L’expulsion du peuple palestinien de son pays de 1947 à 1949 s’accompagna de la création de ses mouvements politiques, de sa représentation nationale et de ses institutions populaires.
Les jeunes Palestiniens cherchèrent à établir des structures dans le but de combler ce vide politique, comme le met en évidence le document fondateur du Fatah, Notre Manifeste.
De nouvelles organisations politiques étaient nécessaires de toute urgence pour aborder directement le changement de réalité de la vie palestinienne, caractérisée désormais par la dispersion, l’absence d’État et le manque de représentation.
Étant donné la brusque fragmentation de tout un peuple dans différents pays, ces structures furent exceptionnellement diverses, en termes de contexte régional, de classes et de genres.
En tant que réfugiés, les Palestiniens se mélangèrent davantage : dans les camps de réfugiés sous tentes, comme Karameh, les jeunes Palestiniens des villes et des villages ruraux vivaient intimement les uns avec les autres et ils constituèrent des alliances étroites, se joignirent à des discussions permanentes sur la façon de faire face à leur nouvelle situation des plus pénibles.
De façon très typique, les nouveaux mouvements politiques débutèrent autour d’un groupe de base qui travaillait dans un espace politique similaire et qui, progressivement, développa une vision commune.
En tant qu’espaces partagés où les jeunes se rencontraient sur base quotidienne, les hautes écoles et les universités donnèrent naissance à de nombreux mouvements de ce type.
Les deux plus importants et durables se constituèrent au Caire et à Beyrouth, où de nombreux jeunes Palestiniens étaient à l’université, aussi bien au moment de la Nakba que par la suite.
La création du Mouvement des nationalistes arabes trouva ses origines dans le cercle estudiantin à l‘Université américaine de Beyrouth.
Les fondateurs de Fatah furent actifs au sein de l’Association des étudiants palestiniens au Caire, ainsi que dans divers rassemblements d’étudiants dans diverses autres villes arabes.
Les protestations populaires réclamant un changement anticolonial et révolutionnaire, souvent dirigées par des étudiants, parcoururent le monde arabe tout au long des années 1950 et jouèrent un rôle prépondérant dans la création de nouveaux mouvements politiques.
La sévère répression étatique, comme lors des protestations estudiantines de 1954 à Beyrouth, aboutit à la consolidation des alliances et au peaufinement des idées, ainsi qu’à la poursuite du développement de structures dirigeantes clandestines.
Sa première réunion, organisé au Koweït, réunit d’anciens organisateurs de jeunes et d’étudiants venus du Caire, de Gaza et de Damas.
Ce fut une première étape vers l’inclusion de groupes des pays de la périphérie du Golfe et d’au-delà.
Certains groupes furent créés en réponse à des événements spécifiques. La création du Front populaire pour la libération de la Palestine, par exemple, fut une résultante directe de la guerre des Six-Jours, en 1967, et de la décision prise ensuite par le Mouvement des nationalistes arabes de se dissoudre afin de former plusieurs mouvements arabes opérant indépendamment les uns des autres.
Donner un nom à un groupe était un acte important. Les fondateurs s’efforçaient de donner des noms avec des orientations idéologiques et organisationnelles bien distinctes, tout en essayant d’attirer un public le plus large possible.
La plupart des groupes se choisirent un nom quelques années après leur fondation.
Le Mouvement des nationalistes arabes, par exemple, utilisa publiquement son nom pour la première fois en 1958, c’est-à-dire plusieurs années après avoir commencé à opérer. Ce nom fut confirmé en 1959 à l’issue d’un sondage parmi les membres.
Les symboles ont également joué un rôle important dans la fondation des structures palestiniennes. Ils cultivaient un sens de la cohésion interne et de la loyauté et reflétaient en outre l’identité de la structure qu’ils représentaient.
Quand le grand artiste syrien Natheer Naba’a a dessiné le symbole d’Al-Asifah en 1966, il a créé des symboles qui concordaient avec la stratégie du Fatah à l’époque. Les deux bras qui se croisent, couverts du drapeau palestinien et tenant des armes, exprimaient directement l’engagement du mouvement vis-à-vis de la libération armée, le besoin des Palestiniens de ne dépendre que d’eux-mêmes, ainsi que l’idée d’unité dans la lutte. Une carte entière de la Palestine historique était ajoutée afin de souligner l’intention de libérer le territoire dans sa totalité. L’inclusion de trois armes individuelles différences (grenade, glaive et fusil), les flammes et la calligraphie nerveuse transmettaient l’idée d’une guerre de guérilla.
