Les États arabes trahissent la Palestine alors que l’ONU livre Gaza à Trump
« Cette résolution est une véritable attaque directe contre le peuple palestinien, contre ses droits humains, contre ses espoirs de libération. C’est une atrocité qui porte sur elle les insignes de l’ONU » .
Craig Mokhiber, avocat international spécialisé dans les droits de l’homme et un ancien haut fonctionnaire des Nations unies.
Craig Mokhiber a quitté l’ONU en octobre 2023, après avoir rédigé une lettre très remarquée qui mettait en garde contre un génocide à Gaza, critiquait la réaction internationale et appelait à une nouvelle approche de la Palestine et d’Israël fondée sur l’égalité, les droits de l’homme et le droit international.

Eli Gerzon, 22 novembre 2025
Les institutions internationales et les gouvernements mondiaux « ont une fois de plus trahi le peuple palestinien », a déclaré l’ancien responsable des droits humains aux Nations unies, Craig Mokhiber, lors du livestream de The Electronic Intifada, le 20 novembre.
Le 17, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté le prétendu plan de paix de Trump pour Gaza.
La Résolution 2803 des Nations unies fait des États-Unis et d’Israël les maîtres conjoints de Gaza, aidés par les gouvernements complices de la région et du monde entier.
Mais « le peuple du monde, le monde entier est du côté des Palestiniens – aujourd’hui plus que jamais », a dit Mokhiber.
Et d’insister sur la nécessité qu’il y ait plus d’organisation à la base étant donné le large fossé séparant les peuples, d’une part, et les gouvernements et institutions nationales, d’autre part.
La résolution autorise la création d’une prétendue Force internationale de stabilisation contrôlée par les États-Unis et Israël, avec l’aide de quelques vassaux locaux, en particulier l’Égypte.
La force mobilisée pourra prendre « toutes les mesures nécessaires » pour désarmer les organisations palestiniennes de résistance.
Ces mêmes organisations palestiniennes ont prévenu qu’elles allaient traiter cette force comme s’il s’agissait d’une force occupante.
La résolution a été fermement condamnée par les organisations palestiniennes des droits humains en tant que violation grave du droit international et des droits palestiniens, dont l’autodétermination.
Un « plan de sauvetage » pour Israël
La résolution demande que Gaza soit gouvernée par un soi-disant Conseil de la paix, dont le président des EU Donald Trump a dit qu’il le dirigerait.
« Ce n’est même pas colonial, c’est ‘roi-léopoldesque’. C’est son domaine privé »,
a déclaré Mokhiber à propos du rôle de Trump – en invoquant la domination exceptionnellement brutale du monarque belge au Congo au 19e siècle.
Mokhiber a fait remarquer que Trump, son gendre Jared Kushner et l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair se verront sans doute confier la gestion du fonds de reconstruction de Gaza – ce qui créera d’énormes opportunités de corruption.
Il a décrit la chose comme un « plan de sauvetage » pour Israël, qui devrait être tenu pour responsable de la destruction qu’il a provoquée.
Selon la résolution, un groupe local de Palestiniens sera désigné pour prendre ses ordres auprès du Conseil de la paix mais, cela excepté, les Palestiniens n’auront aucun rôle dans leur propre gouvernance.
« Cette résolution est une véritable attaque directe contre le peuple palestinien, contre ses droits humains, contre ses espoirs de libération. C’est une atrocité qui porte sur elle les insignes de l’ONU. Je n’ai jamais rien vu de ce genre au cours de toutes les années où j’ai suivi l’ONU »,
a déclaré Mokhiber.
Lui et d’autres experts ont insisté sur le fait que cette résolution va à l’encontre du droit international, y compris le droit d’un peuple occupé à recourir à la résistance armée.
L’Autorité palestinienne a appuyé la résolution et 13 des 15 membres du Conseil de sécurité ont voté pour elle.
La Russie et la Chine n’expriment pas leur veto
La Russie et la Chine, deux membres permanents dotés du droit de veto, se sont abstenues – permettant ainsi l’approbation de la résolution.
Notre directeur exécutif Ali Abunimah l’avait prédit lors du livetream de The Electronic Intifada du 6 novembre.
