Frontex (UE) donne son approbation à une firme de surveillance israélienne

Frontex – l’agence qui garde les frontières et les côtes de l’UE – met sur pied des « journées de l’industrie » au cours desquelles des firmes d’armement peuvent mettre en valeur des équipements jugés utiles pour traquer les migrants.

 

David Cronin, 4 décembre 2024

Les gardes-frontières de l’Union européenne ont discrètement recommandé la technologie de surveillance mise au point par une firme israélienne.

Frontex – l’agence qui garde les frontières et les côtes de l’UE – met sur pied des « journées de l’industrie » au cours desquelles des firmes d’armement peuvent mettre en valeur des équipements jugés utiles pour traquer les migrants.

Sans se faire remarquer des médias de l’information, la firme israélienne BeeSense a participé en avril à un événement de ce genre.

BeeSense avait été invitée du fait que Frontex l’avait reprise sur une liste restreinte de 16 firmes proposant ce que l’agence décrivait comme étant des « solutions technologiques ».

Tout en présentant ses radars et senseurs à la foire de Frontex, BeeSense se targait d’une

« forte empreinte sur les FDI [l’armée israélienne] ».

Chris Borowski, un porte-parole de Frontex, m’a dit par courriel que les « journées de l’industrie » proposent une « plate-forme en vue d’explorer les innovations dans les technologies de gestion des frontières ». Les gouvernements de l’UE disposent ainsi d’« une opportunité d’être renseignés sur les outils les plus récents dans le domaine ».

« Il vaut la peine de mentionner que ce n’est pas Frontex qui décide si ces technologies seront utilisées »,

a ajouté Borowski.

« Mais bien les autorités nationales. »

La tentative de Borowski de renvoyer la balle est inexcusable.

En reprenant BeeSense sur sa liste restreinte, Frontex a donné son approbation à la technologie de surveillance israélienne à un moment où Israël est activement occupé à détruire Gaza.

La liste restreinte a été établie entre décembre 2023 et le printemps de cette année, indique un document que j’ai découvert sur le site même de Frontex. Par conséquent, il s’avère que la liste a été mise au point pour de bon après que la Cour internationale de Justice a déclaré plausible une plainte introduite par l’Afrique du Sud et qui expliquait par le menu comment Israël violait la Convention sur le Génocide.

Selon cette convention, il est requis de la part des gouvernements du monde entier qu’ils empêchent et s’abstiennent d’aider de commettre le crime de génocide. Recommander l’équipement de surveillance d’une firme qui a « une forte empreinte » sur l’armée israélienne contrevient à l’esprit et plus que probablement à la lettre de la convention.

BeeSense fait partie d’Avnon Group, une firme profondément implantée au sein du complexe militaro-industriel israélien.

« Avnon Group s’est constitué en 1990 et son conseil consultatif comprend deux anciens généraux des FDI, un ancien chef de la police et un ancien chef du Mossad, l’agence d’espionnage »,

faisait remarquer The Times of Israel il y a deux ans.

« La firme développe, manufacture et commercialise de l’armement de pointe, y compris des cyber-outils. »
Complicité d’abus

 

Complicité d’abus

Durant cette « foire » d’avril, ce n’était certes pas la première fois que Frontex témoignait de l’intérêt pour les technologies israéliennes.

En 2020, l’agence avait déjà signé un contrat de 118 millions de dollars de location de drones de fabrication israélienne.

Les deux fournisseurs de drones impliqués – Elbit Systems et Israel Aerospace Industries (IAI) – ont l’habitude depuis très longtemps de tester leurs armes sur les Palestiniens. Tous deux contribuent massivement à l’actuel génocide à Gaza.

Human Rights Watch a établi un rapport sur la façon dont Frontex utilise le drone Heron, de fabrication israélienne, pour contrôler les navires transportant des migrants dans la Méditerranée. Des bateaux ont été interceptés par la garde côtière libyenne peu après avoir été détectés par ce drone, a fait remarquer Human Rights Watch.

En décembre 2022, l’organisation a accusé Frontex de complicité dans des actions cruelles. L’agence savait parfaitement bien que « migrants et demandeurs d’asile allaient être confrontés à des abus systématiques et très répandus une fois qu’ils seraient renvoyés de force en Libye », a déclaré Human Rights Watch.

Frontex coordonne les déportations décidées par les gouvernements des pays de l’UE.

Il est probable que ces déportations – appelées « retours » par euphémisme – augmenteront dans un proche avenir et que Frontex se verra accorder des ressources plus importantes encore.

Ursula von der Leyen – qui, cette semaine, a entamé son second mandat de présidente de la Commission européenne – promet une nouvelle loi qui « accélérera et simplifiera » les déportations. Elle préconise également que le nombre de gardes travaillant pour Frontex soit porté à 30 000 – le triple du nombre actuel !

Afin de donner à sa politique inhumaine un air raisonnable, von der Leyen insiste en disant que les déportations se dérouleront « dans la dignité ».

C’est la même von der Leyen qui a proposé son soutien total et inconditionnel à Israël quand il a déclaré la guerre à Gaza. Vu le fait qu’elle a favorablement accueilli le génocide, ses garanties de respect de la dignité ne peuvent en aucun cas être prises au sérieux.

*****

David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

*****

Publié le 4 décembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Vous aimerez aussi...