Un nouveau film donne un aperçu déchirant de la nuit sans fin de Gaza
Le film The Night Won’t End (La nuit ne finira pas) examine le génocide via le regard de quatre familles palestiniennes de Gaza, suite aux massacres perpétrés contre elles par Israël.
Asa Winstanley, 21 juin 2024
La direction d’Amnesty International affirme que la violence sans précédent d’Israël à Gaza a prouvé que les lois internationales étaient « franchement inutiles ».
« Nous sommes vraiment plus proches de l’abîme que nous ne l’avons jamais été »,
a déclaré à Al Jazeera Agnès Callamard, la secrétaire général d’Amnesty.
Les commentaires de Callamard sont repris dans un nouveau film intitulé The Night Won’t End (La nuit ne finira pas), un examen sans compromis des crimes de guerre israéliens au cours du génocide à Gaza.
Ce nouveau documentaire fait partie de la série Fault Lines (Lignes de fracture) de la chaîne qatari.
Le film examine le génocide via le regard de quatre familles palestiniennes de Gaza, suite aux massacres perpétrés contre elles par Israël. La vidéo ci-dessus présente le film dans son intégralité.
L’une des familles est celle de Hind Rajab, la petite Palestinienne de 6 ans assassinée par les troupes israéliennes en janvier alors qu’elle téléphonait à la Société du Croissant-Rouge de Palestine (SCRP) en réclamant désespérément de l’aide.
Piégée dans une voiture, entourée des corps ensanglantés de ses proches, Hind avait été la seule survivante d’un massacre israélien. La famille fuyait sa maison à Gaza même.
Vidéo : Film « La nuit ne finira pas »
Le film comprend un enregistrement poignant de cet appel téléphonique ainsi que des interviews de la mère de Hind et des travailleurs du Croissant-Rouge, au moment où il passe en détail les vains efforts en vue de sauver la fillette alors qu’elle est coincée dans le fond de la voiture.
Après une coordination minutieuse avec les autorités d’occupation israéliennes, des paramédicaux avaient été envoyés sur place afin d’évacuer la petite survivante. Bien qu’ils eussent suivi exactement la route dictée par l’armée israélienne, les deux paramédicaux avaient été tués sur-le-champ par les soldats israéliens dès leur arrivée sur les lieux.
Les corps de Yousif Zeino et d’Ahmad al-Madhoun n’avaient été retrouvés que quinze jours plus tard, en même temps que les corps de Hind et de ses six proches.
La mère de Hind, Wissam Hamada, dit dans le film qu’avant tout, elle n’avait jamais eu la moindre foi dans les lois internationales.
« Je n’ai jamais eu le sentiment que les lois internationales ou les organisations internationales faisaient quoi que ce soit pour Gaza »,
dit Hamada.
« C’est juste de l’encre sur du papier. Elles ne protègent pas les paramédicaux, les journalistes, les enfants ou les civils. Hind, Layan, mon oncle, sa femme et leurs enfants ont été exécutés de sang froid. »
L’assassinat de Hind avait soulevé de l’indignation dans le monde entier.
En avril, des étudiants activistes de l’Université Columbia, à New York, avaient rebaptisé le bâtiment qu’ils occupaient sur le campus « Salle Hind ». Plus tard, le chanteur de hip-hop Macklemore avait sorti une chanson au nom de la fillette.
S’adressant à Al Jazeera, Nisreen Qawas, depuis le quartier général de la SCRP (Croissant rouge palestinien) à Ramallah, revit elle aussi le traumatisme de cette journée.
« Qu’est-ce qui rend la chose plus difficile pour moi ? Est-ce uniquement Hind ? »
demande-t-elle.
« N’y a-t-il pas un autre millier d’histoires de Hind ? Lesquelles n’ont même pas été mentionnées ni diffusées à la TV, aux infos ? »
« Ils ont ouvert la porte de l’enfer »
La guerre génocidaire d’Israël contre la population de la bande de Gaza a jusqu’à présent tué 37 000 personnes depuis le 7 octobre 2023 – un nombre que l’on perçoit comme une nette sous-estimation, en raison du grand nombre de corps qui sont restés coincés sous les décombres.
D’après le film, fin 2023,
« un plus grand nombre de journalistes et de travailleurs humanitaires avaient été tués à Gaza que dans aucun autre conflit ces toutes dernières décennies ».
Auparavant, Callamard, d’Amnesty, avait déjà émis des mises en garde similaires quant à la situation difficile des lois internationales.
En avril, elle avait déclaré à Democracy Now ! Que « le système international était au bord de l’effondrement », en raison du refus par les EU eu autres de réclamer des comptes à Israël pour ses crimes.
Dans The Night Won’t End, le journaliste d’Al Jazeera Sharif Abdel Kouddous dit aussi que l’offensive israélienne contre Gaza « a mis sens dessus dessous le système des lois internationales », mis en place depuis 1945.
« Les règles censées nous contraindre à empêcher le pire (…) ces règles ne sont désormais plus applicables »,
déclare Callamard, d’Amnesty.
« Tout ce que nous avons créé après la Seconde Guerre mondiale : tout va être récrit. Et faites-moi confiance, il n’y a pas que les États-Unis et leurs alliés qui vont le faire. Ils ont ouvert la porte de l’enfer. »
Le productrice exécutive et coréalisatrice du film, Laila al-Arian, prendra la parole au cours de l’émission en direct de The Electronic Intifada mercredi prochain.
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Asa Winstanley est un journaliste freelance installé à Londres et qui a vécu en Palestine occupée, où il a réalisé des reportages. Son premier ouvrage : Corporate Complicity in Israel’s Occupation (La complicité des sociétés dans l’occupation israélienne) a été publié chez Pluto Press. Sa rubrique Palestine is Still the Issue (La Palestine constitue toujours la question) est publiée chaque mois. Son site Internet est le suivant : www.winstanleys.org
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Publié le 21 juin 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine