Les États-Unis admettent qu’ils ne veulent pas d’une solution diplomatique

Amal Saad, une spécialiste du Hezbollah, a fait remarquer que la désignation de l’organisation de résistance libanaise en tant qu’organisation terroriste par les États-Unis et d’autres puissances occidentales « a effectivement permis à Israël d’intensifier sa campagne de terreur étatique au Liban »

 

 

Les États-Unis admettent qu'ils ne veulent pas d'une solution diplomatique. Photo : Pompiers au travail autour d'immeubles endommagés par les frappes de l'aviation israélienne à Beyrouth, le 3 octobre 2024. (Photo : Bilal Jawich / Xinhua News Agency)

Pompiers au travail autour d’immeubles endommagés par les frappes de l’aviation israélienne à Beyrouth, le 3 octobre 2024. (Photo : Bilal Jawich / Xinhua News Agency)

 


Maureen Clare Murphy
, 5 octobre 2024


Au Liban, Israël se lance dans une stratégie de pression maximale comme il l’a fait à Gaza, en espérant qu’il parviendra à forcer une reddition de la résistance libanaise, au contraire de son échec à Gaza.

Selon Amos Harel, un analyste du journal israélien Haaretz, les frappes aériennes intensives d’Israël contre le Liban « ont tout d’une campagne de pression visant à imposer un accord rapide ».

Vendredi, les médias israéliens ont rapporté qu’« un haut responsable de la sécurité israélienne » avait dit aux familles des Israéliens détenus en otage à Gaza que l’armée allait combattre au Liban pendant deux ou trois semaines encore, dans le but

« d’atteindre avec le Hezbollah un arrangement diplomatique qui permettrait à Israël d’assurer un accord concernant les otages ».

Cette stratégie est appuyée par les États-Unis, qui ont fourni un soutien inconditionnel à Israël durant son génocide du peuple palestinien, particulièrement à Gaza, et qui soutiennent maintenant son offensive militaire au Liban.

Le porte-parole du département d’État Matthew Miller a admis lors d’un briefing de presse cette semaine que

« nous n’avons jamais voulu envisager une résolution diplomatique avec le Hamas »,

et il a ajouté que les États-Unis étaient « engagés dans la destruction » de l’organisation de résistance palestinienne.

Miller a déclaré ensuite :

« Je souhaite que le Hamas se mette à table et travaille avec nous autour d’un cessez-le-feu » – ce qui implique que le seul accord de ce genre qui serait accepté par Washington serait la reddition totale du Hamas.

Il y a peu de raison de croire que les États-Unis aimeraient envisager autre chose qu’une capitulation totale du Hezbollah comme résultante de toute procédure diplomatique supposée apporter le calme sur le fameux front nord israélien.

Amal Saad, une spécialiste du Hezbollah, a fait remarquer que la désignation de l’organisation de résistance libanaise en tant qu’organisation terroriste par les États-Unis et d’autres puissances occidentales

« a effectivement permis à Israël d’intensifier sa campagne de terreur étatique au Liban »,

réitérant ainsi dans ce pays le « nouveau modèle » de guerre brutale mené à Gaza.

La proscription du Hezbollah a

« donné à Israël une couverture lui permettant de commettre des crimes de guerre contre le peuple libanais et de dépeupler les zones chiites »

du pays, selon Amal Saad.

Elle a

« aussi accordé à Israël la latitude de procéder potentiellement à un nettoyage ethnique et à un génocide de la communauté chiite au moment où il se rend inévitablement compte que son extrême violence est incapable de venir à bout du Hezbollah ».

 

Le discours de l’ayatollah

Ce vendredi, le dirigeant suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei a délivré un discours historique – dont une partie, prononcée en arabe, s’adressait directement aux peuples palestinien et libanais.

Mais il a également adressé un message clair à Tel-Aviv et à Washington disant qu’il n’y aurait pas de défaite du Hamas et du Hezbollah.

Khamenei a déclaré que la résistance régionale ne ferait pas marche arrière après le martyre de ses dirigeants.

Alors que « nous sommes tous affligés et en deuil » à la suite de la mort de Hasan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah tué au cours d’une attaque massive contre les faubourgs sud de Beyrouth la semaine dernière,

« notre deuil ne signifie pas que nous nous laissons aller à la dépression, à la détresse et au désespoir »,

a dit Khamenei.

