À Gaza, Israël se livre à des « crimes horribles » sur les civils affamés

L’armée israélienne se livre à des « crimes horribles » sur les civils affamés de Gaza, a affirmé samedi une organisation de défense des droits humains.

7 décembre 2023. Des Palestiniens secourent des blessés lors d’une frappe aérienne meurtrière des Israéliens à Khan Younis, dans le sud de Gaza.

7 décembre 2023. Des Palestiniens secourent des blessés lors d’une frappe aérienne meurtrière des Israéliens à Khan Younis, dans le sud de Gaza. (Photo : Mohammed Zaanoun / ActiveStills)

 

Maureen Clare Murphy, 11 décembre 2023

L’Observateur/Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (REMDH) a réclamé une « enquête internationale urgente » sur les exécutions sur le terrain, les tortures et les menaces de viol de Palestiniens auxquelles se livrent les forces terrestres israéliennes à Gaza.

Des Palestiniens arrêtés à leur domicile et relâchés par la suite ont expliqué à l’organisation installée à Genève qu’ils avaient été déshabillés complètement et ensuite attaqués « à l’aide de mitrailleuses, de câbles électriques et d’eau froide ».

Un adolescent de 16 ans a raconté au REMDH que les forces israéliennes avaient fait irruption dans sa maison familiale à Shujaiya, près de Gaza, après que sa famille avait été assiégée pensant une semaine, sans nourriture et sans eau.

« Il a déclaré que, ces quelques derniers jours, les forces israéliennes avaient abattu toutes les personnes de son quartier qui tentaient de quitter leur logement, y compris son frère »,

a expliqué l’organisation de défense des droits.

Les membres de la famille du garçon ont été

« rassemblés, dévêtus et menottés, avant d’être violemment agressés et battus »,

a ajouté le REMDH. L’adolescent

« ne sait toujours pas ce qu’il est advenu de sa mère et de ses sœurs, qui ont été capturées et enlevées par l’armée israélienne ».

Le REMDH déclare avoir récolté des témoignages de personnes qui ont assisté à Gaza même à des exécutions sur le terrain de civils non armés par l’armée israélienne.

Une femme enceinte qui s’était réfugiée dans un hôpital à Deir al-Balah, dans le centre de Gaza, a raconté à l’organisation qu’

« un soldat israélien avait pointé son fusil sur sa tête et avait menacé de la tuer quand bien même elle lui avait dit qu’elle était enceinte de cinq mois ».

« Le soldat lui avait ordonné d’ôter ses vêtements et avait menacé de la violer »,

a ajouté le REMDH.

 

Les pertes significatives de l’armée israélienne

Plus de 18 000 Palestiniens ont été tués à Gaza lors des attaques israéliennes, depuis le 7 octobre, dont 300 dans les seules dernières 24 heures, a déclaré dimanche le porte-parole du ministère de la santé, Ashraf al-Qedra. La majorité de ces morts sont des femmes et des enfants.

Entre-temps, l’armée israélienne subit des pertes importantes des mains de la résistance palestinienne.

Parmi ces revers figure une tentative avortée de secourir un captif israélien, laquelle, a-t-il été dit, s’est soldée par le mort de l’homme en question. L’aile armée du Hamas a publié une vidéo montrant son cadavre ainsi que les blessures graves subies par deux soldats.

 

Abu Obeida, le porte-parole des Brigades Qassam, l’aile armée du Hamas, a dit dans une vidéo publiée dimanche que les combattants de l’organisation avaient complètement détruit ou endommagé 180 véhicules militaires israéliens dans les dix jours qui avaient suivi la fin de la trêve temporaire.

 

Il a déclaré que le discours des dirigeants israéliens à propos de l’élimination de la résistance était destiné à la consommation domestique israélienne que son but était de satisfaire « la droite sanguinaire » du pays.

« L’ennemi reçoit toujours des coups de notre part et de notre résistance »,

a déclaré Abu Obeida,

« et ce qui se prépare va être plus grandiose encore. ».

Le porte-parole de la résistance a expliqué que l’offensive terrestre israélienne n’avait engendré que des destructions et des massacres sans discernement, et a ajouté qu’aucun des captifs restants à Gaza ne serait libéré, sinon selon les termes imposés par les Brigades Qassam.

