisjordanie occupée.

Ali Abunimah, 3 août 2021

 

Le lendemain de la fusillade, un témoin oculaire a raconté dans Local Call, une publication israélienne en hébreu, qu’Abou Sara rentrait chez lui après avoir été dans le centre-ville. Au moment où sa voiture approchait de la petite route menant à son domicile, un groupe de soldats étaient présents dans la rue. Selon le même témoin, la voiture s’est arrêtée et a entamé un demi-tour. Les soldats se sont mis à poursuivre la voiture et ont commencé à tirer sans raison.

Quand la fusillade a cessé, a raconté Abou Sara aux médias, il a découvert Muhammad écroulé sans conscience sur le giron de sa sœur cadette. Le père du garçon s’est rendu au Croissant-Rouge à Beit Ummar. L’enfant a été emmené à l’hôpital de Hébron avec une blessure par balle dans la poitrine. Les médecins l’ont opéré, mais il est décédé dans l’unité de soins intensifs quelques heures plus tard, rapporte Defense for Children International Palestine (DCI-P).

Aucune justification

Des clips vidéo publiés par l’organisation israélienne des droits humains, B’Tselem, corroborent les dires du témoin oculaire. On peut les voir en haut du présent article.

L’un montre un véhicule blanc approchant l’entrée de l’étroite rue étroite. La voiture s’arrête assez loin encore d’une ligne d’une demi-douzaine de soldats qui se trouvent dans la rue et elle entame une manœuvre de demi-tour. La voiture est à plusieurs dizaines de mètres des soldats et ne constitue donc aucune menace pour eux ni pour qui que ce soit. Au moment où elle fait demi-tour, les soldats se mettent à remonter la rue en courant à la poursuite du véhicule.

Le deuxième clip, filmé selon un autre angle, ne montre pas très clairement la scène du fait que la vue est masquée par des arbres, mais il en reproduit les sons. Il y a une première série de détonations, suivie d’une pause de quelques secondes, puis d’une deuxième série. The Electronic Intifada a compté au moins une douzaine de détonations. Local Call parle de 14 coups de feu.

Des excuses à tout le moins ahurissantes

Immédiatement après la fusillade, l’armée israélienne a concocté toute une histoire sur la façon dont les soldats avaient vu un peu plus tôt des Palestiniens engagés dans des activités suspectes dans le cimetière de la ville, tout proche, et ils avaient cru que la voiture de la famille Abou Sara transportait les personnes qu’ils avaient vues dans le cimetière. En fait, les gens dans le cimetière venaient d’enterrer une toute petite fille, Leen, dans la section du cimetière réservée aux enfants.

Selon le maire de Beit Ummar et le père de l’enfant, Ali Anwar Zaaqiq, les soldats de l’occupation ont ouvert la tombe, ont extrait le corps de la fillette de son cercueil et l’ont ensuite jeté sur le sol. Ces personnes n’avaient absolument rien fait pour éveiller les soupçons et déclencher cette horrible violence des soldats de l’occupation, et la famille Abou Sara elle non plus n’avait rien fait de suspect.

Commentant les vidéos qu’elle a publiées, B’Tselem a affirmé que « rien ne justifiait » la fusillade.

« L’explication proposée par l’armée, disant que les soldats ont tiré après avoir soupçonné que les passagers venaient d’enterrer un bébé mort est tout bonnement ahurissante »,

a ajouté B’Tselem.

« Soupçonné de quoi exactement ? Les Palestiniens ne sont -ils pas censés enterrer leurs morts ? »

Impunité et complicité

Muhammad Abou Sara était le 11e enfant à être tué cette année par les forces israéliennes d’occupation en Cisjordanie, rapporte DCI-P.

« Les forces israéliennes ont l’habitude de tuer illégalement des enfants palestiniens en tout impunité, en recourant volontairement à une violence meurtrière dans des situations où les enfants ne constituent aucune menace »,

a déclaré Ayed Abou Eqtaish, le directeur du programme de responsabilisation au sein de l’organisation.

« Cette impunité systémique permet aux forces israéliennes de continuer de tuer des enfants palestiniens sans restriction. » 

Un exemple frappant de cette impunité nous est venu du bureau de l’Union européenne à Ramallah, qui faisait remarquer dans un tweet daté du 29 juillet que Muhammad Abou Sara avait été tué « par un coup de feu des FSI ».

Le terme « FSI » – c’est-à-dire « forces sécuritaires israéliennes » – est une appellation absolument erronée et un euphémisme pour désigner les forces de l’occupation qui génèrent tout ce qu’on veut sauf la « sécurité ». Leur boulot consiste plutôt à terroriser et à réprimer les Palestiniens dans le même temps que la colonisation de peuplement systématique de la Cisjordanie par Israël en Cisjordanie se poursuit sans être le moins du monde interrompue par les bêlements occasionnels d’« inquiétude » émanant des responsables de l’ONU ou de l’UE.

« Nous rappelons que les enfants jouissent d’une protection spéciale, sous les lois humanitaires internationales, et nous déplorons profondément ce qui constitue un recours excessif à la violence meurtrière »,

a déclaré l’UE. Et d’ajouter qu’il fallait mettre sur pied des « investigations rapides, transparentes et complètes sur les circonstances » du meurtre de Muhammad Abou Sara, de même que l’homicide volontaire commis par les forces israéliennes sur la personne de Shadi Omar Lutfi Salim, l’ingénieur hydraulicien du village de Beita, près de Naplouse.

L’Union européenne sait parfaitement que les enquêtes lancées par Israël même ne sont rien d’autre que des opérations de blanchiment et que les Palestiniens n’ont aucune possibilité de demander justice. C’est en raison du soutien militaire, commercial et politique inconditionnel de l’UE et de ses États membres qu’Israël sait qu’il peut tuer des enfants palestiniens sans jamais devoir se soucier d’en payer un jour le prix.


Publié le 3 août 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Ali Abunimah

Ali Abunimah

 

 

Ali Abunimah, cofondateur de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country: A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impass

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