Sans se soucier de la menace à peine voilée du Premier ministre Benjamin Netanyahou d’un changement de régime en Iran, Khamenei a affirmé qu’Israël connaissait sa position la plus précaire depuis sa création.

L’opération Déluge d’Al-Aqsa – l’attaque surprise lancée par le Hamas le 7 octobre 2023 – et l’année de résistance qui a suivi à Gaza et au Liban

« ont amené l’entité usurpatrice au point où sa principale préoccupation consiste à sauvegarder son existence »,

a dit Khamenei.

Israël a tenté de dissocier ses fronts sud et nord en assassinant Nasrallah et plusieurs autres commandants fondateurs du Hezbollah. L’organisation de résistance libanaise s’est engagée à poursuivre ses tirs de missiles et de drones sur Israël jusqu’à ce que ce dernier mette un terme à ses attaques contre Gaza.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araqchi, qui a rencontré les dirigeants libanais à Beyrouth ce vendredi,

« a déclaré que Téhéran soutenait les efforts en vue d’un cessez-le-feu au Liban à condition qu’ils soient appuyés par le Hezbollah et qu’il y ait en même temps un cessez-le-feu dans la bande de Gaza »,

d’après Reuters.

Le discours de Khamenei, un rare discours de vendredi délivré en public à la grande mosquée mausolée de l’Imam Khomeini dans le centre de Téhéran, ne devrait laisser que peu de doute sur le fait que l’Iran ne reculera pas devant son rôle clé dans la résistance régionale.

Mardi, l’Iran a tiré un barrage massif de missiles balistiques contre Israël, forçant la majorité de la population israélienne à rechercher la sécurité dans des abris anti-bombes, dans le même temps que les bases militaires étaient frappées dans le centre du pays en représailles pour les frappes qui ont tué Nasrallah.

Khamenei a insisté en disant que les pays de la région avaient un intérêt partagé à vaincre la menace posée par Israël, l’ennemi commun des peuples palestinien, libanais, iranien, yéménite et syrien.

L’unité mènerait à la défaite de tous les ennemis, a dit Khamenei, et l’Iran remplirait ses devoirs avec résolution. En agissant sans hésitation et sans précipitation, l’Iran fera ce qui est logique, raisonnable et correct, a-t-il dit.

Et, jeudi, comme pour souligner le fait que la résistance régionale ne serait pas intimidée, une frappe de drone lancé à partir de l’Irak a tué deux soldats israéliens et en a blessé 24 autres dans les hauteurs du Golan – le territoire syrien sous occupation militaire israélienne depuis 1967.

Israël est prêt à frapper l’Iran, après le barrage de missiles balistiques tirés depuis le pays mardi. Les responsables israéliens ont dit à maintes reprises à leurs homologues américains que l’attaque contre le pays serait « calibrée », d’après Reuters.

Des experts interviewés par l’agence d’information ont déclaré qu’Israël éviterait vraisemblablement des cibles trop sensibles comme les sites pétroliers et les sites nucléaires de façon à éviter

« une réponse iranienne intensifiée, y compris le ciblage potentiel des sites de production de pétrole des alliés des EU dans la région ».

 

Attaques quotidiennes contre les abris de Gaza

Alors que l’Iran et Israël sont au bord du précipice de la guerre ouverte, le recours de Tel-Aviv à des bombes lourdes contre des zones densément peuplées du Liban et de Gaza se poursuit sans relâche.

Au moins 29 Palestiniens ont été tués lors de frappes israéliennes contre Gaza vendredi, d’après les autorités de la santé du territoire.

Jeudi, le bureau des droits de l’homme de l’ONU a appelé Israël

« à mettre fin immédiatement au modèle de frappes contre les bâtiments de Gaza qui servaient de refuge »

pour les Palestiniens déplacés.

« Ces attaques sont devenues des faits quasi quotidiens »,

a déclaré le bureau de l’ONU. Au moins six écoles ont été touchées au cours des précédentes 72 heures, et

« il en est résulté des dizaines de victimes, dont des femmes et des enfants ».

« Rien qu’en septembre, notre bureau a répertorié au moins 14 écoles frappées à Gaza par l’armée israélienne et, en août, une attaque d’école tous les deux jours »,

a déclaré l’ONU.

Ces violations flagrantes des lois de la guerre, normalisées tout au long de l’année écoulée à Gaza – période pendant laquelle la mort de près de 42 000 Palestiniens dans l’ensemble du territoire a été confirmée – sont désormais perpétrées par Israël au Liban.

Plus de 35 personnes ont été tuées et 151 blessées au cours des 24 heures précédentes, a déclaré vendredi le gouvernement libanais, ce qui porte le nombre total de victimes dans le pays à plus de 2 000.

Plus de 100 enfants ont été tués au Liban au cours de la semaine et demie écoulée, a déclaré vendredi l’UNICEF, l’agence de l’ONU pour les enfants.

La Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a dit vendredi qu’il

« restait inquiet à propos de la sécurité et du bien-être des civils au moment où le Liban subit une augmentation des frappes aériennes et des ordres de déplacement ».

Israël a ciblé le croisement frontalier de Masnaa entre la Syrie et le Liban,

« un axe majeur pour les fournitures de secours entrant dans le pays et également utilisé par les familles fuyant vers la Syrie en quête de sécurité »,

d’après l’OCHA.

« Il est impératif que tous les civils aient la possibilité de fuir vers des zones sûres, et qu’ils soient protégés, qu’ils partent ou qu’ils restent »,

a ajouté l’OCHA.

Au moins quatre hôpitaux au Liban ont suspendu leurs activités en raison des attaques israéliennes, a rapporté vendredi l’agence d’information AFP.

 

Des travailleurs médicaux tués au Liban

Jeudi, Imran Riza, coordinateur humanitaire de l’ONU au Liban, a déclaré qu’au moins 73 travailleurs médicaux avaient perdu la vie dans l’intensification des attaques contre le Sud-Liban.

« Ces dernières 24 heures, 28 travailleurs médicaux ont été tués »,

a ajouté Imran Riza,

« ce qui souligne l’escalade alarmante de la violence et son impact dévastateur sur les personnes qui dispensent des soins vitaux. »

Mercredi, dans « une autre escalade dangereuse », Israël a bombardé un centre de secours dans le centre de Beyrouth, a expliqué Imran Riza, ce qui s’est traduit

« par la mort de paramédicaux et d’agents de la défense civile et des secours qui aidaient activement les personnes déplacées et les communautés affectées ».

Imran Riza a déclaré que ces attaques constituaient

« de graves violations des lois internationales humanitaires, en sapant les efforts humanitaires et en menaçant la sécurité des personnes dispensant une aide vitale ».

À la suite de la mort des travailleurs médicaux mercredi pendant la nuit, à Beyrouth, Josep Borrell, le chef de la politique étrangère de l’UE, a déclaré :

« Je condamne cette violation des LIH [lois internationales humanitaires]. »

Mais les condamnations ne feront pas grand-chose pour protéger les paramédicaux et autres travailleurs de la santé ciblés par Israël au Liban, d’autant plus qu’au cours d’un briefing de presse, jeudi, Matthew Miller, le porte-parole du département d’État américain, a accordé à Israël le bénéfice du doute quand il s’agit de ses attaques contre les hôpitaux.

Des paramédicaux au Liban interviewés par The Guardian ont déclaré que c’était devenu une habitude, pour Israël, de lancer des frappes aériennes

« chaque fois qu’ils arrivaient dans un endroit afin de se lancer dans des opérations de secours ».

Rabih Issah, un commissaire auprès d’une organisation médicale active dans le Sud-Liban, a dit que des paramédicaux avaient reçu des appels téléphoniques

« avec une voix s’exprimant en arabe à l’autre bout du fil, les prévenant d’évacuer leurs centres médicaux »,

selon The Guardian.

Ghassan Abu Sitta, un chirurgien plastique britannico-palestinien qui a travaillé à Gaza durant les premières semaines du génocide, a dit au journal britannique qu’Israël répétait au Liban ce qu’il avait fait à Gaza.

« Il a dit qu’il était préoccupé de ce que le fait d’infliger des dégâts au système de santé au Sud-Liban faisait partie d’une stratégie israélienne en vue de vider de leurs habitants les zones situées le long de la frontière libano-israélienne »,

a rapporté The Guardian.

Quelques mois plus tôt, Human Rights Watch avait publié un rapport disant qu’il avait répertorié l’emploi d’armes américaines dans les attaques illégales d’Israël contre les travailleurs humanitaires au Liban.

L’organisation avait dit à l’époque que les EU

« devraient immédiatement suspendre les ventes d’armes et l’aide militaire à Israël »

et avait demandé au Liban de poursuivre les enquêtes sur les crimes de guerre à la Cour pénale internationale.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le  2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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