Comment l’Autorité palestinienne aide le projet colonial d’Israël
Il y a quelques jours, à Tel-Aviv, l’Autorité palestinienne, dont le siège est à Ramallah, a participé à une réunion secrète en compagnie de responsables américains et israéliens dans le but de préparer des plans « du lendemain » à Gaza, lesquels impliqueraient l’institution collabo dans la réouverture du passage de Rafah vers l’Égypte.
Tamara Nassar, 24 juillet 2024
« L’Égypte veut du personnel de l’Autorité palestinienne pour gérer le passage” ,
a rapporté Axios. Quand il est ouvert, le passage est normalement géré par du personnel du Hamas originaire de Gaza, puisque c’est l’organisation politique armée qui gouverne l’intérieur de la bande.
« Israël veut pour ce faire des gens qui ne sont pas affiliés au Hamas, mais il s’oppose à toute implication officielle de l’Autorité palestinienne – surtout pour des raisons politiques domestiques »,
a ajouté Axios.
L’Autorité palestinienne a rejeté une proposition qui l’impliquerait en rouvrant le passage dans quelque capacité non officielle que ce soit, a déclaré la publication.
À la réunion participaient le haut fonctionnaire de la Maison-Blanche Brett McGurk, le chef de l’agence israélienne d’espionnage intérieur Ronen Bar, le secrétaire général du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine Hussein al-Sheikh et le chef des renseignements militaires de l’Autorité palestinienne Majed Faraj.
C’était la première fois que des responsables palestiniens rencontraient leurs homologues américains et israéliens
« pour discuter du lendemain de la guerre à Gaza »,
a rapporté Barak Ravid, le rédacteur d’Axios qui reçoit fréquemment des infos de la part de l’appareil de l’armée et des renseignements israéliens.
Il s’avère que les Émirats arabes unis sont très désireux eux aussi de participer au plan du lendemain de guerre à Gaza.
L’État du Golfe, qui a officialisé ses relations avec Israël en 2020, cherche à
« déployer à Gaza une mission internationale temporaire »
qui instaurerait « la loi et l’ordre », a écrit la semaine dernière l’ambassadrice des EAU, Lana Zaki Nusseibeh, dans The Financial Times.
« Une présence internationale temporaire à Gaza ne peut découler que d’une invitation officielle de l’Autorité palestinienne »,
a écrit l’ambassadrice.
L’Autorité palestinienne a été créée au début des années 1990 à la suite des accords d’Oslo en vue d’agir comme une auxiliaire autochtone au nom de l’occupation israélienne. Elle a exercé ce rôle – que le dirigeant de l’AP, Mahmoud Abbas, qualifie de « sacré » – sans interruption dès le tout premier jour.
Il ne serait guère surprenant qu’Israël et ses alliés arabes cherchent à imiter ce modèle dans une bande de Gaza d’après génocide.
Mais, pour qu’Israël concrétise sa vision dans l’enclave côtière complètement dévastée, son armée devrait atteindre son objectif déclaré, c’est-à-dire éliminer le Hamas en tant que présence dirigeante et militaire à Gaza.
Cela ne semble pas près d’arriver.
Entre-temps, le Fatah et le Hamas ont accepté de « mettre un terme à la division nationale palestinienne » après que les factions rivales auront participé à des négociations en Chine dans le courant de ce mois en compagnie d’autres partis politiques palestiniens.
Fait remarquable, les factions
« ont souligné le droit du peuple palestinien à résister à l’occupation et à y mettre un terme, et ce, en accord avec les lois internationales »,
rapporte le diffuseur libanais Al Mayadeen, qui a obtenu une copie de la déclaration.
Ce n’est pas la première fois que les partis émettent ce genre de déclaration et rien n’indique que celle-ci sera différente.
Un responsable de l’Autorité palestinienne a dit ce week-end que l’Organisation de libération de la Palestine était la seule représentante légitime des Palestiniens.
« Des informations obtenues on ne sait trop comment et indiquant que Washington discute avec certains partis des plans sur le futur de Gaza n’auront aucune légitimité et ne seront pas acceptées par le peuple palestinien »,
aurait dit plus ou moins Nabil Abu Rudeineh, s’il faut en croire Wafa News Agency.
Se faire d’écho de la propagande israélienne
Après le massacre perpétré par Israël à al-Mawasi en début de mois et qui a tué au moins 90 Palestiniens et en a blessé des centaines d’autres, l’Autorité palestinienne a sorti une déclaration rejetant sur le Hamas le blâme de la tuerie israélienne.
« La président voit que, en échappant à l’unité nationale et en fournissant de libres prétextes à l’État d’occupation, le mouvement du Hamas partage la responsabilité juridique, morale et politique de la poursuite de la guerre israélienne de génocide »,
a écrit dans une déclaration Mahmoud Abbas, le dirigeant de l’AP.
Un autre responsable de l’AP a en fait utilisé un sujet de discussion de la propagande israélienne contre le Hamas.