Confrontée à une résistance impressionnante de la part des combattants palestiniens, l’armée israélienne assouvit sa rage sur les civils. La grande majorité des 2,3 millions de personnes que compte la population de Gaza a été déplacée de ses foyers et nombreux sont ceux qui meurent de faim au moment où le siège total entre dans son troisième mois.

Dimanche, lors du Forum annuel de Doha, au Qatar, António Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a déclaré :

« Nous sommes confrontés à Gaza à un risque énorme d’effondrement du système humanitaire ».

Samedi, le Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a dit que

« la capacité de l’ONU à accueillir un apport d’aide s’est considérablement affaiblie ».

Ceci, à cause de la « pénurie de camions à l’intérieur de Gaza, des coupures dans les télécommunications » et de l’impossibilité pour le personnel d’atteindre le passage de Rafah en toute sécurité « en raison de l’intensité des hostilités », estime l’OCHA.

Une distribution d’aide limitée a lieu presque exclusivement à Rafah, dans le sud de l’enclave.

« La distribution d’aide dans le reste de la bande de Gaza a largement cessé ces quelques derniers jours en raison de l’intensité des hostilités et des restrictions de mouvement »,

a ajouté l’OCHA.

Le secrétaire général de l’ONU a dit que

« la situation dégénère rapidement en une catastrophe aux implications potentiellement irréversibles pour l’ensemble des Palestiniens et pour la paix et la sécurité dans la région ».

Il a mis en garde contre une détérioration de l’« ordre public » et contre la propagation de

« maladies épidémiques et un accroissement de la pression en faveur d’un déplacement massif vers l’Égypte ».

 

La pression à la frontière entre Gaza et l’Égypte

« Réduire la population palestinienne » et bouter les Palestiniens hors de Gaza pour qu’ils aillent en Égypte – les objectifs stratégiques manifestes du cabinet israélien de la guerre – voilà ce qu’on peut voir sur le terrain.

Samedi, Philippe Lazzarini, le haut responsable de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) y est allé d’une mise en garde :

« Les développements auxquels nous assistons indiquent des tentatives en vue de chasser les Palestiniens vers l’Égypte, et qu’importe s’ils y restent ou si on les réinstalle ailleurs. »

Et d’ajouter :

« La décimation de la partie nord de Gaza et le déplacement de millions de Gazaouis vers le sud constituent la première étape de ce scénario, et elle est déjà terminée. »

« L’étape suivante est en cours – forcer les gens à quitter le centre de la ville de Khan Younis et les rapprocher de la frontière égyptienne »,

a déclaré Lazzarini.

Vendredi, à l’issue d’une visite à Gaza, Carl Skau, le directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial a déclaré que la première agence d’aide humanitaire de l’ONU était dans l’impossibilité d’accomplir son mandat.

« Du fait qu’il n’entre qu’une infime partie des fournitures de vivres, et vu l’absence de carburant, les interruptions dans les systèmes de communication et l’absence totale de sécurité pour notre personnel ou pour les gens que nous servons lors des distributions de vivres, nous ne pouvons faire notre travail »,

a déclaré Skau.

Et d’ajouter qu’une étude réalisée durant la trêve temporaire d’une semaine qui s’est écroulée voici dix jours, a

« montrée que les Gazaouis ne mangent tout simplement pas ».

Il a encore dit que,

« dans certaines zones, neuf familles sur dix passaient souvent toute une journée et toute une nuit sans la moindre nourriture du tout ».

« Quand on les a interrogées sur la fréquence de la chose, elles nous ont dit qu’une dizaine de fois au moins le mois dernier, elles étaient restées tout un jour et une nuit sans manger. »

 

Une victoire fabriquée de toutes pièces

Désespérant de vendre une victoire à leur public, les organes de propagande d’Israël ont tenté sur des vidéos et des photos de faire passer des prisonniers civils pour des combattants du Hamas qui s’étaient rendus.

Ces vidéos et images montrant des prisonniers dévêtus ont été rapidement démystifiées et se sont muées en un problème de RP de plus pour l’armée israélienne.

Ces Palestiniens dont l’armée israélienne a fait tout un spectacle comptent parmi eux des enfants, un enquêteur sur les droits humains, un journaliste et le propriétaire d’un atelier d’aluminium.

Certains des hommes qui avaient été rassemblés là ont été libérés. D’autres ont carrément disparu, dont Diaa Kahlout, correspondant de The New Arab qui était resté dans la partie nord de Gaza parce que l’un de ses enfants est en partie paralysé et qu’il souhaitait continuer d’assurer ses reportages dans cette zone.

 

En octobre, Israël avait largué dans la partie nord de Gaza des tracts ordonnant à son million et plus de résidents d’évacuer vers le sud. Ces tracts menaçaient également la sécurité de toute personne qui serait restée dans la zone.

Un haut fonctionnaire de l’ONU avait dit à l’époque que

« les civils devaient être protégés et disposer des denrées essentielles pour leur survie, où qu’ils se trouvent et indépendamment de leur choix de s’en aller ou de rester ».

Brian Finucane, un analyste de l’International Crisis Group et ancien conseiller juridique du département d’État américain, a expliqué au quotidien The New York Times que

« la présomption selon laquelle les mâles en âge d’être sous les drapeaux étaient des combattants est troublante ».

Les ordres d’évacuation d’Israël ne lui permettent pas

« de rassembler empiriquement ou d’arrêter des personnes qui n’en ont pas tenu compte »,

dit-il. Finucane d’ajouter que les lois internationales

« interdisent les outrages à la dignité personnelle ainsi que les humiliations et les traitements dégradants ».

Selon le REMDH, les forces israéliennes ont rassemblé des hommes à la pointe du fusil dans deux écoles de l’UNRWA utilisées comme refuges pour les personnes déplacées à Beit Lahiya, dans la partie nord de Gaza.

« Le REMDH a répertorié des incidents de tirs embusqués et de meurtres directs commis par l’armée israélienne sur des personnes déplacées dans le voisinage des deux écoles susmentionnées »,

a déclaré jeudi l’organisation dont le siège est à Genève.

L’armée israélienne

« ciblait tous ceux qui essayaient de s’en aller, même s’ils agitaient des drapeaux blancs ».

Entre-temps, ces derniers jours, des vidéos filmées par des soldats israéliens montrant ces derniers bouter le feu à des vivres et à des points d’eau ou mettre une boutique à sac à Gaza ont beaucoup circulé sur les médias sociaux :

 

Les EU garantissent la poursuite des massacres

Vendredi, les EU ont garanti la poursuite des massacres et autres atrocités d’Israël en s’opposant par veto à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU réclamant un cessez-le-feu immédiat.

 

De façon révélatrice, lors de son discours au Conseil, de sécurité de l’ONU, le diplomate américain Robert Wood a décrit l’opération militaire du Hamas, le 7 octobre, comme

« la pire attaque contre notre peuple depuis plusieurs décennies ».

 

 

Il a également dit que le Hamas restait « en charge de Gaza », reconnaissant donc implicitement l’incapacité d’Israël de concrétiser son but déclaré d’éradiquer l’organisation, même après deux mois de bombardements incessants qui ont détruit de vastes sections du territoire.

Entre-temps, le département d’État a contourné le Congrès pour accélérer la vente de quelque 14 000 obus de char à Israël.

Le Pentagone a déclaré que le secrétaire d’État avait utilisé une déclaration d’urgence en vertu de la Loi sur les exportations d’armes, pour des cartouches de char hautement explosives de 120 mm d’une valeur de quelque 106 millions de USD. Antony Blinken avait justifié cette mesure en disant que la fourniture immédiate de ces armes à Israël servait les intérêts de la sécurité nationale des EU.

En octobre, Israël a utilisé des obus de char de 120 mm pour attaquer un groupe de journalistes dans le sud du Liban, tuant Issam Abdallah, journaliste de l’agence Reuters et blessant grièvement la photographe Christina Assi, de l’AFP, et quelques autres journalistes également.

 

Les obus font partie d’un échantillonnage plus large d’armes que l’administration Biden a demandé au Congrès d’approuver, dont 45 000 obus destinés aux chars Merkava, c’est-à-dire les mêmes chars actuellement déployés par Israël à Gaza.

Les porte-parole de l’administration Biden se sont tenus sur la défensive à propos du massacre sans précédent de civils à Gaza.