Naba’a a produit un effet extrêmement dynamique par le biais de la force intentionnelle de trois combinaisons, en utilisant ces trois symboles dont on peut voir qu’ils débordent du cadre même du graphisme.
Par contre, lorsque l’artiste palestinien Ismail Shamout dessina l’écusson de l’OLP en 1964, il produisit un effet très sobre qui concordait avec le statut de l’OLP en tant que structure nationale dominante, et non comme structure idéologique et partisane.
Par conséquent, il se contenta d’y faire figurer trois symboles unificateurs – une carte complète de la Palestine historique, le drapeau palestinien et un flambeau. Ces images signifient respectivement la patrie, le peuple et la liberté.
Pour les accompagner, il inclut le mot d’ordre de l’OLP : « Unité patriotique, mobilisation nationale arabe, libération ».
En tant qu’organisation nationale, l’OLP différait des mouvements politiques et idéologiques palestiniens, dans la nature et le ton de ses symboles.
Fonder une structure nationale comporte son propre ensemble de défis : il était nécessaire d’y inclure les nombreux mouvements et secteurs palestiniens et il était également essentiel d’obtenir la reconnaissance de la part des États arabes, de façon à contrebalancer leurs agendas et intérêts contradictoires.
La création de l’OLP requérait la constitution de corps militaires, économiques, diplomatiques, culturels et sociaux représentant un peuple en exil.
Des fonds étaient nécessaires, pour soutenir ces structures. Étant donné que ces fonds provenaient directement des États arabes ou étaient assurés par des collectes au sein de leurs frontières, un long dilemme de la politique révolutionnaire de l’OLP consista à s’assurer que les ressources pussent être mobilisées sans nuire pour autant à l’indépendance palestinienne.
Le développement de l’indépendance des capacités financières palestiniennes constitua la raison de la création d’institutions comme le Fonds national de la Palestine.
Au cours des années 1960 et 1970, l’OLP créa de nouveaux corps et structures dans lesquels furent actifs des milliers d’économistes, de sociologues, d’ingénieurs, de médecins et autres professionnels palestiniens.
Outre assurer les besoins de base, ces structures nationales contribuèrent également à unifier les Palestiniens en les liant via de nombreux moyens matériels et affectifs.
En sus des structures nationales et les mouvements clandestins, les Palestiniens travaillaient également à la création des syndicats populaires, tel l’Union générale des travailleurs palestiniens.
En raison de la large dispersion du peuple palestinien, la création de telles structures populaires dépendait d’une mobilisation efficace au niveau national, mais avec des initiatives locales dans chacun des pays d’accueil.
Deux des principales organisations populaires, les Syndicats des Etudiants et des Travailleurs, avaient été créés avant la fondation de l’OLP, alors que d’autres syndicats, comme l’Union générale des femmes palestiniennes, créée en 1968, naquit sous les auspices de l’OLP.
Ces syndicats à leur tour créèrent de nombreuses sous-structures, comme le Bayt Atfal al-Summoud.
Les organisations populaires en vinrent à jouer un rôle de plus en plus important dans la politique nationale du mouvement et se virent par conséquent accorder un large pourcentage de sièges au Conseil national palestinien (CNP), instauré en 1964 en tant que parlement en exil du peuple palestinien.
Depuis 1973 jusqu’à ce jour, la création de nouvelles structures populaires a été guidée par le cadre établi lors de la 11e session du CNP au Caire.
Karma Nabulsi est chargée de cours en politique au collège St Edmund Hall de l’université d’Oxford.
Avec son équipe elle a réalisé un cours en ligne sur la révolution palestinienne.
Le cours est disponible sur : learnpalestine.politics.ox.ac.uk.
Le texte ci-dessus est le deuxième chapitre de la partie
Apprendre la révolution
Traduction : Jean-Marie Flémal
Mise en page + quelques photos et liens supplémentaires : la rédaction de ce site