« Le Hamas se cache actuellement parmi les habitants afin de se protéger et de se sauver »,
aurait dit le haut fonctionnaire de l’AP, Munir al-Jaghoub.
« Si le Hamas avait voulu combattre Israël face à face, il l’aurait fait dans des zones où se trouve l’armée et non en des endroits où se trouvent les gens. »
Le 17 juillet, nous avons été rejoints par l’écrivain et professeur à l’Université de Birzeit, Abdaljawad Omar, dans l’émission en direct de The Electronic Intifada afin de parler de la situation en Cisjordanie.
Abdaljawad Omar a déclaré que l’Autorité palestinienne
« essaie de se faire l’écho de la guerre psychologique israélienne ».
Elle le fait
« en tentant en quelque sorte de dissocier partout la société palestinienne de sa résistance et, à travers cette séparation, de servir les buts de guerre israéliens, qui sont de vaincre la résistance et de rendre Gaza invivable ».
« Nous avons ce modèle en Cisjordanie : c’est ce qui occupe les fantasmes de tout dirigeant politique ou militaire en Israël, reproduire l’un ou l’autre sorte de système, un système politique, une autorité autochtone qui le sert, qui coopère avec lui, qui collabore avec lui et qui fait que l’occupation ne coûte finalement pas cher »,
a déclaré Abdaljawad Omar.
« Non pas une autorité ou une structure de gouvernance comme celle de Gaza, du moins avant le 7 octobre »,
a ajouté Abdaljawad Omar, laquelle associait la résistance armée au parti gérant les affaires intérieures de la bande de Gaza.
L’Autorité palestinienne
« est très responsable dans la poursuite de la guerre et elle contribue à ce qu’Israël pense qu’il peut vaincre le peuple palestinien »,
a ajouté Abdaljawad Omar, en produisant
« cette direction docile, inefficiente et corrompue qui gère actuellement la Cisjordanie ».
Les succès des multiples factions des forces de la résistance palestinienne sur le terrain à Gaza secouent l’institution collabo à Ramallah, a suggéré Abdaljawad Omar, qui a fait remarquer que l’Autorité palestinienne ne s’était pas montrée à la hauteur à la suite de l’opération du Hamas le 7 octobre.
« Le défi national qui a été lancé le 7 octobre » consiste pour l’Autorité palestinienne « à participer vraiment et à tenter, du moins au mieux de ses capacités, de ne pas permettre à Gaza de s’en sortir seul de cette guerre »,
a encore dit Abdaljawad Omar.
Non seulement l’Autorité palestinienne a abandonné Gaza, a-t-il ajouté, mais il convient même de la blâmer «
pour avoir contribué à la poursuite de la guerre ».
L’élite de l’AP collabo et la classe compradore de Ramallah
« trahissent la nation au nom de la nation même »,
a déclaré Abdaljawad Omar.
« Cette élite nourrit une angoisse extrême à l’idée que le Hamas, le Djihad islamique ainsi que toutes les organisations de résistance à Gaza, pourraient sortir de cette guerre avec des résultats stratégiques significatifs. »
Entre-temps, la résistance en Cisjordanie occupée s’est développée et a peaufiné ses tactiques, mais son soulèvement n’a pas lieu dans tous les coins de la Cisjordanie.
Abdaljawad Omar a expliqué qu’il allait limiter la description d’une « troisième intifada » à certaines zones spécifiques.
« Je la confinerais géographiquement au nord de la Cisjordanie. Ainsi, les zones qui entourent ou vont de la vallée du Jourdain en remontant vers Tubas, Tulkarem, Naplouse, Jénine »,
a dit Abdaljawad Omar.
« Ce sont les zones disposant de formations militaires actives engagées dans la fabrication d’engins explosifs improvisés, dans la capacité de résistance et dans le peaufinage de leurs tactiques »,
a-t-il encore dit,
« ce qui fait qu’il est malaisé pour Israël de pénétrer librement dans ces zones. »
Israël a riposté par une vengeance dévastatrice à l’égard de communautés entières au sein desquelles la résistance avait émergé ; il a semé la destruction partout, endommagé gravement les réseaux d’électricité, les infrastructures de distribution de l’eau et d’égouttage, défoncé les routes, détruit des habitations.
Plus de 550 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre, dont au moins 539 par les forces israéliennes, selon l’organisation de contrôle de l’ONU, l’OCHA.
Les colons israéliens ont tué au moins 10 Palestiniens et 7 autres l’ont été soit par l’armée soit par les colons.
Parmi les tués en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre, 138 étaient des enfants.
Mais,
« en aucun endroit, les Israéliens n’ont été en mesure de vraiment ébranler la résistance, au point de la vaincre ou de la voir agiter le drapeau blanc »,
a dit Abdaljawad Omar.
Au contraire,
« la résistance a été à même de se développer vraiment, d’évoluer et de faire en sorte que sa position défensive ou son attitude offensive devienne plus meurtrière pour les forces israéliennes pénétrant dans la zone ».
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Publié le 24 juillet 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine