Il s’agit d’un réseau de 1.518 kilomètres de câbles sous-marins pour le transport d’énergie, qui connectera le réseau électrique israélien à l’Europe, via la Grèce et Chypre. Cette “autoroute de l’énergie” constituera une “route alternative pour le transfert d’énergie” à partir de l’Europe et vers l’Europe, lit-on sur le site web des promoteurs de cet énorme projet.
A la manœuvre, une “alliance stratégique” conclue avec Elia Grid International (EGI), une filiale d’Elia Group – le gestionnaire de réseau de transport belgo-allemand, à laquelle la Commission européenne a confié ce rôle moteur, en accord avec la Grèce et Chypre, et à qui l’UE apporte un “soutien de haut niveau” car il s’agit à ses yeux d’un “projet d’intérêt général” qui permettra la transmission, dans les deux directions, d’électricité entre les États de l’UE et Israël : 2.000 MW, soit l’équivalent de la consommation de 3 millions de ménages (les villes de Berlin et de Madrid additionnées).
Il y a quelques semaines, un appel d’offres a été lancé pour la réalisation de cette infrastructure, dont le coût est estimé à 4,3 milliards de dollars.
Alimenter les colonies
“Lorsque le système sera achevé, d’ici 2021, l’électricité européenne contribuera à l’impunité d’Israël pour ses crimes contre le droit international”, selon le Comité national palestinien BDS (BNC), le groupe directeur de la campagne internationale de boycott, de désinvestissement et de sanctions pour les droits palestiniens.
“Cela relierait les implantations illégales d’Israël au réseau électrique européen”, mettant l’UE en violation de ses propres politiques et de son obligation légale de ne pas reconnaître ou soutenir les actions illégales d’Israël, note le BNC dans un document d’information publié le mois dernier.
Le BNC note encore que depuis que de grandes réserves de gaz naturel ont été découvertes, à la fin des années 1990, dans les eaux de la Méditerranée orientale, Israël a été impliqué dans des controverses à propos de leur contrôle. “En achetant du gaz d’Israël, directement ou indirectement, l’UE deviendrait complice de l’annexion illégale par Israël du territoire palestinien occupé, de ses colonies illégales et du crime de pillage des ressources naturelles palestiniennes”, estime le BNC.
Laisser Gaza dans le noir
Des organisation de défense des droits humains sont depuis longtemps arrivées à la conclusion que le blocus maritime de la bande de Gaza par Israël est motivé par sa volonté d’empêcher les Palestiniens d’exploiter les réserves de gaz situées au large des côtes de Gaza.
“Non seulement Israël refuse aux Palestiniens l’accès aux réserves de gaz au large des côtes de Gaza, mais il a également exploité illégalement ces ressources pour son bénéfice exclusif tout en privant les Palestiniens de revenus”, déclare le BNC.
Pendant ce temps, la population de Gaza continue à souffrir de sévères pénuries d’électricité ayant potentiellement des conséquences mortelles mortelles (notamment parce que les hôpitaux sont gravement impactés), aggravées par le refus d’Israël d’assumer ses responsabilités en tant que puissance occupante (puisque Israël prétend contre toute raison ne plus occuper la Bande de Gaza depuis 2005).
Les efforts palestiniens pour mettre en valeur les réserves de gaz au large de Gaza échouent avec constance. Cette semaine, le groupe Royal Dutch Shell a annoncé qu’il renonce à sa participation dans le champ gazier de Gaza, ce qui laisse l’Autorité palestinienne sans partenaire international.
Israël a par ailleurs récemment menacé le Liban à propos des plans du gouvernement de Beyrouth.
“Les achats de gaz de l’UE à Israël susciteront un conflit armé entre Israël et le Liban, qui à son tour menacerait la sécurité énergétique de l’Europe résultant de l’interruption des approvisionnements si la guerre éclatait”, prévient la BNC. Il estime également que les investisseurs de l’UE font face à une “forte probabilité de pertes financières en raison de la situation de sécurité instable et imprévisible”.
Selon le BNC, Israël a rencontré des difficultés à obtenir des investissements dans certains de ses projets gaziers en raison de préoccupations des investisseurs éventuels concernant les conflits juridiques potentiels avec les Palestiniens et les Libanais, la sécurité, les coûts et l’instabilité géologique. Mais l’UE a pour sa part continué apporter un soutien constant à Israël.
La société grecque Energean Oil & Gas vient d’annoncer qu’elle a obtenu un financement de 1,27 milliard de dollars pour développer le gisement de gaz Karish contrôlé par Israël. Cet accord est souscrit par les banques françaises Natixis et Société Générale, et la banque israélienne Hapoalim. Comme toutes les grandes banques israéliennes, Hapoalim est profondément complice de la colonisation illégale des territoires occupés.
Dépendance
“L’approche d’Israël pour accéder au marché européen du gaz a été de forger une alliance avec Chypre et la Grèce, couvrant la coopération économique, politique et militaire”, explique le BNC. “Cela s’est fait au détriment du soutien historique des deux pays aux droits des Palestiniens”.
Le gouvernement grec dirigé par le parti Syriza – qui se proclame de gauche radicale – dirigé par Alexis Tsipras, a renforcé considérablement son adhésion à la politique d’Israël.
Mais la collaboration des “élites” avec Israël au détriment des Palestiniens ne se limite pas aux alliés européens d’Israël. Les partenaires israéliens et américains développant le champ gazier de Leviathan ont annoncé qu’ils étaient prêts à commencer à fournir du gaz à la Jordanie par des pipelines directs et via l’Égypte.
Cela va mettre en ligne un accord de 10 milliards de dollars que la Jordanie a signé pour acheter du gaz fourni par Israël en dépit d’une opposition populaire acharnée.
Le mois dernier, la junte militaire au pouvoir en Égypte a signé un accord pour acheter 15 milliards de dollars de gaz israélien. Cela s’est produit après qu’Abdulfattah al-Sisi, le chef de l’armée qui a pris le pouvoir lors d’un coup d’État militaire en 2013, ait autorisé Israël à mener des frappes aériennes contre des insurgés dans la péninsule égyptienne du Sinaï.
“Cette dépendance est de mauvaise augure pour les Égyptiens, qui verront leur politique circonscrite par Israël et les Palestiniens, pour qui toute normalisation du rôle et de la position d’Israël dans la région et dans le monde est une normalisation de l’occupation et de l’oppression” a commenté Omar Karmi, de “Electronic Intifada”.
L’UE se préoccupe peu de ses engagements climatiques
En plus des atteintes aux droits humains que l’UE commet en intégrant Israël dans ses infrastructures énergétiques, le BNC souligne que “l’Europe des 28” trahit également ses engagements concernant la lutte contre le changement climatique en continuant à investir massivement dans les infrastructures pour l’exploitation de combustibles fossiles.
Le BNC exhorte l’UE et les gouvernements grec et chypriote à abandonner l’EuroAsia Interconnector, à annuler une étude de faisabilité pour un projet de gazoduc en Méditerranée orientale et à mettre en garde les entreprises et les investisseurs contre les risques juridiques, économiques et de sécurité.
Compte tenu de l’histoire du soutien que les dirigeants de l’UE apportent aux violations du droit international par Israël, il appartiendra probablement aux militants européens de faire pression sur les entreprises et autres parties prenantes pour mettre fin à cette honteuse complicité.
L.D. sur base d’un article d’Ali Abunimah, publié le 7 mars 2018 sur The Electronic Intifada