« La stratégie des Forces de défense israéliennes ne prévoit pas de tuer des innocents »,

a déclaré la semaine dernière John Kirby, le porte-parole de la Maison-Blanche :

 

« Cela arrive, je l’admets », a dit Kirby.

« Mais ce n’est pas comme si les Israéliens s’asseyaient ensemble chaque matin pour dire : ‘Hé ! Combien de civils de plus pouvons-nous tuer aujourd’hui ? Allons bombarder une école ou un hôpital ou un immeuble résidentiel et provoquer des pertes civiles.’ »

 

L’aide, une feuille de vide pour masquer le génocide

Entre-temps, l’administration Biden continue d’utiliser l’aide humanitaire comme une feuille de vigne destinée à masquer le génocide perpétré avec son aide par Israël à Gaza.

Jeremy Konyndyk, le président de l’ONG Refugees International installée à Washington, et qui a tenu des rôles importants et dans l’administration Biden et dans celle d’Obama, a déclaré que

« Gaza est à l’aube d’une vague majeure de mortalité secondaire ».

Konyndyk a ajouté que

« l’opposition obstinée de Biden à un cessez-le-feu et son refus d’imposer des restrictions significatives à [l’arme israélienne], signifient qu’il accepte ce résultat ».

Il a également dit que le gouvernement américain

« tentait toujours d’appliquer une ‘double’ politique, celle de soutenir pleinement la guerre tout en réalisant des bénéfices marginaux sur l’aide ».

« La réalité à ce point constitue un compromis à somme nulle entre la poursuite de la guerre ou la prévention d’une catastrophe humanitaire bien plus importante »,

a ajouté Konyndyk.

Cette « double » politique est incarnée d’une part par Samantha Power, la directrice de USAID qui a bâti sa carrière sur le principe selon lequel les EU ont l’obligation d’empêcher des atrocités, et d’autre part, par John Kirby, le porte-parole de la Maison-Blanche.

Les deux hauts responsables de l’administration Biden insistent sur le fait que le faible écoulement de l’aide humanitaire délivrée à Gaza est un moyen de masquer la destruction provoquée par Israël avec des armes en provenance des EU et le soutien inconditionnel de Washington.

 

« Citez-moi une seule autre nation (…) qui fait autant que les États-Unis pour alléger la douleur et les souffrances de la population de Gaza »,

a déclaré Kirby au cours d’un briefing de presse la semaine dernière.

« Citez-moi une autre nation qui fait davantage pour inciter ses homologues israéliens, nos homologues israéliens, à se montrer aussi prudents et réfléchis qu’ils peuvent l’être dans la poursuite de leurs opérations militaires »,

a ajouté Kirby.

Ces efforts censés assurer la protection des civils ont débouché sur un taux sans précédent de non-combattants tués, comme l’a déterminé un rapport publié dans le quotidien israélien Haaretz.

L’étude de Haaretz a conclu qu’Israël avait abandonné et le principe de distinction entre combattants et civils et le principe de proportionnalité interdisant les attaques contre des objectifs militaires qui provoqueraient des préjudices accidentels à des civils.

Entre-temps, l’aide humanitaire est instrumentalisée, à Gaza.

Lazzarini, le chef de l’UNRWA, qui est la première fournisseuse d’assistance humanitaire à Gaza, a déclaré qu’au lieu d’alléger les souffrances des civils, l’aide humanitaire était traitée comme

« une dimension stratégique de la politique étrangère et de la concurrence diplomatique – un instrument de pouvoir et de guerre ».

Le REMDH a déclaré vendredi que dans une école de l’UNRWA, dans le sud de Gaza, une gamine souffrant de paralysie cérébrale était morte

« de malnutrition et d’un manque d’oxygène, pourtant indispensable en raison de son état de santé ».

L’association a déclaré qu’il était inacceptable que des organisations internationales « recourent à des prétextes sécuritaires pour abandonner à leur sort et laisser mourir de famine les civils de la bande de Gaza ».

« Le programme alimentaire mondial, l’UNRWA et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) doivent assumer leur responsabilité directe face à l’escalade de la guerre de famine qui se déroule dans la bande de Gaza »,

a ajouté le REMDH.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 11 décembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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