Abunimah avait dit alors, ainsi que lors du dernier livestream, que la Chine et la Russie allaient suivre la direction de l’AP et des États arabes et musulmans soutenant la résolution. Mais il avait prétendu que, néanmoins, la Russie et la Chine avaient la responsabilité de la bloquer.
« Les Chinois et les Russes ne sont pas naïfs. Ils savent que, bien qu’ils la reconnaissent, l’Autorité palestinienne est la marionnette de Washington »,
a expliqué Abunimah.
Abunimah a déclaré que les Émirats arabes unis, l’Égypte, le Qatar, la Jordanie, l’Arabie saoudite et l’Indonésie sont des vassaux des EU. Et que ni eux ni le Pakistan ni l’Algérie – tous deux actuellement au Conseil de sécurité – n’ont le droit de renoncer aux droits palestiniens.
Par conséquent, a insisté Abunimah, la Russie et la Chine auraient dû adopter une position disant :
« Cette résolution porte tellement atteinte aux principes fondamentaux des Nations unies et du droit international que, quoi que disent ces pays, nous ne pouvons la laisser passer. »
Mokhiber a approuvé.
« Pour des raisons transactionnelles, la Russie et la Chine ont sacrifié le peuple palestinien, elles ont sacrifié le droit international et ont renoncé à leur responsabilité en tant que membres du P5 du Conseil de sécurité de l’ONU, Elles pouvaient le faire et elles auraient dû exprimer leur veto. »
Le P5 désigne les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU – les EU, la Grande-Bretagne, la France, la Chine et la Russie – qui ont le pouvoir d’exprimer leur veto aux résolutions.
Les EU ont très régulièrement utilisé leur veto pour bloquer les résolutions de cessez-le-feu, et ce, depuis le début du génocide il y a plus de deux ans.
Malgré les graves problèmes découlant de la résolution, Mokhiber a déclaré qu’il y avait également des raisons de douter de la mise en application du plan.
Il y a, a-t-il dit,
« tant de points où tout pourrait s’effondrer. Mais il peut déclencher un tas de dégâts, dans l’intervalle ».
Certaines initiatives destinées à aider les Palestiniens à Gaza sont organisées dans le même temps que divers acteurs attendent de voir ce qui va se produire avec la mise en application de la résolution.
Mokhiber a insisté sur la nécessité d’organiser les masses, entre autres, dans l’action directe, la désobéissance civile, l’éducation, les grèves, le boycott, le désinvestissement et les sanctions.
Ces tactiques, a-t-il dit,
« se montrent de plus en plus disposées à aider ».
« Le Conseil de sécurité constitue le problème. Il n’est pas réparable. Utilisons ce dont nous disposons pour tenter de le défier, y compris à l’Assemblée générale, mais surtout dans la rue. »
Israël massacre des enfants palestiniens
Israël a continué de tuer et de blesser des Palestiniens en dépit du prétendu cessez-le-feu du 10 octobre, a rapporté la rédactrice en chef adjointe, Nora Barrows-Friedman, dans son briefing des infos en début d’émission.
Entre-temps, l’aide humanitaire si désespérément nécessaire – matériaux pour abris, médicaments, nourriture de base et fournitures pour la réparation des infrastructures – reste bloquée, ce qui en ajoute encore aux diverses catastrophes qui frappent les Palestiniens à la venue des pluies d’hiver.
La destruction par Israël des habitations et des immeubles de l’autre côté de la très vague et invisible « ligne jaune » est en cours et pose des menaces pour les Palestiniens qui essaient de retourner chez eux.
Visionnez le rapport complet sur YouTube et lisez-le ici.
Tortures sexuelles de la part des ravisseurs israéliens
Des Palestiniens de Gaza récemment relâchés de leur détention en Israël ont rapporté des épisodes horribles de viol et de torture sexuelle de la part de leurs ravisseurs israéliens, a rapporté Abunimah au cours du livestream.
Il a détaillé ces récits dans son article du 13 novembre intitulé « Des Palestiniens racontent les viols collectifs commis par les soldats israéliens et leurs chiens ».
Le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH), qui a recueilli les témoignages ces dernières semaines, a déclaré qu’ils reflétaient une politique systématique s’inscrivant dans le cadre du génocide d’Israël, plutôt que concernant des incidents isolés. Pendant le livestream, Abunimah a partagé un clip provenant d’une interview récente de l’avocat Ben Marmarelli par la journaliste canadienne Samira Moyheddin, laquelle interview confirme cet avis.
L’un des rares cas de victimes palestiniennes ayant attiré l’attention générale impliquait un détenu violé collectivement et grièvement blessé par un groupe de soldats israéliens au camp de détention de Sde Teiman.
L’affaire était venue à la lumière l’an dernier après que plusieurs soldats avaient été arrêtés en raison de cette agression et qu’une vidéo de l’incident avait été diffusée par la télévision israélienne.
Le client de Marmarelli est un autre prisonnier politique palestinien qui, dit l’avocat, a été soumis à de graves violences, y compris des abus sexuels répétés.
L’avocat a déclaré que son client l’avait imploré de ne plus venir le voir, parce que le personnel israélien le violait après chacune de ses visites. Quand on lui a demandé s’il avait été surpris par les récits de violence sexuelle à Sde Teiman, Marmarelli a déclaré que la violence sexuelle était systématique, là-bas, ainsi que dans d’autres centres de détention.
« Non seulement ils ont violé tous les prisonniers, mais ils ont des caméras qui filment en permanence, 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. Donc, s’ils voulaient vraiment intervenir contre les viols, les tabassages et la torture, ils auraient déjà pu le faire depuis des années. Ils ne le font tout simplement pas »,
a déclaré Marmarelli.
Ce n’est que parce qu’il y a eu toute cette attention internationale autour de ce cas précis de violence sexuelle à Sde Teiman qu’Israël a décidé de faire des boucs émissaires de ses auteurs, estime Marmarelli.
Même ce cas de poursuite symbolique de la justice a mis les Israéliens en rage et a déclenché un important soutien en faveur des hommes accusés de viol.
Le rédacteur en chef adjoint Asa Winstanley a fait remarquer que tout à fait contrairement aux preuves écrasantes de violence sexuelles systématiques commises par des Israéliens sur les Palestiniens, il n’y avait toujours pas la moindre preuve que des Israéliens aient été violés le 7 octobre 2023.
Pourtant, cette accusation est mentionnée en permanence dans « chaque article israélien et occidental » sur le 7 octobre, a ajouté Winstanley.
Abunimah et Winstanley ont démystifié un rapport du Dinah Project, lors du livestream de The Electronic Intifada du 10 juillet.
Mais l’une des agentes du média de propagande israélienne, Ruth Halperin-Kaddari, continue de tenir des propos promouvant ce mensonge génocidaire concernant les prétendus viols massifs.
Récemment, elle a pris la parole à la London School of Economics et a accusé The Electronic Intifada de « négationnisme ».
La haute fonctionnaire suisse qui a fait interdire Ali Abunimah a désormais un emploi au service d’Israël
Winstanley a apporté une mise à jour à propos de l’arrestation d’Abunimah à Zurich en janvier dernier.
Abunimah a été arrêté et incarcéré pendant trois jours après être entré légalement en Suisse pour prendre la parole contre le génocide israélien. Il a ensuite été expulsé du pays.
Winstanley a écrit sur l’incident et c’est la première mise à jour significative depuis février.
« Une haute fonctionnaire suisse liée à Israël a ordonné l’arrestation d’Ali Abunimah, révèle une enquête ».
Tel est le titre du tout récent article de Winstanley.
Nicoletta della Valle, à l’époque directrice de Fedpol, l’agence suisse de police fédérale, a été directement impliquée dans l’affaire et une nouvelle enquête du parlement suisse qualifie ses actions de « particulièrement problématiques ».
Le rapport est sorti le 11 novembre et, le même jour, Abunimah a publié des commentaires à ce sujet sur X/Twitter.
« Ces violations graves des droits démocratiques et humains ont été commises pour m’empêcher de prendre la parole lors d’événements publics légaux – organisés par des citoyens et des résidents suisses – pour réclamer que soit mis un terme au génocide d’Israël à Gaza, écrivait-il.
En janvier, la police cantonale suisse avait demandé que Fedpol émette une interdiction avant qu’Abunimah n’entre en Suisse. Mais Fedpol avait précisé que les opinions d’Abunimah étaient protégées par la liberté d’expression et qu’il ne représentait aucune menace sécuritaire pour la Suisse.
Comme cela a été dit en février, Abunimah a été interdit d’entrée dans le pays seulement après son arrivée.
Le nouveau rapport révèle que c’est della Valle qui était responsable de ce revirement.
Della Valle a démissionné peu de temps après, acceptant une fonction lucrative dans la firme d’investissement israélienne Champel Capital au printemps 2025, ce qui a suscité la polémique en Suisse.
« Son nom a été retiré du site internet [de Champel Capital]. Mais on ne sait pas très clairement si, en fait, elle a démissionné de la société ou pas. Ou si la firme essaie tout simplement de garder un profil bas »,
a expliqué Winstanley.
La publication suisse Die Wochenzeitung rapportait le mois dernier que la société levait actuellement 100 millions de USD pour un nouveau fonds d’investissement dans l’industrie israélienne de l’armement. Le groupe tire donc directement profit du génocide à Gaza.
Abunimah a déclaré qu’il avait actuellement plusieurs affaires devant les tribunaux suisses qui recherchaient d’établir les responsabilités dans ce qui lui était arrivé en janvier. En s’appuyant sur de nouvelles informations, ses avocats ont introduit des motions complémentaires.
Abunimah a insisté sur le fait que sa motivation était d’établir un précédent plus large dans le droit suisse et en Europe du fait que la Suisse est signataire de la Convention européenne des droits humains.
« Je pense qu’il est important de se battre et de tenir ces gens responsables de façon à ce qu’ils sachent que ces attaques, que ce soit contre moi ou contre tout autre journaliste ou activiste ou personne, ont un coût. Qu’ils devront au moins y penser à deux fois »,
a-t-il ajouté.
Reportage sur la résistance
Notre contributeur Jon Elmer a couvert trois sujets au cours de son reportage sur la résistance : comment les Brigades Qassam, l’aile militaire du Hamas, continue de remplir ses obligations sous l’accord de cessez-le-feu en s’employant à renvoyer les corps des captifs israéliens ; comment l’armée israélienne est engagée dans la destruction de la partie située à l’est de la ligne jaune ; et, enfin, des vidéos récemment publiées par la résistance.
Elmer a dit qu’Israël avait violé le cessez-le-feu à 400 reprises en 41 jours, tuant et blessant plus d’un millier de Palestiniens.
Vidéo EI : « L’armée israélienne détruit les sites des combats dans lesquels elle a subi des pertes. »
Il a partagé des images des combattants de Qassam posant à proximité d’engins mécaniques lourds fournis par l’Égypte et qui servent à déterrer les corps israéliens.
Lors d’une autre violation du cessez-le-feu, Israël a interdit que ces engins servent à chercher les quelque 10 000 Palestiniens manquants et toujours sous les décombres un peu partout à Gaza.
Les combattants de Qassam
« ont été des hommes de parole et ils savant qu’ils traitent avec un ennemi fourbe et sans honneur, mais ils assument toujours leurs responsabilités, dans cette première phase de l’accord de cessez-le-feu »,
a expliqué Elmer.
Le 16 novembre, le général Eyal Zamir, commandant de l’armée israélienne, a visité Gaza.
« Dans la bande de Gaza, nous conservons le contrôle opérationnel de plus de 50 pour 100 du territoire, sans contrôler la population civile »,
En fait, Asem Alnabih, un fréquent invité et contributeur de The Electronic Intifada, désormais correspondant au service de la chaîne de télévision Al Araby, a calculé qu’Israël contrôlait 62 pour 100 de la bande de Gaza – ce qui constitue une autre violation de l’accord de cessez-le-feu.
Vous pouvez visionner l’émission (en anglais) sur YouTube, Rumble ou Twitter/X, ou vous pouvez l’écouter (toujours en anglais) sur votre plate-forme de podcast préférée.
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Ali Abunimah a contribué à l’élaboration de cet article.
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Publié le 22 novembre 2025 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine




