Le gouvernement belge refuse de réclamer la libération d’un citoyen emprisonné par Israël

Si la Belgique prend son devoir de protéger tous ses citoyens au sérieux, le gouvernement doit exiger la libération immédiate et inconditionnelle d’Awad.

Si la Belgique prend son devoir de protéger tous ses citoyens au sérieux, le gouvernement doit exiger la libération immédiate et inconditionnelle d’Awad.

Mustapha Awad

Le surréalisme était autrefois l’apanage des peintres en Belgique. Aujourd’hui, même les diplomates du pays semblent l’avoir maîtrisé. Car il y a quelque chose de surréaliste dans la façon dont ils utilisent le personnage de bande dessinée Spirou, en tant que défenseur des droits de l’homme, tout en refusant de défendre un artiste belge, un être bien réel celui-ci, dont les droits de l’homme sont bafoués par Israël.

Mustapha Awad, éminent représentant de la danse traditionnelle palestinienne, le dabke, a été arrêté par les autorités israéliennes en juillet dernier. Awad est un Palestinien de nationalité belge. Pourtant, le gouvernement belge pratiquement gardé le silence sur son maintien en détention.

Le silence a finalement été brisé la semaine dernière. Didier Reynders, le ministre belge des Affaires étrangères, a tweeté que l’assistance consulaire a été fournie à Awad et qu’il avait été demandé à Israël de clarifier les accusations portées contre lui. Des tweets d’une timidité inexcusable.

Les allégations d’Israël selon lesquelles Awad appartiendrait à une organisation « terroriste » ont été catégoriquement rejetée par son équipe juridique. Les autorités israéliennes n’ont présenté aucune preuve crédible contre Awad, ainsi que l’a reconnu Reynders.

Mustapha Awad est un Palestinien qui n’était jamais allé en Palestine auparavant. Âgé de 36 ans, il est né à Ein al-Hilweh, un camp de réfugiés au Liban. La Belgique a reconnu son statut de réfugié à l’âge de 20 ans. Israël l’a arrêté cet été alors qu’il tentait d’entrer en Cisjordanie occupée via la Jordanie.

Mauvais traitements

Si la Belgique prend son devoir de protéger tous ses citoyens au sérieux, le gouvernement doit exiger la libération immédiate et inconditionnelle d’Awad.

L’affirmation de Reynders, par Twitter interposé, selon laquelle la Belgique fait tout ce qu’elle peut ne résiste pas à l’examen. Il a fallu presque trois semaines avant qu’un diplomate belge aille voir Awad en prison. Awad n’a pas pu entrer en contact avec sa famille ou avec ses amis. Selon ses avocats, Awad a été maltraité, notamment par privation de sommeil.

Reynders a réagi plus rapidement quand un autre citoyen belge, Amaya Coppens, a été arrêté au Nicaragua, où elle aussi a été accusée de terrorisme.

Alors qu’il a attendu deux mois et demi avant de faire tout commentaire public sur l’affaire Awad, Reynders a exprimé son malaise à propos de la situation de Coppens dans les deux jours suivant son arrestation. Et il a tenu à discuter de la question avec des représentants du Nicaragua lors de sa visite à New York pour l’Assemblée générale des Nations Unies.

Charles Michel, le Premier ministre belge, s’est fait photographier serrant la main de son homologue israélien, Benjamin Netanyahu, au cours de la même réunion. Rien n’indique que Michel ait profité de l’occasion pour faire pression pour la libération d’Awad.

Pourquoi le gouvernement belge adopte-t-il des attitudes si différentes dans les deux affaires ?

Sous la présidence de Daniel Ortega, le Nicaragua entretient des relations tendues avec l’Occident. Les affrontements avec l’administration de gauche à Managua ne présentent aucun coût politique ou économique majeur pour la Belgique.

Double standard

À l’inverse, la Belgique se vante de ses relations cordiales avec Israël. Parfois, les diplomates belges vont même jusqu’à louer les musiciens de leur pays qui apportent une «grande ambiance» quand ils jouent Tel Aviv. Cet éloge insensé ne tient pas compte du fait que ces musiciens ont refusé de répondre à l’appel palestinien au boycott d’Israël.

La Belgique et Israël sont des partenaires commerciaux importants. Anvers – la deuxième ville de Belgique 1) – et Tel-Aviv sont des acteurs importants du commerce mondial du diamant, grâce à une interaction étroite entre les deux.

Plus de 40% de tous les produits israéliens importés en Belgique en 2017 sont constitués de métaux précieux et pierres précieuses. L’armée belge est également un client de la société d’armement israélienne Elbit Systems.

L’année dernière, la Belgique a brièvement indiqué qu’elle serait peut-être disposée à se comporter avec un peu moins de déférence envers Israël. Elle a pris les devants parmi un groupe de pays de l’UE en protestant contre les destructions causées par Israël à des projets d’aide qu’ils avaient financés en Cisjordanie occupée.

La protestation n’a oas fait long feu, parce que la Belgique ne l’a pas accompagnée de menaces de sanctions ou de poursuites judiciaires. De manière prévisible, Israël a continué à vandaliser des écoles palestiniennes financées par les contribuables européens.

C’était un assaut vicieux contre le droit à l’éducation [des enfants palestiniens]. Cependant, plutôt que de contester l’agression israélienne, la Belgique punit les Palestiniens. La Belgique a annoncé en septembre qu’elle avait coupé le financement des écoles administrées par l’Autorité palestinienne. Ce faisant, la Belgique a capitulé sous la pression de lobbyistes pro-israéliens qui ont objecté qu’une école portait le nom d’un combattant de la résistance palestinien.

Israël attribue de manière habituelle le nom de criminels de guerre à ses rues et à ses institutions, et continue de célébrer ouvertement les terroristes qui ont bombardé le l’Hotel King David à Jérusalem en 1946 . Cette violence n’a jamais été un obstacle au soutien de la Belgique à l’État israélien.

La Belgique étant une société multiculturelle, elle devrait être fière de Mustapha Awad. Il a dirigé la troupe Ra’jeen Dabke avec beaucoup d’enthousiasme. Je me souviens du sourire radieux qu’il a eu à la fin d’une performance entraînante du groupe dans une université bruxelloise, plus tôt cette année.

Le refus de Didier Reynders d’exiger la libération d’Awad relève du double standard et, très probablement, du racisme.

Le ministère belge des Affaires étrangères suit un scénario qui ressemble à celui de «Animal Farm» de George Orwell. Tous les citoyens sont égaux mais certains sont plus égaux que d’autres.

David Cronin                


Cet article de David Cronin a été publié sur Electronic Intifada le 16 octobre 2018, sous le titre «Belgium refuses to demand release of citizen jailed by Israel» – Traduction : Luc Delval

David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

Il a écrit de nombreux articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ »arrestation citoyenne » à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité. 

D’autres articles de David Cronin, ou parlant de lui sont publiés sur ce site

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